Alors que les Polonais s’apprêtent à renouveler leur parlement, le nouveau président se trouve déjà confronté à un test politique risqué. Quel que soit le résultat à venir, le quadragénaire, héritier politique des frères Kaczyński, est représentatif d’une nouvelle génération polonaise avec laquelle il faut désormais compter.
« Qui est Andrzej Duda ? » était la question résonnant partout en Pologne, lorsqu’au début de l’automne de l’année dernière, le parti de la droite (PiS : Droit et Justice) présenta son candidat à l’élection présidentielle. De fait, malgré une réelle implication politique depuis de nombreuses années, Andrzej Duda n’était pas très connu des médias. Son principal atout était son expérience politique liée à l’entourage du dernier Président Lech Kaczyński.
Circonstances de la mort de Kaczyński
Le 10 avril 2010, le Président Kaczyński était en chemin vers Smoleńsk, avec 87 autres politiciens, et un certain nombre d’officiers supérieurs. Le but de cette visite officielle était de commémorer les victimes du massacre de Katyń perpétré par les Soviétique en avril et mai 1940. Systématiquement tués par le NKVD (ancêtre du KGB), 22 000 membres du Corps des Officiers de l’Armée polonaise ont alors trouvé la mort. Ce crime affreux ne fut reconnu que tardivement, et les circonstances ne furent jamais vraiment éclaircies par ses responsables, laissant jusqu’à aujourd’hui une douloureuse blessure dans les relations entre la Pologne et la Russie.
Le Président Kaczyński se fit connaître pour son approche décidée et sans compromission de la politique étrangère, notamment vers l’Est, n’hésitant pas à parler ouvertement de la vérité qui était bafouée. De ce point de vue, outre l’hommage aux soldats polonais, la visite du site de Katyń, fut une manière d’exprimer son attitude politique. Il ne lui fut cependant pas donné d’aller jusqu’au bout de cette manifestation, l’avion qui le transportait ainsi que sa suite s’étant écrasé, tuant au passage les 96 personnes qui étaient à bord.
Une œuvre inachevée
Ce jour-là, en Pologne, il y eut un grand silence. Silence de l’incapacité à comprendre le vrai sens de ce qui venait de se passer. Puis vint le remords. Plus tard, il fut clair qu’une certaine ligne politique était brisée, la ligne radicale, souvent ridiculisée par l’opposition, mais qui semblait bien enracinée dans la quête de la vérité. Et puis, rapidement, l’opposition prit le dessus, et une certaine culture du compromis remplaça l’aspiration pour la vérité. Un certain nombre de textes et de propositions de lois clairement désavantageux pour le peuple furent adoptés. Certains d’entre eux furent socialement et moralement inacceptables. Ce furent de vrais scandales politiques, opportunistes et, parfois aussi, nettement influencés par des forces politiques étrangères à la Pologne.
Lorsque Andrzej Duda apparut, il sembla qu’il représentait une possibilité de s’opposer à cette dégringolade. Il se déclara lui-même disciple du Président Kaczyński et se reconnut en même temps dépositaire de cet héritage en forme de « grande œuvre inachevée » : le travail pour reconstruire le pays, en renforçant ses fondations non seulement économiques mais encore morales. Quarante jours après avoir pris possession de ses nouvelles fonctions, il se montra fidèle à ses engagements de campagne, en participant à la cérémonie d’ouverture du Musée de Katyń, et en demandant une fois encore que toute la vérité soit faite.
Une nouvelle génération
Le président Andrzej Duda est représentatif d’une nouvelle génération de politiciens. La génération qui se rappelle clairement l’oppression communiste, mais qui a aussi passé une bonne partie de sa vie dans une Pologne libérée des contraintes du système totalitaire. C’est la génération qui a eu à apprendre les règles de la liberté du monde occidental, tout en gardant vivante la mémoire de l’esclavage.
Comme le dit le poète Zbigniew Herbert, la perte de mémoire par une nation est aussi la perte de sa conscience. Ainsi, il est bon de se rappeler le passé en gardant les yeux tournés vers le futur. C’est la meilleure manière de se garder d’un ressentiment stérile et de s’ouvrir à l’espérance.
C’est peut-être justement cette espérance que le langage d’Andrzej Duda a su allumer dans le cœur du peuple polonais. Et peut-être est-ce aussi pour cela que tant d’électeurs, y compris parmi les jeunes, lui ont fait confiance, quoique sans le connaître vraiment. Son crédit se renforça d’ailleurs lors de la conclusion de la cérémonie du serment, lorsque le nouveau Président polonais reprit l’invocation, encore récemment assez impopulaire : « Que Dieu me vienne en aide ! ».
Nous pouvons croire en effet, qu’obligé par cette invocation, il gardera son attention fermement fixée sur le bien réel du peuple et qu’il saura protéger sa droiture morale du conformisme politique dévastateur. Espérons aussi que la toute prochaine élection parlementaire du 25 octobre 2015 lui fournira un bon soutien.
Biographie succincte : Andrzej Sebastian Duda est né à Cracovie, le 16 mai 1972. Il a étudié à l’Université Jagellon. En janvier 2005, il y obtient un doctorat de droit. Duda commence sa carrière politique au début des années 2000. Après les élections législatives de 2005, il commence sa collaboration avec le Parti Droit et Justice (PiS). De 2006 à 2007 il est sous-secrétaire d’Etat du Ministre de la Justice. De 2007 à 2008, il est membre du Tribunal d’Etat Polonais. De 2008 à 2010, il est sous-secrétaire d’Etat à la Chancellerie du Président de la République de Pologne, pendant la présidence de Lech Kaczyński. En 2010, il est candidat perdant à la municipalité de Cracovie. Il est pourtant élu au parlement en 2011 en recevant 79 981 votes pour la zone de Cracovie. Député au parlement européen en 2014, il devient le sixième Président de la République de Pologne et prête serment le 6 septembre 2015.
Opposer ainsi la vérité à l'opportunisme me semble manichéen. Les partis, en Pologne comme ailleurs, représentent les intérets d'une partie de la société. Le prédécésseur de Duda avait prêté le même serment.. Ce dernier n'est qu'indirectement concerné par ses élections, parce que ce n'est pas lui qui gouverne mais le Premier Ministre issu de la majorité parlementaire. La constitution polonaise lui reconnait seulement le droit de "coopérer" avec le gouvernement en matière de politique étrangère.