Home > Politique > De la tolérance à l’amour
Dans son commentaire de l'Evangile selon saint Jean, Adrienne von Speyr nous fait comprendre que la tolérance est une idéologie fondée sur l'accomodement mutuel. Pour ce que l'évangile appelle "le monde", la différence ne peut être que "tolérée", mais elle engendre alors la haine. Bien au contraire, l'amour, respectueux des distances et désireux de comprendre, est seul capable d'accueillir la différence. L'amour ose aussi dire la vérité, pour faire grandir l'autre, tandis que la tolérance ne suppose pas cette forme de courage. "Tolérer l'Islam" en France, c'est ainsi préparer la guerre et laisser monter la haine. N’y a-t-il pas plutôt un chemin pour aimer l’Islam et les musulmans ?

"Le monde n'aime pas ce qui lui est propre, ce qu'il connaît et contrôle. La raison en est que le monde n'a pas de visage, qu'il est ce qui n'a pas de visage. On ne peut jamais dire du monde qu'il a un caractère, une personnalité. Il est plutôt une somme d'individus qui s'accommodent et s'assimilent mutuellement, après avoir éliminé ce qui les différenciait plus nettement, pour aboutir à une sorte de moyenne impersonnelle et sans couleur. Le monde, tel que le Seigneur le décrit, est le monde de la médiocrité, au dedans et en dehors de l'Eglise.

Tout ce qui dépasse cette médiocrité est rejeté, et ce qui est en-dessous de la moyenne disparaît dans la masse. Dans cette médiocrité, il n'y a plus aucun but, car cela signifierait vie et mouvement. Il n'y a que persistance dans ce qui s'est montré durable et dans ce qui, faute de caractère et de concision, passe inaperçu. On peut s'imaginer un monde composé exclusivement de personnalités marquantes, bonnes et mauvaises, dont chacune aurait le droit de s'imposer d'une façon ou d'une autre, d'incarner ce qu'elle est vraiment, de consacrer sa vie à ce qu'elle aurait reconnu être juste. Mais un tel monde ne pourrait exister que si chacun était plein de respect pour le prochain et pour sa particularité, et donc convaincu que ce prochain – incompris et incompréhensible, parce que différent – ne saurait être méprisé et persécuté à cause de sa différence ; que si chacun de ces citoyens du monde arrivait à se persuader que même ce qu'il ne comprend pas peut avoir une raison d'être.

Mais un tel monde n'existe pas, car seul l'amour pourrait susciter et maintenir le respect. Or, comme il est sans amour, le monde ne supporte pas que l'on soit différent. Il veut contrôler et comprendre, et ne peut donc tolérer que ce qui peut l'être. Et puisqu'il doit se préoccuper de sa propre subsistance, il faut qu'il ait recours à des lois afin de garantir ce qui pour lui tient lieu de normes. Être du monde signifie donc s'accommoder, éviter tout ce qui étonne, pas seulement dans le mauvais sens, mais plus encore dans le bon.

Ce qui étonne dans le mauvais sens, les forfaits particulièrement choquants, le monde les comprend mieux que leur contraire, le bien éminent ; en effet, l'opinion à ce sujet se forme finalement dans l'individu qui, par ses instincts et ses penchants, connaît intimement les chemins du mal, tandis que l'amour nécessaire pour le vaincre, il ne le possède pas. A travers son côté négatif, l'individu comprend l'autre dans son péché, mais il n'a rien pour le comprendre dans son amour. Celui par contre qui s'efforce d'être bon et d'aimer, de fuir le péché, est traité par le monde avec une méfiance particulière. Que la source véritable de la bonté qui se manifeste en lui soit le bien lui-même, le monde ne peut qu'en douter. Il ne connaît pas cette source, il lui manque toute sensibilité et toute intelligence à ce sujet. Et ce que le monde ne connaît pas, il le nie et le persécute."

Adrienne von Speyr aux Editions Lessius (Belgique)

 

Commentaire de Jean, chapitre 15, verset 19: "Si vous étiez du monde, le monde aimerait son bien ; mais parce que vous n'êtes pas du monde, puisque mon choix vous a tirés du monde, pour cette raison, le monde vous hait.

Adrienne von Speyr, Méditation sur l'Evangile selon Saint Jean (XV-XVII), Tome VI, Le discorus d'adieu, p. 57-59.

 

 

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2 Commentaires

  1. Josette

    Merci Paul pour ce très beau commentaire d’Adrienne qui est si actuel, et qui répond profondément à ce que vit la France en ces moments. Il complète et approfondi les paroles de nos chers amis napolitains… Dans chaque dialogue ou amitié « véritables » : ‘Amour et Vérité se rencontrent’…

  2. Pingback : Occident vs islam: un double déracinement – Terre de Compassion

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