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Inde : une harmonie menacée ?

La récente défaite du parti nationaliste hindoue de Narenda Modi au élections du parlement d'un des plus grands états de l'Inde vient changer la donne politique. 

L’Inde, ce géant mystérieux offre au monde depuis des générations un modèle d’harmonie et de vivre ensemble. Mais ce modèle est toujours fragile et régulièrement menacé de dissolution. Il suffit de penser aux massacres qui accompagnèrent l’indépendance du pays ou encore les émeutes sanglantes qui eurent lieu au Gujarat en 2002. Les tensions inter communautaires souvent attisées par des politiciens sans scrupules menacent sans cesse de dégénérer. Cependant il y a en Inde une tradition multiséculaire de tolérance et d’acceptation de l’autre. Les visages du Bouddha, de Kabir ou plus récemment du Mahatma Gandhi sont là pour le rappeler. Cette tolérance est ancrée dans la conviction que la Vérité, que l’Etre dépasse au fond toutes ses manifestations, et toutes les appartenances qu’elles font naître. La pluralité ne s’oppose qu’en apparence à l’Unité.

Il est vrai que comme la colonisation dans le passé, le développement économique et l’ouverture de l’Inde au reste du monde sont apparus plus récemment comme une menace pour la culture du pays, ses racines, ses traditions ancestrales[1].

Cette peur s’est traduite politiquement dans un mouvement appelé Hindutva qui tend à vouloir affirmer l’identité hindoue du pays, au risque de mettre de côté les minorités. C’est ce mouvement qui a porté au pouvoir Narendra Modi et son parti le Bharatiya Janata Party (BJP).

Il y a seulement quelques semaines dans un petit village de la région de New Dehli un musulman était lynché par une foule enragée car il aurait mangé de la viande de bœuf. C’est que dans cet état de l’Inde l’abattage des vaches a été interdit par le BJP au pouvoir. C’est un cheval de bataille du mouvement nationaliste car il est symbolique de l’affirmation des valeurs hindoues.

Cependant cet évènement a eu un écho dans tout le pays. Et il a déclenché un mouvement d’indignation conduisant des intellectuels, des musiciens et des cinéastes à rendre symboliquement les récompenses reçues des instances nationales pour protester « contre le climat d’intolérance » (source : The Guarian)

C’est dans ce contexte que se sont tenues les élections dans un des plus grands états de l’Inde, le Bihar. Comme souvent la campagne s’est déroulée dans un climat de violence. Comme l’explique un journaliste, chaque campagne électorale prend la forme pour les nationalistes hindous d’une « guerre temporaire » (Source : The Hindu). Le président du BJP faisait ainsi une déclaration durant la campagne : « si par malheur le BJP perd au Bihar on fera la fête au Pakistan » (l’ennemi  juré de l’Inde !). Comme souvent le BJP a mené sa campagne en cherchant à opposer majorité et minorités : majorité hindoue contre minorités religieuses – chrétiens et musulmans, sikhs – haute castes contre basses castes, etc.

Cependant le BJP a subi une défaite historique, la Grande Alliance à laquelle il était opposé remportant la majorité absolue au Parlement de l’Etat. C’est un camouflet pour le premier ministre Modi qui s’était pourtant impliqué personnellement dans la campagne.

La défaite de Modi fait par ailleurs émerger un nouveau leader potentiel au niveau national : Nitish Kumar, le Chief Minister sortant qui est donc réélu. Il a eu le mérite de faire une campagne humble, paisible, non agressive. Son moto : « pour un développement harmonieux ». Un succès qui donne espoir pour la politique indienne.            


[1] On peut notamment se référer à un livre phare du mouvement nationaliste : « Breaking India » par Rajiv Malhotra et Aravindan Neelakandan, cf. www.breakingindia.com

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