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John Neumeier : la danse de Noël

Le ballet de Hambourg présente en cette fin d’année une nouvelle chorégraphie de John Neumeier sur la musique de l’Oratorio de Noël de Jean-Sébastien Bach.

La chorégraphie de Neumeier est d’abord une fête de l’Incarnation. Marie et Joseph que l’on suit de l’Annonciation à l’adoration des mages sont présentés de façon très humble. Neumeier ne tombe ni dans le récit mièvre ni dans le surnaturel, mais il nous fait entrer dans l’humanité des personnages. Marie est pauvre, particulièrement angoissée et troublée par les paroles de l’ange et les chamboulements de sa vie, son « Avent » déchire les limites de l’Ancienne Alliance, de ses projets religieux et humains. Elle vit dans ces ébranlements le mariage du naturel et du divin, qui implique le dépassement de toutes les limites naturelles. Ce chemin de Marie rejoint le mouvement inverse du Fils qui s’adapte à l’humanité et apprend, en Marie d’abord, ce que signifie adorer le Père et aimer avec un cœur humain. Joseph perçoit quelque chose qui le dépasse et qu’il ne peut qu’accompagner.

La danse des anges qui adorent l’enfant dans la crèche marque un tournant dans la pièce. Marie est libérée, rassurée par la joie des anges, elle sourit pour la première fois et danse son Magnificat. Les anges adorent Marie et son enfant comme le sommet de la création, Marie accueille pleinement cette irruption de la grâce au cœur de son humanité et se laisse transporter.

L’arrivée des mages correspond à la célébration cosmique de la Nativité, la joie est débordante et rien ne semble pouvoir arrêter ce flot d’exultation. Le grotesque Hérode reste sourd à la musique et ne veut pas danser. Neumeier rajoute une musique de circonstance pour ce vaniteux obnubilé par son ego, son pouvoir et sa position. Hérode n’arrive pas à « stopper » la danse mais il reste extérieur et préfigure ainsi la croix. La danse de Marie avec son Fils est alors la découverte par le Fils incarné du péché, il voit pour la première fois avec son regard humain le refus de l’amour et l’offense faite au Père.

La chorégraphie de Neumeier libère d’une certaine façon la musique féérique de Bach de son carcan religieux, non seulement en le mettant sur la scène magnifique du Theater an der Wien, mais surtout par l’humanité qu’il prend pleinement au sérieux. Le regard brillant de reconnaissance des danseurs et danseuses, plus que les dix minutes de standing ovation et les applaudissements de la presse, révèlent la profondeur et l’humanité de ce chorégraphe.

 

 

 

Autres articles sur la danse :

Le site du Ballet de Hambourg (en allemand) : http://www.hamburgballett.de/

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4 Commentaires

  1. CI

    Marie danse avec une chemise blanche soigneusement pliée qui symbolise l’Enfant Dieu, immaculé . Lorsqu’à un moment elle le déplie, nous y découvrons une croix rouge cousue sur la poitrine, ce qui accentue encore l’angoisse de Marie. C’est alors que surviennent les anges qui lui arrachent la croix des mains et se mettent à danser avec dans la joie de Noël, du Présent. Marie les regarde et sort peu à peu de son angoisse, au point qu’elle finit par entrer dans la danse et peut recevoir à nouveau au terme de la chorégraphie la croix revêtue désormais revêtue de Gloire. Une splendeur!

  2. osens

    Bonjour,
    Je suis surprise que vous parliez de carcan religieux par rapport à la musique de Bach ? Sur le plan esthétique… chacun ses goûts. Je trouve que les mouvements de danse sont un peu hystériques. Je ne trouve pas que le oui de Marie soit caractérisé par l’angoisse.
    Fraternellement.
    Aude

    1. Anonyme

      bonjour et merci pour cette remarque pertinente. Le carcan est l'utilisation de l'art et de la musique en liturgie, mais il ne s'agit bien sûr pas de la musique de Bach qui est explosive, surtout dans le morceau ci-dessus qui exprime l'exultation de l'Incarnation. Le texte de Luc précise bien que Marie est ébranlée par les paroles de l'ange et celui-ci la rassure en faisant le lien entre l'Annonciation et les promesses de l'Ancienne Alliance. L'Avent de Marie est bien un temps où toutes ses sécurités humaines, sociales et religieuses sont détruites. L'Irruption du divin dans les limites du fini ne peut laisser dans une paix humaine. Neumeier ne sépare jamais l'humain du divin, la joie de l'angoisse, la croix de la résurrection, le ciel de l'enfer. La danse permet d'aller plus loin que les mots…

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