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« C’est de cet homme différent que l’Eglise et le monde ont besoin »

Arnaud de Malartic   31 juillet 2013
Temps de lecture 4 mn

Les grands évènements terminés et tout le monde rentré chez soi, quel bilan tirer des JMJ Rio 2013 ? Ce fut tout d'abord sans conteste un immense succès populaire. Le pape argentin a conquis le cœur non seulement des catholiques venus le voir mais aussi de l'ensemble des Brésiliens. Il a vraiment été « le pape pour tous », cherchant à être proche d'un maximum de personnes : pèlerins, autorités civiles, pauvres des favelas, monde politique, prêtres, séminaristes et religieux, cariocas et surtout des jeunes venus pour lui à Rio. Il est difficile de dire quelle rencontre a été la plus frappante car toutes ont eu un impact fort. Cette visite a été comme un gigantesque lancement officiel du pontificat de Francisco et le monde a pu percevoir à travers la très forte exposition à laquelle il fut soumis quelques traits de ce pape qui s’est lui même défini comme venu « du bout du monde ».


CC BY Semilla Luz

Un pape « présent »
Francisco a cherché à être le plus visible possible. Il a lui-même insisté pour visiter une favela, pour que sa papamobile soit ouverte, pour prendre son temps et saluer un maximum de personnes. « Si vous allez visiter quelqu’un que vous aimez, des amis avec qui vous communiquez, vous allez faire cette visite dans une cage de verre ? (…) c’est tout ou rien, ou vous faites ce voyage comme il doit être fait, avec une communication humaine ou vous ne le faites pas. La communication à moitié ne fait pas de bien [1]».

Ses gardes du corps et la Police fédérale brésilienne doivent maintenant pousser un soupir de soulagement tellement il les a faits courir. On ne compte plus les enfants qu'il a embrassés, les mains serrées, les regards affectueux et les bénédictions données à tous ceux qui ont eu la chance de l'approcher. Les brésiliens ont été sensibles à ces démonstrations de proximité et de tendresse, signe d'un amour incarné. C'est comme si sa fonction de pape lui avait permis de laisser déborder un amour qu'il portait en lui depuis longtemps, comme si des vannes s'étaient ouvertes.

Un pape attentif aux problèmes de son temps
Les déclarations de celui qui aime à se définir comme simple évêque de Rome (aux évêques qu'il corrige affectueusement il leur dit : « Je vous parle d'évêque à évêque [2] ») se sont aussi parfaitement adaptées aux derniers évènements qu'avait connus le Brésil avec les grandes manifestations de juin. Lors de son intervention au théâtre municipal devant la société civile il a martelé : « Un seul chemin, dialogue, dialogue et dialogue ! » et a même parlé « d'humilité sociale », concept très applaudi par les autorités venues l’écouter.

Entre « l’indifférence » et « la protestation violente », Francisco a montré qu’il existait un chemin de dialogue possible pour résoudre les problèmes du moment : un « dialogue constructif ». Que cela soit devant les consacrés à la cathédrale ou devant la société civile, Francisco a cherché à promouvoir ce qu’il a défini comme une « culture de la rencontre[3] ».

Le pape de la jeunesse
En conférence de presse, Francisco a livré une opinion originale sur la jeunesse « une jeunesse qui ne proteste pas ne me plaît pas. Parce que le jeune possède une utopie et l’utopie n’est pas toujours mauvaise. L’utopie c’est respirer et regarder en avant (…), un jeune est par essence un anticonformiste et cela c’est très beau[4] ». Et le pape d’insister pour que des espaces d’expression soient ouverts pour la jeunesse mais aussi de veiller à éviter toute « manipulation ». La presse locale n’a pas manqué de répercuter ses propos et y a vu un encouragement des manifestations de juin et des luttes contre la corruption. Les articles et les reportages des journalistes ont donc tous été très élogieux, Globo news (le CNN local), fonctionnait en permanence et retransmettait tous ses faits et gestes en direct.     

Aux jeunes venus le rencontrer sur la plage de Copacabana il leur a demandé de ne pas hésiter à être « révolutionnaires », son homélie était simple, comme un bon jésuite, en trois points : « allez »/ « sans peur »/ « pour évangéliser ». Ancré dans le Christ, il encourage la jeunesse à ne pas avoir peur de sortir et d’aller apporter le Christ au monde.

Aux jeunes volontaires qu’il rencontrera quelques heures avant son retour pour Rome il proposera de ne pas céder à la culture de l’éphémère et du jetable et à ne pas hésiter à s’engager à long terme. « Certains disent que le mariage n’est plus à la mode et vous ? [5]». Et il fera de même pour la vocation à la vie consacrée, demandant aux jeunes d’aller « sans peur » sur le chemin d’un engagement source de bonheur. Les jeunes venus du monde entier ont d’ailleurs eu devant leurs yeux pendant sept jours un bel exemple de la vitalité de l’Eglise brésilienne avec sa jeunesse, son enthousiasme et la variété de ses expressions. 

Un pape pasteur qui guide son troupeau
Francisco avait manifestement quelque chose à dire aux consacrés, religieux et religieuses, prêtres et évêques. Il leur a rappelé la nécessité de sortir à la rencontre des brebis. « L’Eglise est une mère et une mère ne correspond pas avec son enfant par lettre ». « On ne peut se contenter d’envoyer des documents[6] ». Le saint Père a aussi rappelé pour cela la nécessaire pauvreté « intérieure et extérieure, se traduisant par un  mode de vie simple ». Ancré dans le Christ (« Attention à la perte de mémoire du Christ que provoque l’activisme [7]»), il a fortement invité tous les pasteurs à sortir (« On ne peut se contenter que les brebis viennent à nous »), à aller vers ce qu’il appelle lui-même « les périphéries existentielles ». Bref il s’agit d’épouser son temps et son Eglise telle qu’elle est.   

Aux évêques il a même dit qu’ils devaient éviter « la psychologie du prince », avertissement qui vaut pour toute personne exerçant une charge dans l’Eglise. Bref le ton était très libre, fraternel et en même temps très simple.

La presse locale ne tarissait pas d’éloges sur Francisco même si les comparaisons avec Benoit XVI frisaient souvent la caricature. Il suffisait d’entendre les applaudissements nourris des jeunes sur la plage de Copacabana lorsque le nom de Benoit XVI était mentionné. Les jeunes ne s’y trompent pas, Francisco inscrit son pontificat dans la ligne de ses prédécesseurs. Mais avec son style à lui. Sa façon d’être séduit et a profondément séduit la jeunesse, Rio et le Brésil. Comme le disait un article du journal d’O Globo : « C’est de cet homme différent que l’Eglise et le monde ont besoin [8]» 

Un jeune rencontré par le groupe de Points-Cœur présent sur place lors des JMJ dira de son côté : « C’est un homme qui rend la sainteté accessible ».


[1] Entrevue aux journalistes Gerson Camarotti et Felipe Awi de Globonews TV, émission retransmise le 29/07/2013. 
[2] Discours aux évêques du CELAM à la résidence de Sumaré le 28/07/2013.
[3] Discours lors de la rencontre avec la société civile au Théâtre Municipal le 28/07/2013.
[4] Entrevue aux journalistes Gerson Camarotti et Felipe Awi de Globonews TV, émission retransmise le 29/07/2013.
[5] Discours aux volontaires des JMJ au parc des expositions « Riocentro » le 29/07/2013.
[6] Discours aux évêques du CELAM à la résidence de Sumaré le 28/07/2013
[7] Homélie à la cathédrale Métropolitaine de Rio de Janeiro le 28/07/2013.
[8] Cité dans le journal » O Globo » édition du 29 juillet 2013, article « Francisco um papa diferente ».

 

 

 

 

 

 

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