Noël arrive… Bientôt les cris de bergers, les "gloria", mais c'est encore la nuit, la nuit de l'attente, la formidable attente de ces aveugles qui pressentent la lumière mais ne la trouvent pas. Les poèmes du Genevois Georges Haldas (1917) faits "de rythmes réguliers, d'étroites litanies d'hexasyllabes", selon Marion Graf, sont des trilles de lumière dans l'étoffe serrée de nos peines.
DIT L'AVEUGLE
Jardins où êtes-vous?
Je ne peux rien savoir
J'entends une fontaine
Je ne peux pas la voir
Un mot pour vous nommer
brusquement me revient
et brusquement se perd
Mes lèvres ont bougé
Mais dans l'air monotone
les mots n'ont pas volé
On me dit que la ville
regorge de lumière
Ne pas pouvoir parler
Renoncer aux lumières
Jardins où êtes-vous
Jardins d'avant le temps ?
D'avant toute misère
D'avant le grain semé
D'avant le soleil né
du père et de la mère
Poème de la Grande Usure (1974), tiré de La poésie en Suisse Romande depuis Blaise Cendrars, présentée par Marion Graf et José-Flore Tappy, Anthologie Seghers, Paris, 2005.
Image : Les aveugles (1937) de Jean Martin © Musée des Beaux-Arts de Lyon – Droits réservés.