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DPI en Suisse : la société et les plus fragiles

Le Diagnostic Préimplantatoire (DPI) des embryons conçus in vitro, jusqu'alors interdit, vient d'être voté en Suisse à 61,9%, impliquant une modification de la constitution fédérale. L'intervention porte également sur la possibilité de développer plus d’embryons (jusqu’à douze) que le nombre destiné à être immédiatement implanté dans l’utérus, menant à la nécessité de congeler les embryons qui ne sont pas immédiatement implantés.

La communauté scientifique semble presque unanime pour dire que le DPI est une bonne chose : il donne la possibilité de sélectionner les embryons fécondés in vitro afin de n’implanter dans l’utérus que ceux qui sont sains et éviter ainsi la naissance d’enfants malades. On élimine alors une souffrance et une charge supplémentaires qui incomberaient aux familles et à la société accueillant un être humain malade ou handicapé.

Cependant, cet argument pragmatique omet une dimension fondamentale : le respect de la dignité de l’embryon. Cela peut faire sourire, mais en y réfléchissant honnêtement, sans parti pris, peut-on affirmer que la vie humaine ne débute réellement qu’à partir du moment où elle s’intègre dans un environnement favorable (pas de maladie génétique, parents désirant la grossesse, avenir financier garanti etc.) ? Quand commençons-nous à exister en tant qu’individu unique ? N’est-ce pas au moment de la conception, c’est-à-dire au moment de la fusion d’un ovule et d’un spermatozoïde ? N’est-ce pas à ce moment-là que débute une nouvelle vie humaine avec toutes ses potentialités ? Et en tant que telle, en tant qu’elle EST, cette nouvelle vie n’exige-t-elle pas tout le respect et la protection dus à tout être humain, quels que soient son âge, sa taille (microscopique ou non), son sexe, son handicap ?

Il n’y a pas si longtemps, on avait pris le parti de définir quelles étaient les personnes qui étaient dignes de vivre et celles qu’il convenait d’éliminer : n’est-on pas en train de reproduire la même erreur tragique car inhumaine, c’est-à-dire irrespectueuse de la dignité inaliénable de tout être humain, quels que soient ses qualités et ses défauts ?

C'est ce que souligne Carine Skupien, mère de Cecilia, 20 ans, atteinte d'une maladie rare provoquant une lissencéphalie, intérrogée par Céline Zünd pour Le Temps (Suisse), : "Il existe un véritable risque que les personnes handicapées soient perçues comme des déchets de laboratoire qu’on n’a pas réussi à éliminer". Les progrès immenses dans leur prise en charge par la société restent pour elle : «des acquis fragiles, sans cesse menacés par des coupes budgétaires». Pour elle, dont l'enfant a besoin "d'une surveillance permanente, une aide pour manger et une hydratation par sonde", "la société est meilleure si elle sait s’occuper des personnes handicapées. La fragilité est humaine."

Dr Pascale Della Santa, médecin à Genève

 

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1 Commentaire

  1. Mélanie

    J'ai un problème de santé et j'avoue avoir presque pleuré en voyant le résultat de cette votation. Je me suis dit: c'est à moi qu'on aurait pu enlever la vie avant la naissance. Je n'ai pas de mots, mais plutôt des larmes face à cette société qui n'accepte bientôt plus que les gens performants et sans aucun problème, alors que l'être humain est par définition fragile, même si les fragilités ne sont pas les mêmes chez tout le monde. C'est pas facile de vivre dans cette société qui ne veut pas de la souffrance, qui en a peur et qui par conséquent  a peur des personnes qui souffrent et essaie de les mettre à l'écart du monde du travail, etc et même de la vie. En toute honnêteté, j'ai ma part de souffrance liée à la maladie, mais j'ai mes moments de joie comme tout le monde et je suis heureuse de vivre, même si j'ai une vie peut-être plus difficile que les autres sous certains aspects. Heureusement, il existe des associations et des gens qui ont le coeur sur la main pour nous soutenir et nous donner la force d'avancer dans une société qui ne veut clairement pas de nous. La souffrance est dur à vivre, mais elle est aussi l'occasion d'apprendre à voir la vie autrement, à modifier ses priorités, à voir ce qui est essentiel, à être heureux des petites choses de la vie (comme l'amitié vraie, s'émerveiller de la beauté de la nature, s'émerveiller d'aller mieux les jours où la maladie fait moins souffrir, s'émerveiller des rencontres durant une journée, s'émerveiller de la chance d'être en vie et des mille et un petit cadeaux que la vie nous offre chaque jour: ils sont parfois simple, mais si on sait les voir, ils sont magnifiques)