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Tarek Aziz, l’homme de confiance de Saddam Hussein est décédé

Tarek Aziz, l'ex-ministre irakien des Affaires étrangères, voix de Saddam Hussein à l'étranger, est décédé vendredi 5 juin à l'âge de 79 ans dans un hôpital du sud de l'Irak après plus de dix ans en prison. Quel a été le rôle de cet homme, de petite taille, au visage carré derrière des lunettes à grosses montures, représentant d'une minorité chrétienne (les Chaldéens) et dont la loyauté à Saddam Hussein était légendaire ?

Photo : capture écran du film documentaire du p. Jean-Marie Benjamin : The other Truth

De son vrai nom, Tarek Hanna Mikhaïl Issa était le seul chrétien dans le premier cercle du pouvoir. Aziz avait rejoint à la fin des années 50 le parti Baas, une organisation clandestine qui combattait alors la monarchie soutenue par les Britanniques. C’est dans ce contexte qu’une amitié grandit entre Tarek et Saddam Hussein. Lorsque les Baassistes arriveront aux commandes après le coup d'Etat de 1968, Tarek Aziz gravira les échelons du pouvoir pour siéger en 1977 à l'organe suprême, le Conseil de commandement de la révolution. En 1979, il liera définitivement son sort à celui de Saddam Hussein, lorsque celui-ci, alors vice-président, s'installera à la tête du pays. Tarek est nommé ministre de l’Information et dirige la diplomatie irakienne de 1983 à 1991 avant d'être nommé vice-Premier ministre. Il deviendra alors un des dirigeants irakiens les plus connus dans le monde entier.

Fidèle à Saddam Hussein jusqu'à sa chute en 2003, Tarek Aziz s'était rendu aux Américains peu après l'invasion de l'Irak en mars 2003 et avait été condamné à mort sept ans plus tard. Peu d'informations ont été diffusées sur ses années de prison.

S’inquiétant de l’issue du procès et de son état de santé, le secrétaire général adjoint de l’ONU, Hans-Christof von Sponeck, prendra sa défense : "j’ai connu M. Tarek Aziz. Mon prédécesseur et moi-même le considérions comme une personne avec laquelle nous avions une relation cordiale, comme une personne qui — malgré ce que l’on en a dit dans les principaux journaux — essayait de s’occuper du peuple irakien. Une personne donc disponible et disposée à prendre en considération des propositions visant à apporter des améliorations au programme d’assistance humanitaire. De notre point de vue, de mon point de vue, c’était une personne correcte." (source : Entretien avec Silvia Cattori).

On avait parlé alors de deux crises cardiaques. La seconde aurait été causée par une grève de la faim de trois jours qu'il avait observée pour protester contre sa détention. Sa femme, profondément croyante, a réussi à lui rendre visite cette dernière année.

Et il défendra jusqu'au dernier moment Saddam Hussein : lors du procès, il viendra à la barre en 2006 défendre "un homme bon et généreux, et qui aimait son peuple".

Le 1er mai 2003, le président américain Georges Bush déclarait la mission accomplie en Irak. Mais, treize ans plus tard, l'Irak est toujours dans la tourmente et le chaos. Jamais les États-Unis ne se sont excusées ou n’ont manifesté l’envie de réparer leurs crimes. Aucun tribunal n’a jugé et condamné les dirigeants américains de l’époque malgré les malheurs innombrables que cette agression a engendré et continuent d’engendrer depuis la guerre.

En 2003, la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) a contacté Tarek Aziz, lui proposant l’asile politique. Tarek refuse l’invitation en répondant : "Veuillez remercier le président Chirac, mais je ne peux pas laisser mon peuple mourir sous les bombes et me réfugier tranquillement à l’étranger. J’ai le devoir de rester aux côtés du peuple irakien et de ma famille".

Grâce à l'amitié qu’il avait avec Saddam Hussein, il a réussi à entretenir un lien entre ce dernier et le pape Jean-Paul II. Il a été un véritable artisan de paix, un pont entre l’occident et l’Orient à travers toutes ses relations avec les ambassadeurs du monde entier. Il a pu prouver aussi qu’une véritable amitié est possible entre l’islam et la religion chrétienne, losque celle-ci se nourrit d’un destin commun supérieur : le bien du peuple entier et du pays. Malgré de fortes oppositions de la part de Silvio Berlusconi et de Washington, la visite de Tarek Aziz au Saint-Père avait pu se réaliser en 2003. Elle a marqué l’histoire de l’Irak.

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10 Commentaires

  1. DC

    On découvrira avec grand profit le travail du père Jean-Marie Benjamin : "J'ai organisé la rencontre de TAREK AZIZ avec le pape JEAN-PAUL II (14 fèvrier 2003). A la sortie du Vatican, Aziz me disait: "si les américains envahissent et occupent l'Irak, ce ne sera qu'une question de temps, les islamistes occuperont le pays et les chrétiens seront massacrés".  (sur le blog du p. J.M. Benjamin). Il est l'auteur de Irak, effet boomerang, entretiens avec Tarek Aziz, ainsi que d'un documentaire, L'autre vérité (The other Truth, sous-titres français), sur la guerre d'Irak de 2003, basé en grande partie sur les entretiens aves Tarek Aziz filmés en 2002. 

  2. Bruno ANEL

    Trek Aziz n'était probablement pas un enfant de choeur et il etait aussi complice des crimes du régime baasiste. Cela n'enlève rien à sa clairvoyance et à ses efforts pour la paix. On peut se demander ce qui se serait passé si le régime irakien n'avait pas été choisi comme bouc émissaire aprés les attentats du 11 septembre et éliminé par les Américains: aurait-il été emporté par un "printemps arabe" de type lybien ou syrien ? Il est probable que l'Irak  n'aurait pas été épargné par le conflit syrien. Toujours est-il qu'on peut se demander si les dictatures odieuses mais stables qui éxistaient avant 2011 au Moyen-Orient étaient préférables ou non à la situation actuelle.Les Egyptiens, pour leur part, semblent avoir répondu à la question. (Note: M. von Sponeck n'est pas secrétaire général de l'ONU, mais l'un des adjoints de:M. Ban Ki Moon qui en a une vingtaine )

  3. Vincent

    Pour la comparaison entre la situation de l'Irak sous le régime de Saddam Hussein et celle d'aujourd'hui, il faut voir ce qu'en pensent les irakiens eux-mêmes ! Une soeur dominicaine irakienne rencontrée il y a peu me parlait de l'intervention américaine non pas comme d'une guerre mais comme d'une opération de destruction de l'identité même du peuple irakien… Elle n'accusait pas les américains d'être les acteurs directs de cette destruction, mais elle les accusait d'avoir permis aux fous de prendre le pouvoir. Le lendemain de la chute de Saddam, les musées ont été saccagés, les bibliothèques brûlées… les écoles fermées, les professeurs chassés, si ce n'est tués… Destruction de l'identité même d'un peuple. C'est fou ce que l'on peut faire, la main sur le coeur lorsqu'on est démocrate et qu'on est persuadé d'agir pour le bien des gens et, comme le souligne si bien Sr Josette, que l'on ne reconnaît jamais ensuite que l'on s'était trompé. Merci pour cet article qui montre bien que la réalité de l'Irak était sans doute beaucoup plus complexe qu'une simple dictature à abattre. 

  4. Bruno ANEL

    Avant d'intervenir dans les affaires du Moyen-Orient, on devrait méditer cette sage sentence que j'ai entendue de la bouche d'un père franciscain devant la basilique de Nazareth: "En Orient, tout peut arriver."

  5. MCD

    Apropos de Tarek Aziz…Au cours de la guerre Iran/Irak (80-88) il avait expliqué au siège des Nations Unies que son pays servait de rempart contre l'exportation de la révolution islamique prônée par l'imam Khomeyni …après le renversement du Shah…Il avait raison…Au cours de son entretien avec le Pape en 2003 il a déclaré que l'invasion de son pays par les Américains, serait suivie de massacres de Chrétiens..or c'est bien ce qui se passe depuis le fiasco de l'invasion américaine, l'étau des islamistes s'est resserré et les Chrétiens sont menacés d'extinction et non seulement en Irak…c'est bien "tomber de Charybde en Scylla"  pas facile , n'est-ce pas?