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Art et transmission : rencontre avec Héloïse Georget, restauratrice d’œuvres d’art

d'Aurélie Charrier   25 avril 2013
Temps de lecture 4 mn

Restauratrice et copiste d’œuvres d’art, Héloïse Georget, s’est installée à Hyères-les-palmiers, où elle a fondé, il y a quelques années, son atelier, Art Generis. Rencontre avec cette jeune artiste qui nous présente un peintre qu’elle apprécie particulièrement, William Bouguereau. Son œuvre témoigne en effet d’une certitude qui l’habite, et dont elle vit au cœur de sa profession : l’artiste, s’il est créateur, ne peut se passer de maîtres, de l’ancrage dans une forme de tradition.

Qu’est-ce qui vous a attirée dans le métier de restaurateur ? Quels ont été votre parcours, votre formation ? Quel type de restauration effectuez-vous ?
Le métier de restaurateur est un métier où le travail bien fait est exigé, que l'œuvre ait de la valeur ou non. Et c'est cela qui me plaît. Un tableau (même si cela peut paraître exagéré) est traité comme un patient. On compare souvent le métier de restaurateur à celui de médecin. Le restaurateur n'est pas un expert. Le restaurateur ne doit pas estimer ou chercher la valeur d'un tableau : il serait injuste de traiter plus ou moins bien une œuvre selon sa valeur ! Elle reste un témoin pour les générations futures et souvent, pour les particuliers, une œuvre sentimentale, par son histoire familiale.

Ce que j'aime beaucoup aussi dans ce métier c'est la diversité des disciplines qui s’y réunissent. Science et art se côtoient, un alliage tout à fait compatible. Je me prends parfois pour une chimiste, une détective, une historienne d'art en menant mon enquête sur les origines d'une œuvre.

J'ai suivi une formation sur 4 ans d'études dans un atelier école qui s'appelait ATEC situé à Chateaurenard dans les Bouches du Rhône.

Je restaure essentiellement des peintures à l'huile sur toile. Il m'arrive d'avoir des œuvres sur bois, métal ou papier. J'ai déjà eu entre mes mains des œuvres allant du 17ème au 20ème siècle, que ce soit des scènes religieuses, des paysages, des portraits, des natures mortes. Je traite tous les sujets.

Pouvez-vous nous parler d’un peintre que vous aimez particulièrement ? Quand et comment l’avez-vous « rencontré » ?
Je pourrais citer de nombreux peintres. Notamment ceux appartenant à l'école hollandaise ou encore à l'école de la Renaissance italienne. Un lien étroit réunit ces deux écoles : la recherche d'une totale maîtrise picturale pour représenter le beau. Et c'est cette recherche et sa transmission qui m'intéressent particulièrement.

Afin d'illustrer ce sentiment, j'ai envie de choisir un peintre français que j'ai découvert lors de mes études en restauration de tableaux, une manière de rendre hommage à notre patrimoine. Il s'agit de William Bouguereau, un peintre qui suit la règle académique, né à La Rochelle au XIXème siècle.


Admiration maternelle 1869, 89x116cm

Comment décririez-vous sa peinture ?
Sa peinture suit une règle bien précise que l'on regroupe sous l'appellation Art Académique.

L'anatomie, la géométrie, la perspective et l'étude d'après le modèle vivant constituent les bases de l'enseignement préparatoire à la peinture. Cette règle regroupe tous les mouvements artistiques qui affirment la primauté du dessin sur la couleur, qui privilégient le travail en atelier par rapport au travail en plein air, qui réalisent des œuvres « achevées » et qui imitent les anciens et la nature.

William Bouguereau me touche beaucoup car en mettant en valeur le beau par son sens très réaliste, il rend grâce et met à l'honneur la création divine. En parcourant l'ensemble de ses œuvres, beaucoup d'amour et une admiration du lien maternel et fraternel en ressort.

Ce peintre se distingue par son style très caractéristique que l’on reconnaît de loin dans sa manière d'aborder ses sujets. Il représente la peau de ses personnages si lisse, si pâle et lumineuse que l'on croirait voir de la porcelaine. Une manière sans doute de rappeler la fragilité, la vulnérabilité humaine.

Par rapport à Ingres qui était son maître de référence, William Bouguereau apporte plus de fraîcheur à sa peinture et un dynamisme remarquable dans les jeux de mouvement, une gestuelle raffinée et élégante, comme une danse s'invitant dans la peinture.

Ses œuvres religieuses vibrent quant à elles d'une paix et sérénité totales qui nous invitent au recueillement, à la contemplation et à la méditation.


Nymphes et Satyre, 1873, 180x260cm

Pourquoi l’appréciez-vous particulièrement ?
William Bouguereau fait partie de ces peintres que j'apprécie beaucoup pour une démarche finalement très humaine et humble. Humaine parce qu'il entre historiquement dans cette continuité de la tradition : il a exploité son talent, l'a donné aux spectateurs et influença par la suite les peintres contemporains ; humble car il a su regarder ses maîtres comme étant au-dessus de lui-même, et s'est mis pour cela en disposition de recevoir, pour écouter attentivement les conseils qui lui sont transmis.

A la fin du XIXème siècle, les critiques fusaient. La technique picturale était pour certains trop lisse, trop soignée, trop utopique… Les peintres avaient sans doute peur de s'y ennuyer, des thèmes selon eux trop vus, trop faits et refaits…

L'idée principale qu'enseignent les œuvres de Bouguereau aux contemporains est, à l’inverse, que le résultat du beau est aussi le fruit d'un échange fort et intime entre le maître et son élève, un regard très proche de celui du père porté sur son enfant.


Les saintes femmes au tombeau, 1890

En quoi ce peintre rejoint-il votre expérience de restauratrice ?
Là où ce peintre me rejoint, c'est d’abord au niveau purement technique. Etre peintre, cela s'apprenait avec beaucoup de rigueur. Ce métier était polyvalent, il fallait avoir des notions de chimie, de mathématiques, d'histoire de l'art.

Un peintre avait des connaissances bien précises sur les produits qu'il employait, sur ce qu'il pouvait faire ou ne pas faire. Aujourd'hui, et cela même dans les écoles de beaux-arts, la pérennité d'une œuvre n'est plus une priorité. Or, l'art était un moyen de témoigner essentiellement de son temps, d'immortaliser un souvenir une période historique, une personne et pouvait enfin être décoratif.

Mon métier m'a aussi appris à rester dans l'ombre du peintre. Chaque geste que j'apporte à une œuvre doit être transparent face au génie du peintre. Je ne dois pas lui voler la vedette. Mon travail consiste alors à imiter sa technique pour garder l'intégrité et respecter l'authenticité de la peinture.

Dans le rapport maître-élève, j'ai eu cette chance de connaître cette richesse. Il y a une relation personnelle avec un maître qui ne peut pas être remplacée par des cours standardisés, assise derrière un chevalet parmi tant d'autres. J'insiste dessus car le lien maître à élève est indescriptible, cela se vit ! Il n'y a rien de plus beau que d'avoir un regard posé sur soi. Ce soi si petit d'expérience, que l'on ne peut que tirer sa révérence face à cette accumulation de savoirs. Un savoir qui se déroule comme un tapis rouge devant vous autrement dit, dans mon cas personnel, devant la future vie de restauratrice qui m'attendait.

Site : http://art.generis.free.fr/

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