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De l’évolution de la place des femmes dans la société indienne

28 mai 2013
Temps de lecture 3 mn

Eléonore Dupré, a travaillé en Inde dans une ONG à Madurai[1] puis a étudié à l’université Jawaharlal Nehru, à New Delhi. A son retour, elle a soutenu un mémoire sur l’évolution de la place des femmes dans la société indienne.


© Victor Lacoste

1. Votre mémoire analyse l'évolution au plan social de la condition féminine en Inde. Suite aux événements tragiques survenus ces derniers mois et aux manifestations qui ont suivi pour l'émancipation féminine, peut-on parler d'un changement de fond ?

Le viol collectif qui s’est déroulé à New Delhi en décembre 2012 a en effet suscité des manifestations d’une ampleur encore inégalée en Inde. Aujourd’hui, on assiste à un important débat national amenant la société à s’interroger sur elle-même. Pourquoi les femmes sont-elles si peu en sécurité en Inde ? Au-delà des divergences de lecture sur les facteurs de telles violences et la récurrence de celles-ci, il y a la question du construit social de la domination masculine. Il y aurait un lien entre la domination masculine et 1. Un taux élevé de violence à l’encontre des femmes, 2. Un climat d’impunité pour les coupables (qui se traduit notamment par le transfert de la culpabilité sur la victime). Gautam Bhan insiste sur la dimension de « construit » dans la domination masculine : « Les hommes ne naissent pas biologiquement violents. Nous les faisons devenir violents. Les garçons et les hommes sont élevés dans notre société à croire que parce qu’ils sont des hommes, ils peuvent tout demander, prendre, gagner et subjuguer. »[2] La domination masculine est toujours bien présente dans la société indienne et se manifeste de multiples façons : à travers la préférence pour donner naissance à des fils ou à travers les règles de commensalité privilégiant les hommes. Ce construit social ne peut changer du jour au lendemain, ainsi il convient plutôt de parler d’une évolution de la société que d’un changement de fond.

Cette évolution nous avons tendance à la juger selon nos critères occidentaux, où l’indépendance, la liberté, l’égalité sont les mots clefs. En Inde, la société est basée sur une vision de la complémentarité des sexes plutôt que sur un principe d’égalité. Les rôles dans la société sont donc largement déterminés par le genre. La femme en Inde est respectée dans son rôle de mère, de protectrice du foyer et de gardienne des traditions.

2. Il est difficile pour des occidentaux de ne pas en rester aux clichés négatifs sur l'oppression des femmes pour la question de la dot, des mariages arrangés, de la place dans la société… Qu'est-ce qui évolue aujourd'hui selon vous et comment peut-on changer son regard ?

Il est vrai que nous arrivons dans ce pays très différent avec notre bagage culturel, et souvent les traditions indiennes, leur sens et leur pérennité nous semblent incompréhensibles ou même absurdes.

Parlons d’abord des mariages arrangés. Plusieurs histoires m’amènent à avoir un avis nuancé sur la question. Bharasakti, femme mûre, membre de l’ONG ASSEFA à Madurai, me racontait : « Nous apprenons à vivre aux côtés de notre époux. Nous ne savons pas comment il se comporte, ni ses goûts culinaires mais nous apprenons à vivre ensemble au quotidien. En famille la question de ce que j’aime ou pas n’a pas sa place, c’est un sacrifice quotidien ».

Cet oubli de soi pour les autres n’est pas en vogue dans nos sociétés occidentales. Il nous dit beaucoup sur la culture et l’« art de vivre » en Inde et peut nous montrer une autre voie qui comporte ses bons et ses mauvais aspects.

Je me rappelle aussi d’une discussion avec un ami étudiant, Rahul, m’expliquant que l’expérience que nos parents ont pu acquérir du fait de leur âge et de leur maturité leur permet de choisir un parti convenable pour leur enfant. Un mariage, c’est avant tout le choix de lier deux familles : pour cela la décision des aînés ainsi que le poids des traditions priment. Ce choix du compagnon pour leur enfant s’inscrit dans des codes bien précis liés à la communauté, à la caste, à la famille.

Si notre approche occidentale se base sur l’individu, l’organisation de la société en Inde se base avant tout sur le groupe. L’appartenance à une caste, à une communauté, ou à une famille prime sur le « moi ». Derrière les mariages arrangés, il y a donc le respect d’un ordre qui dépasse l’individu.

Il est frappant de voir dans l’espace public indien, un paysage essentiellement masculin. La femme n’y a qu’une place réglementée par des codes bien précis. L’heure, l’objet de son déplacement, le fait d’être accompagnée ou non par un membre de sa famille, déterminent largement sa légitimité à emprunter l’espace public. Par exemple, une femme n’a pas sa place dans les rues après que la nuit soit tombée. Dans la pénombre, coupée de la lumière et du regard du groupe auquel elle appartient, la femme est souillée. Sa présence aurait même comme conséquence de souiller le lieu qu’elle fréquente, car l’opprobre attaché à son comportement jette un doute sur la pureté du lieu.

3. Quels sont les signes d'espérance que vous voyez aujourd'hui pour les femmes en Inde ?

Pour répondre à cette question, je voudrais revenir sur les nouvelles possibilités qui s’offrent aux femmes en matière d’ « agency » (selon l’expression utilisée par Amartya Sen) dans les milieux ruraux. Ces nouvelles opportunités ont été offertes notamment par l’accès au crédit que favorisent les groupes d’entraides. En quelques mots, l’accès au microcrédit a apporté de réels changements matériels (le bien-être de la femme et sa famille) et psychologiques (la femme devient agent[3] de son existence), néanmoins cette réussite est conditionnée par plusieurs variables économiques et sociétales : la viabilité du système de microcrédit et le contrôle réel des femmes sur les prêts auxquels elles ont souscrit. Cet accès aux ressources pour les femmes rurales indiennes a un impact positif sur l’éducation des enfants en général et des filles en particulier. C’est, il me semble, une évolution extrêmement positive, aux répercussions sociétales majeures.

 


[1] Eléonore Dupré entre en contact avec les « groupes d’entraide » : des associations volontaires de femmes (au maximum vingt), partageant une proximité géographique et d’intérêts. Le groupe se réunit de façon régulière afin de déposer une épargne et de discuter d’éventuels problèmes.
[2] BHAN, Gautam: “Men are not born biologically violent. We make them so. Boys and men are raised in our society to think that we are men because we demand, we take, we win, we conquer.” in, KUNMAR, Sunaina, SAXTON, Aditi. “The rape go on, how do we?” Tehelka.
[3] Amartya Sen définit le terme d’agent comme la poursuite de buts et d’objectifs qu’une personne a raison de chérir. Dans L’inde, histoire culture et identité. A. Sen

 

 

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5 Commentaires

  1. Cousin

    Très intéressant! Il est en effet si difficile pour nous, occidentaux, de ne pas être choqués, outrés, révoltés par la condition de la femme en Inde. Personnellement, ces femmes m'ont appris à accepter la souffrance. Contrairement à notre société qui rejette la souffrance, ne veut en entendre parler, fait tout pour la supprimer, les indiennes ont appris à vivre avec, gardant le sourire et leur dignité.

    L'Inde évolue doucement … mais c'est une culture/religion (les indiens sont hindous avant d'être indiens je pense) aux traidtions vieilles de plus de 3000 ans. Cela prendra du temps. Toutes ces indiennes qui se lèvent, et les groupes d'entraide mis en place sont un beau témoignage d'espérance. 

     

  2. Adélaïde

    Merci pour ce bel article qui m'a transportée en Inde auprès de ces femmes qui ont beaucoup à nous apprendre en humilité, patience et bienveillance. En tant qu'épouses et mères, elles ont le souci constant de "faire du bien" à leur famille ou à l'hôte de passage par une petite attention, un plat mijoté depuis le matin même, une natte préparée le temps d'une sieste. Quel bel exemple!

  3. Tout en aprouvant totalement l'article, au risque de choquer, je me posais plutôt la question de la place de l'homme en Inde: alors que les femmes rayonnent de dignité et de courage, même soumises aux traditions, les  hommes me paraissaient souvent humiliés dans leur travail et frustrés dans leur virilité. L'Inde est loin d'être une société machiste au sens latin du therme, et je me dis parfois qu'un homme qui ne se comporte pas correctement avec les femmes ne se respecte pas lui même…

  4. sathish

    Les femmes indiennes sont un modèle pour l'obéisance. La culture indienne est difficile mais magnifique. Le terre préserve sa culture. C'est aussi la responsabilité de l'homme de respecter sa femme, cela donne à l'homme sa  dignité. La femme reçoit aussi sa dignité dans sa relation à sa famille, à son mari.  Leur amour réciproque rend présent le visage de Dieu dans le monde. La femme et l'homme sont à l'image de Dieu par leur relation, dans leur dépendance mutuelle. L'homme besoin d'une femme pour aimer, la femme besoin d'un homme pour aimer. 

  5. katerina

    Dacor vous avez raison mes vou vou ete demonder pourqoi ouqun femme indin qui ses francai na rin ecri est desoler pour les fot dortograf