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Mariam, la « petite arabe », une sainte entre l’Orient et l’Occident

Qui est donc Mariam, « la petite arabe » comme l’appelait Jean Paul II lors de sa béatification en 1983 et que le pape François vient de canoniser le 17 mai dernier ?
 

« Cette petite fleur de la Terre Sainte parvenue en peu de temps à l’épanouissement mystique, à la sainteté » Jean Paul II

Mariam Baouardy est née le 5 janvier 1846, à Ibillin, petit village à mi-chemin entre Nazareth et Haïfa. Ses parents, profondément croyants, ne parvenant pas à mettre au monde d’enfant qui survive, demandent à la Vierge Marie la grâce d’une petite fille, et décident de faire un pèlerinage à pied à Bethléem à cette intention. Leur prière sera doublement exaucée : Mariam naîtra neuf mois après, puis, un an plus tard, Boulos, son petit frère. Elle reçoit le baptême et la confirmation dans l’Eglise grecque-catholique. Mariam avait à peine trois ans quand son père, avant de mourir, la prend dans ses bras et la confie à Saint Joseph, lui demandant d’être désormais son père. Quelques jours après, c’est la maman qui meurt, atteinte par la douleur de la mort de son mari. Mariam est confiée à son oncle paternel (avec qui elle part à Alexandrie quelques années plus tard) et Boulos reste avec sa tante maternelle en Palestine.

Deux petits oiseaux meurent dans ses mains

Cette enfance en Galilée, malgré ces épreuves, marque la vie de Mariam par la beauté de la création, la lumière, les paysages où tout lui parle de Dieu. Lors de certaines extases, cet émerveillement jaillit naturellement de son cœur par ses paroles et ses poésies très imagées. Toute sa vie, Mariam restera profondément orientale, gardant la fraîcheur de sa culture ; une culture où foi et identité ne font qu’un, où naturel et surnaturel sont familiers, où tout peut devenir porte sur l’invisible. Un petit incident marque la petite Mariam profondément : deux petits oiseaux meurent dans ses mains alors qu’elle entreprend de les laver. En les enterrant, toute attristée, elle entend intérieurement cette parole qui la marquera toute sa vie : "Vois, c’est ainsi que tout passe ; mais si tu veux me donner ton cœur, je te resterai toujours."

Laissée pour morte

À Alexandrie, Mariam décide de se consacrer au Seigneur. Elle a douze ans. Mais son oncle veut la marier. Elle s'enfuit chez un proche de sa famille qui est musulman et qui lui conseille d’embrasser l'Islam. Devant son refus de renier sa foi, dans un moment de rage, il lui tranche la gorge. Il abandonne son corps dans une ruelle sombre. C’était le 8 septembre (jour de la nativité de la Vierge). Elle racontera plus tard qu’elle est vraiment morte à ce moment-là, et qu’il lui a semblé entrer au Paradis, voir la Vierge, les saints, ses parents. Mais son temps n’est pas encore venu. Elle se réveille dans une grotte, auprès d’une jeune femme qui ressemble à une religieuse habillée en bleu. Durant quatre semaines, celle-ci la soigne, l’instruit, la nourrit (d’une si bonne soupe qu’elle n’en goutera jamais  plus d’aussi exquise !). Après sa guérison, celle qu’elle présentera plus tard comme la Vierge Marie, l’emmène dans une église et l’y laisse. A partir de ce jour, elle voyage de ville en ville (Alexandrie, Jérusalem, Beyrouth, Marseille…) comme servante. 

« Toute sa vie traduit une familiarité inouïe avec Dieu, l'amour fraternel des autres, la joie. » Jean Paul II

A l’âge de 21 ans, elle rentre au Carmel de Pau, recevant le nom de sœur Marie de Jésus Crucifié, insistant pour être sœur converse se sentant toujours plus à l’aise dans le service des autres, et ayant du mal à réciter l’Office en raison de son ignorance de la lecture. L’abandon et l’humilité ont modelé toute sa vie. S’appelant toujours ce « petit rien », elle vit beaucoup d’extases et d’expériences mystiques pendant lesquelles elle improvise des poésies d’une grande beauté bien qu’elle soit presque illettrée. Sa vie a été le témoignage de la beauté d’une vie offerte dans l’intimité du Christ, livrée à l’action de l’Esprit Saint avec une simplicité d’enfant. Pourtant, malgré ces grâces extraordinaires, le Seigneur permit qu’elle n’ait pas conscience de ce qu’elle vivait. L’humilité et la charité sont les deux voies qu’elle a empruntées tout au long de sa vie cachée :  

  • « Je suis en Dieu et Dieu est en moi. Je sens que toutes les créatures, les arbres, les fleurs, sont à Dieu et aussi à moi… Je voudrais un cœur plus grand que l’univers ! »
  • « Aujourd’hui, la sainteté, ce n’est pas la prière, ni les visions ou les révélations, ni la science de bien parler, ni les cilices, ni les pénitences ; c’est l’humilité… Au ciel, les plus beaux arbres sont ceux qui ont le plus péché ; mais ils se sont servis de leurs misères comme d’un fumier qui entoure le pied… En enfer, il y a toutes sortes de vertus, mais il n’y a pas l’humilité. Au ciel, il y a toutes sortes de péchés mais il n’y a pas l’orgueil. »
  • « Quand vous voyez une déchirure à l’habit d’une autre, ne déchirez pas davantage ; mais coupez un morceau de votre habit pour raccommoder le trou… Jésus vous revêtira de la robe nuptiale. Au lieu de chercher à rouvrir la plaie en y jetant du vinaigre, il faut au contraire chercher à l'adoucir et à la fermer avec l'huile de la charité.»

« Sœur Marie de Jésus Crucifié se montre en même temps une fille hors pair de l’Eglise. Elle reflète les différents visages de l’Eglise » Jean Paul II

Sa vie a été un pont entre Ciel et Terre, entre les deux poumons de l’Eglise : l’Occident et l’Orient. De père maronite et de mère melkite, elle a reçu le baptême et la confirmation dans le rite byzantin, a pratiqué en Egypte le rite copte, enfin, elle est entrée dans le rite latin en devenant carmélite. Elle porte en elle cette richesse de l’Eglise universelle, une, avec ses différents rites. Elle vit également la vocation missionnaire avec les fondations de carmels en Inde, à Nazareth et à Bethléem où elle meurt à 32 ans à la suite d’un accident de chantier.  

C'est là votre honneur

Pour le monde d’aujourd’hui, tout particulièrement dans l’Orient déchiré par la guerre, mais aussi glorifié par le témoignage de ses martyrs, elle est un signe d’espérance, un appel à s’attacher à cette terre dans la fidélité à ses racines. Voilà pourquoi elle avait été choisie comme patronne du Points-Cœur d'Alep. C'est l'appel que Jean Paul II avait lancé à tous les chrétiens d’Orient, le jour de la béatification de Mariam, demandant son intercession : « C’est là votre honneur. Et je vous encourage à garder et à manifester votre attachement indestructible à cette terre qui est vôtre, où vous avez vos racines, comme Mariam Baouardy. Que la bienheureuse Marie de Jésus Crucifié vous accompagne sur ce chemin difficile ! »

 

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