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Une artiste de la rencontre et du regard

Ce mois dernier, la Mu-Gallery, nouvelle galerie associative rue Blanche à Paris, a présenté une exposition intitulée "Echos" : 4 artistes en 3 regards exprimés par la photo de Jean-Pierre Mosca, la peinture de Karly et Anne V., et enfin la peinture d'Isabelle Venet, rencontrée à cette occasion.


Galerie de portraits © Isabelle Venet

Quelle est l'origine de ce travail pour "Echos" ?

Des rencontres ! de Tel Aviv à Pékin… et ce n'est pas fini.

J'ai rencontré Karly et Anne lors d'une exposition à Tel Aviv, puis nous avons eu cette opportunité d'exposer en Chine à la 5ème Asia Art expo en 2013, invitées par Christian Etié et l'AFCAE (Association France Chine Art Expo) créée au service des liens entre l'Europe et la Chine. Là nous avons connu Jean-Pierre et depuis, l'aventure continue. Nous allons exposer aussi à Berlin du 1er au 30 Juin 2014 en partenariat avec les Salons Libres Européens.

"Echos" est parti plutôt d'une aventure sociale, d'un rapport aux visages, aux rencontres.

Quand je vois la photo de Jean-Pierre Mosca sur "New York" par exemple, j'en ai fait une montée de formes mystérieuses, anges et démons. Puis Anne et Karly ont travaillé aussi à partir de la photo sur un thème rythmé d'échelles et d'ascenseurs.

Pour le tableau sur la "Cité interdite", nous étions tous à Pékin et avons découvert ce lieu. J'avais peint ce tableau et Jean-Pierre a travaillé sa photo à partir de ma toile, puis Anne et Karly. Nous voulions faire ressortir l'Humain, le grouillement, puis l'enfermement dans ce lieu qui attire, qui reste mystérieux et fascinant.

Dans la "Galerie de portraits", je me suis beaucoup inspirée de ce que je vois à Aubervilliers car en une journée j'ai le monde entier à mes pieds, des richesses extraordinaires. Puis Jean-Pierre a fait une galerie avec des portraits photos faits à l'étranger. Parallèlement, Anne et Karly ont réalisé leur série de portraits en relief.

Dans le portrait de la "femme ridée", cela rassure tout le monde de voir cette beauté qui émane de ce visage de femme âgée. J'ai fait un travail alors sur la transformation, avec l'impression de rides sur des visages plus jeunes. Anne et Karly sont parties des symboles de la féminité. Nous avions tous le même point de départ, même point commun, mais nous ne savions pas où cela nous mènerait. Nous nous révélions nos œuvres seulement à la fin du travail.

Nous sommes tous différents mais notre point commun est dans notre ouverture et notre regard sur la monde. Nous sommes toujours dans une terre inconnue où tout est à découvrir.


Jean-Pierre Mosca, vieille femme © Mu-gallery


Karly et Anne V. © Mu-gallery


Isabelle Venet, vieille femme © Mu-gallery

Comment définir ce que vous transmettez grâce à cette ouverture ?

C'est un défi, il s'agit de donner quelque chose qui tient debout, qui donne du mouvement. Dans les temps difficiles, soit on reste en arrière, soit on va au-delà et on se met en mouvement. Certains abdiquent, je veux m'interroger sur ce qui a un autre sens. Je recherche des choses qui font plaisir, qui apaisent, cette chose qui est dans l'homme et qui n'est pas seulement la souffrance. Je cherche une espérance qui est dans l'homme, car elle est là ! Je cherche une espérance et une confiance.

Vos toiles manifestent beaucoup de recherches par ses couches successives. Comment savoir quand l'œuvre est terminée ?

Cette consistance dans mes toiles est importante.

C'est ma manière de travailler, par couches, par superpositions, toutes ces vies qui se superposent et d'un coup quelque chose se construit. J'aime bien les castors qui construisent toujours. On tient quand on construit toujours, quand on est guidé pour construire quelque chose.

Cela fait plus de 20 ans que j'expose, mais il faut tenir dans le temps, avec la photo et le numérique il faut tenir. Je suis un dinosaure à faire de la peinture ! Mais je me dis que ce n'est pas grave, il faut continuer à être en accord avec soi-même, aller jusqu'au bout, faire de la qualité. J'aime faire, créer, travailler en matières. Je fais et je détruis puis d'un coup, une magie se passe, j'ai ma toile, j'ai une victoire et alors je recommence. J'ai besoin de me mettre en défi et danger, tout le temps, c'est ma nature et c'est le propre de l'art.

On a peur, on a peur tout le temps, surtout après avoir beaucoup exposé, car les gens nous attendent ! La critique est terrible. On est dans l'air du zapping, mais ce qui est important est de faire du bon boulot et de cultiver du réseau. Quand on commence à faire des choses, à créer, la vie nous emmène à tel contact, tel endroit, et cela est riche. Dans ce que je fais, je ne sais pas ce que je crée, pas avant d'avoir fini.

Ce métier est très difficile, on se pose beaucoup de questions. C'est la peinture qui nous choisit non nous qui choisissons d'être artiste. Il faut savoir si on est fait pour vivre comme cela car ce sont des combats tous les jours, avec des satisfactions extraordinaires, mais on ne se réveille pas le matin en se disant qu'on est inspiré. Chaque œuvre est un accouchement. Je n'en parle pas parce que les gens ne se rendent pas compte, mais il y a tant de travail derrière. Picasso disait qu'il y a 99% de transpiration et 1% d'inspiration.

Qu'est-ce qui vous nourrit dans ce travail ?

Quand les choses sont difficiles, alors je me retrouve dans mon atelier. Là, le monde peut s'écrouler, c'est ma prière, j'y parle. La première préoccupation est de retrouver la solitude et la paix pour pouvoir démarrer un tableau.

Je prends des thèmes comme celui de la série d'Aubervilliers où j'ai travaillé ces portraits à ma manière, mi figuration mi abstraction. C'est difficile de vivre sur terre, il y a des combats, de la tristesse, alors à mon petit niveau voilà ma manière de faire vivre toute cette humanité ensemble, pour changer ce qui est horrible, ce paradoxe d'humanité. Ce qui m'inspire ce sont ces rencontres, l'humain, les voyages, les partages, les richesses des autres manières de vivre, "l'autre", car nous sommes tous extraordinaires, tous des êtres uniques.

Comment choisir la technique, les couleurs, la gravure, ou l'huile ? quelles particularités avez-vous ?

J'utilise beaucoup la technique de l'impression. Je prends des blocs de mousse que je grave au stylo bille et que j'imprime sur des feuilles colorées. Je fais moi-même les couleurs. Cela me donne des possibilités illimitées et je peux travailler à la fois sur la couleur, la forme, ou sur n'importe quel thème. C'est plus ludique et je suis plus libre. J'aime graver puis imprimer sur des feuilles colorées. Alors je me noie dans la couleur et j'ai des surprises. Parfois je n'ai pas de lumière, pas assez de lumière et ce n'est pas facile. Quand je voyage, je n'ai pas de souci pour trouver la lumière et je peux faire le plein de couleurs. J'imprime, j'arrache et je reconstruis ces morceaux de vie.

Il faut aussi tenir compte de cette chaîne commerciale, il faut aussi que cela marche. Mais les choses ne se passent jamais comme on le prévoit, alors l'essentiel est d'avancer et de garder cette flamme qui permet de rester en mouvement. Ce sont des paris, des petits bébés à chaque fois, des accouchements qui parfois se font plus facilement.

Mon atelier est comme un champ de mines, et là, je peux travailler. Il faut toujours des projets, surtout s'il y a des ombres car on passe son temps à se reconstruire.

Tout a une fin, il faut déjà arriver avec une vie pleine, faire des choses que l'on aime c'est déjà le bonheur, même si parfois on a envie de tout lâcher. C'est une chance quand on peut créer, voyager avec ses tableaux, c'est une chance.

Peu importe ce qui arrive, l'important est d'être fidèle à soi-même, c'est un besoin, ce pourquoi je dis que c'est la peinture qui nous choisit.

Prochaines expositions :
6ème Art Expo à Pékin, 6 au 18 mai 2014
Berlin, juin 2014, Palaast Galerie : Reinhardstrasse 3 – D-10117 Berlin.
Centre Humanicité à Lomme en septembre 2014

http://www.isabelle-venet.com/

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1 Commentaire

  1. Frédéric

    Merci Claire,

    de belles choses bonnes à entendre…
    « C’est la peinture qui nous choisit non nous qui choisissons d’être artiste. » « Il faut savoir si on est fait pour vivre comme cela… on ne se réveille pas le matin en se disant qu’on est inspiré. » « Picasso disait qu’il y a 99% de transpiration et 1% d’inspiration. » « La première préoccupation est de retrouver la solitude et la paix pour pouvoir démarrer un tableau. » « Je recherche des choses qui font plaisir, qui apaisent, cette chose qui est dans l’homme et qui n’est pas seulement la souffrance. »