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Nay Barghouti, ce lien étroit entre musique arabe et jazz

Nay Barghouti, chanteuse, compositrice et flûtiste, âgée de 23 ans, et originaire de Ramallah en Palestine, porte en elle cette parfaite maîtrise technique du chant arabe ainsi qu’un charisme révélé dès son enfance pour la flûte traversière. Elle a commencé enfant ses études musicales au Conservatoire National Palestinien Edward Saïd, pour les continuer ensuite à l’Université de l’Indiana aux États-Unis, puis rejoindre le Conservatoire de musique d’Amsterdam pour étudier le chant jazz. A 15 ans, elle a fait son premier concert de flûte traversière, entre musique classique et quelques mélodies de sa propre composition.

 

 

Nay vient d’une famille d’artistes, avec une ouverture musicale très riche sur différentes sortes de rythmes et de styles de musique (classique, orientale, opéra, jazz). Sa maman qui l’a initiée au chant oriental dès son enfance, est elle-même chanteuse ; son papa est musicien et chorégraphe de danse traditionnelle palestinienne. Sa sœur Jana est violoniste et joue à l’orchestre de Dallas aux Etats-Unis où elle réside.

Ainsi témoigne le papa lors d’une interview : « Dès sa naissance, Nay était toujours touchée par les chants « tarab » [1]sorte de musique de la tradition orientale provoquant une émotion d’une grande ampleur, une extase, une communion des sens entre le spectateur et l’interprète . Quelques jours après sa naissance, dès que nous lui mettions les chants tarab, elle ouvrait les yeux et, complètement attirée, elle écoutait. Nous avions l’habitude à la maison de nous asseoir toutes les semaines dans le salon pour écouter de la musique, et à chaque fois c’était une musique différente : une fois Feyrouz, une autre fois jazz, Oum Koulthoum, Sayyed Darwish, ou aussi musique classique ». [2]https://youtu.be/MdGK8dZAzXc

 

 

Elle représente avec beaucoup de fierté sa chère Palestine à l’étranger par différents concerts, mais également au siège des Nations Unies à New York, où elle a joué lors de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien et a été nominée pour le Prix Aga Khan de musique du monde au Portugal. Elle a reçu le Prix 2020 du Young Talent Award du Concertgebouw, en Hollande. Elle habite actuellement à Amsterdam où elle termine ses études, tout en voyageant beaucoup en Palestine, sa terre natale qu’elle chérit tout particulièrement.

 

 0′ à 6′ (musique Jazz et chant libanais de Feyrouz) – de 6′ à 9′ (interview en anglais) – de 9′ à 14′(improvisation musique vocale) – de 14’19 à 19’14 (chant libanais de Feyrouz)

 

Dans ce mélange exceptionnel de musique jazz, orientale, et surtout dans ses improvisations vocales, Nay montre une facilité naturelle à changer de techniques de chants entre orientale et occidentale dans une même chanson. Elle a comme naturellement en elle ces différentes techniques : « J’ai grandi bercée par la musique égyptienne, libanaise, orientale, et à l’université j’ai appris l’opéra et le jazz » [3]https://youtu.be/MdGK8dZAzXc .

La sortie cette année de son premier album qui comprend 12 chansons, intitulé « Nai », a constitué pour elle l’aboutissement de tout son travail, et le fruit de tout ce qu’elle a reçu elle-même depuis son enfance des grands maitres qu’elle a profondément suivi et de chansons desquelles elle s’est imprégnée.

« Naistrumenting »

En plus d’être la compositrice de la plupart de ses chansons, elle est également la productrice, la chanteuse et la flûtiste. Nay offre une expérience artistique inhabituelle dans ce premier album. Elle se découvre non seulement en tant que chanteuse et flûtiste, mais présente également une chanson exceptionnelle avec un style musical qui lui est propre, appelé « Naistrumentation », au cours de laquelle elle présente une technique développée par sa voix qui fait office d’instrument musical, avec un travail d’improvisation très professionnel avec l’aide de son maitre Khaled Gibran, pour plusieurs pièces musicales traditionnelles.

Nay disait lors d’une interview qu’elle s’intéressait davantage à la voix elle-même en tant qu’instrument, qu’à son utilisation pour raconter des histoires. Comment devons-nous comprendre cela ? : « La voix peut faire tellement plus que simplement chanter des paroles. Bien sûr, les textes sont importants, mais si vous les laissez de côté, la voix peut s’exprimer comme le ferait un instrument, en utilisant certaines syllabes. Par exemple, dans le jazz, il y a beaucoup de chant scat, et je me suis demandé comment je pourrais utiliser cela dans la musique arabe. Dans mes concerts, j’ai exploré cette idée dans mon chant, et certains de mes fans ont alors inventé le terme ‘naistrumenting’. Aujourd’hui, j’utilise le terme ‘naistrumentation’ pour décrire l’art d’utiliser la voix comme un instrument. Cela signifie que j’ai une approche ornementale. Je me demande quels ornements dans mon chant je peux employer de manière instrumentale pour communiquer avec l’auditeur, plutôt que d’utiliser uniquement ma voix pour exprimer le sens d’un texte. C’était d’ailleurs le sujet du mémoire avec lequel j’ai terminé ma maîtrise à Amsterdam ».

Donc Nay a beaucoup travaillé sur sa voix comme instrument dans ce mélange entre la musique orientale et le jazz : « Je sens qu’il y a une limite à un moment donné dans chaque instrument musical pour exprimer mon sentiment et la musique que je voudrais ; l’instrument en ce mélange de musique que je fais arrive parfois comme à une limite, et c’est pour ça que je me suis retournée vers ma voix, vers la voix humaine qui est plus ample par rapport à ce que nous sommes habitués à entendre dans le son des instruments, dans les chants où la voix s’exprime à travers la chanson, donc combinée avec la musique, ce qui est déjà en soi très beau. Mais la voix toute seule est capable de plus que cela, elle est capable de quelque chose dont l’instrument n’est pas capable, et c’est pour cela que je voudrais travailler dessus ». [4]https://youtu.be/WAzaREkK-Bs 16mn35

 

« Naistrumenting »

 

Ma musique est le moyen d’affirmer la beauté de ma culture

Née à Qouds et habitant à Ramallah toute son enfance, Nay a connu l’occupation israélienne dès son jeune âge, et était confrontée à chaque fois qu’elle sortait de son quartier aux barrages de l’armée israélienne qui fouillait son instrument. Ces moments douloureux, si éprouvants soient-ils sur le coup, ne faisaient cependant qu’augmenter l’attachement de Nay à son instrument. : « Lors de la deuxième intifada, j’avais 4 ans et demi, et les soldats israéliens sont venus occuper l’immeuble où nous habitions. Nous entendions les cris des soldats qui voulaient nous faire peur. Nous avions décidé, ma sœur et moi, malgré notre très jeune âge d’aller affronter les soldats, comment ? en criant, et les soldats ont fini non pas seulement par se taire, mais par supplier les parents de faire taire les enfants. Et j’ai fait l’expérience à 4 ans, qu’à travers ma voix, je peux vaincre l’occupation. Et plus le temps passait, plus je faisais l’expérience que la musique est la seule chose que personne ne peut t’enlever, personne ne peut t’empêcher de chanter ou te faire taire, car la musique sort du plus profond de nous-mêmes. » [5]https://youtu.be/OAE_QXm7Yyg

« Le Morceau Jénine, est le premier morceau que j’ai composé, encore à l’époque où j’étudiais la flûte traversière. C’était au moment même où a eu lieu le massacre de Jénine en Palestine. À chaque fois que je voyageais en Palestine et que j’étais obligée de passer par la douane israélienne, les soldats m’interrogeaient en détails, fouillant toutes mes affaires, prenant ma flûte pour une arme, et à chaque fois, cela m’énervait profondément, mais à la fois je faisais toujours l’expérience de la force de ma flûte, avec ce petit instrument, je peux lutter. Ma petite flûte faisait peur et inquiétait les soldats ». [6]https://youtu.be/OAE_QXm7Yyg

À travers la musique, elle découvre la mission de son peuple qui est souvent réduit dans les journaux mondiaux à une lutte politique, mais elle le ramène à sa vocation essentielle, celle de la richesse de son existence et de sa culture.

« Nous ne devons pas être uniquement réduit à un pauvre peuple occupé, ou qui souffre seulement, ou terroriste… Non ! Nous sommes un peuple qui a une magnifique culture et qui sait chanter et a même la mission de le faire. La musique me rappelle sans cesse que mon peuple a une culture très riche, une musique propre, une littérature, et j’ai aujourd’hui la mission de la présenter ! » [7]https://youtu.be/MdGK8dZAzXc

 

Nai Barghouti & Amsterdam Andalusian Orchestra – Full Concert

References

References
1 sorte de musique de la tradition orientale provoquant une émotion d’une grande ampleur, une extase, une communion des sens entre le spectateur et l’interprète
2, 3, 7 https://youtu.be/MdGK8dZAzXc
4 https://youtu.be/WAzaREkK-Bs 16mn35
5, 6 https://youtu.be/OAE_QXm7Yyg
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