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Shimon Peres, Mahmud Abbas, Sa Sainteté Bartholomée 1er et le Pape François au Vatican – un événement historique.
Ce dimanche 8 juin 2014 à Rome, la lumière vespérale baigne une scène insolite dans les jardins du Vatican, entre deux haies vert sombre encadrant la silhouette du dôme de Saint-Pierre. Une rangée de cardinaux aux calottes rouges fait pendant à des visages coiffés de chapeaux et encadrés de longues papillotes, ainsi qu’à d’autres visages enturbannés et barbus. Accueillis par le Pape François, arrivent Shimon Peres et Mahmud Abbas, le vieux patricien et le combattant trapu, séparés par des dizaines d’années de violence et autant de milliers de morts. Pour une fois, aucun garde suisse n’est visible autour du pape. Rien ne doit rappeler la violence armée.


 

La rencontre des jardins du Vatican est née d’une phrase improvisée par le Pape François lors du Regina Caeli prononcé à Béthleem deux semaines auparavant : « En ce lieu où est né le Prince de la Paix, je désire adresser une invitation à Vous, Monsieur le Président Mahmoud Abbas, et à Vous Monsieur le Président Shimon Peres, pour faire monter ensemble avec moi une prière intense en invoquant de Dieu le don de la paix. J’offre ma maison, au Vatican, pour accueillir cette rencontre de prière. » – applaudissements de la foule. Quelle simplicité ! La maison, le lieu de la vie familiale, quotidienne [1]. Le plus étonnant est que la proposition ait été acceptée immédiatement.

Ce dimanche à Rome, le Pape François a donc accueilli le président palestinien et le président juif, en présence du Patriarche Œcuménique Bartholomée et introduit cette soirée si spéciale par une phrase qui a fait entrer toute la rencontre dans une atmosphère particulière : « Nous avons essayé par bien des efforts de bâtir la paix, nous n’y sommes pas arrivés. Guide-nous, Toi, Seigneur. » Atmosphère d’humilité bien différente des tables rondes de la diplomatie internationale, atmosphère qui ne décourage pas d’agir, mais au contraire rend l’action féconde en l’ouvrant à la possibilité de l’intervention du tout Autre.

Ce qui frappait le plus à assister à cet événement exceptionnel était la beauté du moment, qui atteignait bien plus profond que le sens des paroles lues par les uns et les autres : beauté du lieu, beauté du soin apporté à la préparation de la rencontre et à son déroulement paisible, respectueux, plein de tact, beauté de la musique qui baignait toute la rencontre, beauté des textes lus et de leur déclamation en arabe, hébreu et italien, beauté des visages en prière.

Beauté qui rayonnait au fond de la gratuité du geste. L’invitation du Pape François n’avait nul autre but que la prière, était dépourvu de toute arrière-pensée politique ou médiatique. Le Pape a simplement voulu que des croyants de différentes religions, qui s’opposent pour des raisons politiques, soient ensemble sous le regard d’un Autre :
« Nous avons entendu un appel, et nous devons répondre : l’appel à rompre la spirale de la haine et de la violence, à la rompre avec une seule parole : "frère". Mais pour prononcer cette parole, nous devons tous lever le regard vers le Ciel, et nous reconnaître enfants d’un unique Père. »

Alors est apparue dans toute son évidence la belle et humble utilité de la structure de l’Etat du Vatican, comme l’un des seuls lieux totalement neutres et havre de paix, permettant la tenue de cette rencontre inespérée. Le Pape François n’a pas essayé de jouer un rôle autre que le sien, il ne s’est fait ni diplomate, ni médiateur ; mais hôte de deux invités prestigieux et adversaires, parce qu’il n’est lui-même que l’hôte d’Un plus grand.

Nul doute que cette rencontre providentielle ne procède aussi de la culture du pape François. Venu d’Amérique latine, il porte une vision globale du monde dans laquelle, contrairement à celle de ses prédécesseurs, l’Europe n’occupe plus le centre.

Pour lui et pour son nouveau secrétaire d’Etat Pietro Parolin – à la fois premier ministre et ministre des affaires étrangères du Saint Siège, cardinal italien de cinquante neuf ans, issu de l’Académie ecclésiastique pontificale (qui forme les diplomates du Saint Siège) ancien nonce en Afrique et en Amérique latine –, l’Eglise doit « sortir d’elle-même et aller vers les périphéries », engager une « culture du dialogue ». Elle doit, comme le désirait si fort Jean-Paul II, témoigner de sa vocation à être la maison commune de l’humanité.

C’est pourquoi, comme un symbole, le prochain voyage diplomatique du pape François aura lieu en Asie et le plongera cette fois dans les conflits de la péninsule coréenne. Peut-être que d’ici-là la magnifique initiative du 8 juin 2014 qui a réuni en prière le président juif et le président palestinien au Vatican aura porté du fruit.


[1] Vidéo ici, à 1h48mn

 

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1 Commentaire

  1. Bruno ANEL

    « Mais ils ne prient pas le même Dieu ! » ai-je lu et entendu. En suivant toute la cérémonie, je pensais le contraire, car Dieu n’est pas le produit de notre imagination et de notre culture. Dieu est. Il est transcendant, c’est à dire « extérieur et supérieur à nous » comme disaient nos cours de philosophie. Les chrétiens qui ont reçu la grâce de la Révélation savent qu’on peut l’appeler « Père » et que Jésus mène à Lui, mais cela ne leur donne aucune préséance. Comment douter du fait qu’il entend toute prière si elle est faite d’un cœur sincère, même si les mots sont imparfaits ?

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