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de Claire Lefranc   16 mai 2013
Temps de lecture 2 mn

Jusqu'au 05 juin une exposition originale sur le parfum N°5 de Chanel est à découvrir au Palais de Tokyo à Paris. Gabrielle Chanel au génie si féminin, nous guide dans ce grand couloir blanc pour un voyage très personnel, celui de son premier parfum.


CC BY lilivanili

Tout commence par un drame. En hiver 1919 Boy, Arthur Capel, amant de Coco, décède dans un accident de voiture. Coco Chanel vit une terrible absence, un vide. Elle part à Venise avec des amis pour reprendre souffle et là-bas, une intuition grandit : de ce silence, de ce manque, elle va créer un parfum, Le parfum de Coco, le N°5 !

Au fur et à mesure des vitrines, Jean-Louis Froment, Commissaire de l'exposition, nous entraîne dans ce monde merveilleux d'une Coco créatrice aux nombreux amis artistes, écrivains, peintres, chorégraphes, dans ses lieux favoris, aux inspirations et influences réciproques. A travers tout cela se façonne cette intuition et les 80 fragrances proposées pas le nez Ernest Beaux y répondent. Il ne s'agit plus des traditionnelles senteurs de rose ou de lavande, la composition est nouvelle et marque d'une façon indélébile le monde du parfum, de la mode, de la femme. Nous sommes en 1921.

Les anecdotes rythment l'exposition en révélant délicatement la vie passionnante de cette créatrice. De Catherine de Médicis qui a inspiré la signature de Coco, à Cocteau qui fit l'éloge de cette femme à la miraculeuse influence sur le monde. "Elle imposait de l'invisible ; elle imposait au tapage mondain la noblesse du silence"[1], en passant par Apollinaire, Reverdy et aussi Picasso, Dali, Sati, etc. "Elle a été la compagne de toutes nos recherches"[2].

Une fois la composition établie, c'est le style du flacon, de l'étiquette, qui s'inscrivent dans l'histoire passionnante de Coco. Ligne nette, épurée, architecturale, pour souligner son chiffre porte-bonheur, ce parfum se démarque en tout à cette époque et entre dans l'histoire. "Pour être irremplaçable, il faut être différent"[3] disait Coco. Elle sera d'ailleurs la première égérie du N°5 qu'elle incarne naturellement en 1937 pour la première publicité. Suivront Catherine Deneuve, présentée au côté des fines lignes de la Muse endormie de Brancusi, puis Carole Bouquet, Nicole Kidman… figures de beauté idéale.


CC BY-NC-SA joanneteh_32

L'exposition se conclut par une exploration ingénieuse des 6 fragrances majeures de la composition du N°5, liées aux 6 lieux préférés de Coco, illustrés par des herbiers et des créations lumineuses inspirées par chacune des fragrances.

Une révérence historique pour un parfum d'éternité né de circonstances douloureuses, accompli grâce à des amitiés profondes, des passions communes, par cette femme créatrice, unique, moderne et gracieuse.

"Ce parfum est un art du silence (…)
Il vient de loin.
Il survient. (…)
Ce parfum est peut-être une empreinte d'éternité, bien sûr.
Il est toujours féminin. (…)
L'incompréhensible de son silence, c'est ce qui lui offre les ailes pour traverser les espaces et l'innomé de sa composition lui offre la gravité d'une mémoire sans fin.
Il donne l'illusion du temps.
Ce parfum ne conclut jamais. (…)
Il est résolument contemporain de nos instants. (…)
Ce parfum n'est porteur d'aucune temporalité définie puisqu'il ambitionne le temps avec lequel il se confond dans un présent perpétuel, que seul un objet de culture a l'audace de renouveler."[4]


CC BY-NC hto2008


[1] Jean Cocteau, "Le retour de Mademoiselle Coco", Le Nouveau Fémina, N°1, 1954.
[2] Jean Cocteau, "Le retour de Mademoiselle Coco", Le Nouveau Fémina, N°1, 1954.
[3] Gabrielle Chanel in Marcel Haedrich, Coco Chanel, Paris, P. Belfond, 1987, p.176
[4] Extraits de l'introduction à l'exposition de Jean-Louis Froment, Commissaire de l'exposition.

 

 

 

 

 

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