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Intervention de Julian Carron au sujet de l’union civile homosexuelle en Italie

C'est aujourd’hui que le projet de loi sur l'union civile de personnes du même sexe est discuté par les sénateurs italiens[1]. Le débat se cristallise entre les partisans des valeurs traditionnelles et ceux des "nouveaux droits". Par son texte "droits traditionnels et valeurs fondatrices", Julián Carrón, président de la Fraternité de Communion et Libération, entend élargir les propos inévitablement réduits par la manière de poser le problème. Avant la manifestation de protestation qui aura lieu samedi prochain à Rome, il rappelle ainsi un point crucial de la contribution chrétienne au débat sociétal.

Pourquoi l’affrontement en cours est-il si dur ? Une partie de l’opinion publique revendique ces nouveaux droits comme une conquête de civilisation, l’autre les considère comme un attentat contre les valeurs fondatrices de la civilisation occidentale. Le débat qui les entoure entraîne donc des divisions sociales et des conflits politiques qui paraissent insolubles. Pourquoi suscitent-ils à la fois une telle fascination et une telle aversion ? Monsieur le directeur, après des mois de discussions sur les unions civiles, la proposition de loi Cirinnà arrive au parlement, ce qui provoque une nouvelle manifestation, ou mieux deux, l’une en sa faveur et l’autre opposée. Ceux qui soutiennent ce projet exigent la reconnaissance de nouveaux droits ; ceux qui s’y opposent le font pour défendre des droits traditionnels.

Demandons-nous l’origine de ce qu’on appelle les « nouveaux droits ». Chacun de ces droits naît, en dernière instance, d’exigences profondément humaines : le besoin d’aimer et d’être aimé, le désir d’être père et mère, la peur de souffrir et de mourir, la recherche de sa propre identité… C’est la raison de leur force d’attraction et cela explique pourquoi ils se multiplient, avec l’attente secrète que l’ordre juridique puisse résoudre le drame de la vie et assurer « par loi » une satisfaction aux besoins infinis propres à tout cœur.

La proposition de loi Cirinnà naît dans ce contexte : elle a pour but de répondre au désir d’accomplissement affectif entre deux personnes du même sexe qui se lient entre elles en constituant de nouvelles formes sociales et demandent leur reconnaissance. Avec tout le respect que l’on doit au débat juridique, ce que je tiens à souligner ici est le fait que ce sont toujours l’homme et sa réalisation qui sont en question. Toute tentative humaine aspire à un accomplissement. Mais cette tentative, tout en étant sincère, est-elle à même de répondre ?

La culture contemporaine, dont nous faisons tous partie, ne considère pas toujours dans les besoins profonds du moi la portée infinie des exigences humaines constitutives ; par conséquent, elle offre souvent des réponses partielles et donc inadaptées. Mais le désir humain se laisse-t-il vraiment comprimer si facilement ? Comme nous l’a appris Cesare Pavese, « ce qu’un homme cherche dans les plaisirs est un infini, et personne ne renoncerait à l’espoir de parvenir à cet infini ». Une goutte n’arrivera jamais à remplir le verre de la vie. Ce que l’on m’a raconté récemment au sujet d’un homosexuel qui s’occupe de mode, avec un beau travail et une relation avec un compagnon en est la preuve. Il a rencontré par hasard un couple d’amis, auxquels il a confié qu’il n’est pas heureux et leur a dit : « C’est comme s’il me manquait quelque chose ; c’est comme si je vivais ma vie en partant d’une réaction, dans un mode défensif. Cela me remplit d’inquiétude. »

Il est inquiet, comme tout homme. Nous avons tous continuellement tendance à réduire notre désir à une image que nous nous sommes forgée parce que nous croyons avoir ainsi la solution à portée de la main. Mais l’homme réel ne s’en contentera jamais. Ou plutôt, le prix à payer est très élevé : étouffer derrière les barreaux de la prison qu’on a soi-même construite. L’insatisfaction peut-elle se résoudre par l’adoption d’une loi ? De nombreuses personnes le croient, ce qui explique leur lutte acharnée pour la faire voter. De l’autre côté, ceux qui considèrent que cela mine les fondements de la société s’y opposent souvent avec le même acharnement ; sans parvenir à déstabiliser le moins du monde la position qu’ils combattent ; au contraire, ils alimentent sa résistance.

« Qui nous libérera de cette condition mortelle ? », se demandait déjà saint Paul. Seule une rencontre vivante qui exalte l’humanité de l’homme et lui rend son souffle originel pourra le libérer de la dictature de ses désirs réduits, en suscitant en lui l’envie d’une autre forme de vie. Seule cette rencontre peut constituer une réponse adéquate face aux réductions que nous constatons et se révéler respectueuse de la liberté d’autrui. Comme le rapport d’amitié que ce couple a offert à son ami homosexuel, qui l’a amené à dire : « Il serait beau de vivre le travail et les rapports de la manière dont vous les vivez, ta femme et toi. Vous êtes spéciaux d’une façon normale. Il est beau de parler avec vous. ». Puis, il a demandé : « Comment pouvez-vous vivre ainsi ? ».

Cela confirme ce que don Giussani nous a toujours dit : « Dans une société comme celle-ci, on ne peut rien créer de nouveau si ce n’est par sa vie : il n’y a ni structure, ni organisation, ni initiatives qui tiennent. Seule une vie différente et nouvelle peut révolutionner les structures, les initiatives, les rapports, en bref, tout ! » C’est cette même vie qui a révélé la soif de cette femme de Samarie que les cinq maris n’avaient pas étanchée.

N’est-ce pas ce que tout le monde attend de nous, chrétiens ? « Ce qui manque n’est pas tellement la répétition verbale ou culturelle de l’annonce. L’homme d’aujourd’hui attend peut-être de manière inconsciente l’expérience de la rencontre avec des personnes pour qui le fait du Christ est une réalité si présente que leur vie en est transformée. L’homme d’aujourd’hui ne peut être secoué que par un impact humain : un évènement qui soit l’écho de l’évènement initial, lorsque Jésus a levé les yeux et dit : “Zachée, descends tout de suite, je viens chez toi” » (don Giussani). On nous indique ici la méthode par laquelle le christianisme se produit et continue à se produire. Autrement dit, le Christ n’est pas une décoration pour une solution à chercher ailleurs : Il est la clé même de la solution. Seul le Christ est capable, en tant qu’évènement présent dans la vie des personnes, de libérer l’homme de sa réduction et de lui faire désirer et expérimenter cette plénitude pour laquelle il est fait. « Il serait beau de vivre le travail et les rapports de la manière dont vous les vivez, ta femme et toi. » Sans une telle expérience de libération, toute réponse soi-disant « concrète » sera toujours insuffisante. Chacun de nous en a la preuve évidente dans sa vie.

Quelle est donc la véritable contribution que chacun de nous chrétiens est appelé à apporter dans le débat en cours, dans la fidélité à la tradition de l’Église et à ses enseignements, qui ne sont pas en discussion ? « Nous savons que la meilleure réponse à la conflictualité de l’être humain du célèbre homo homini lupus de Thomas Hobbes est l’Ecce Homo de Jésus qui ne fait pas de récrimination, mais qui accueille et, en payant de sa personne, sauve. » C’est à partir de cette certitude témoignée par le pape François que nous pouvons entrer en rapport avec tout homme pour « construire la société civile avec les autres » (Florence, 10 novembre 2015), en apportant – autant que possible – notre contribution pour améliorer la situation, pour le bien de tous.

Julian Carrón,  Président de la Fraternité de Communion et Libération
Corriere della Sera, 24 janvier 2016, p. 30.
 

 


[1] Les sénateurs débatent aujourd'hui de la conformité du projet de loi à la consititutions qu'ils voteront mardi prochain. Si la proposition ne sera présentée à la Chambre des députés qu'à la mi-février, les négociations y sont déjà bien avancées afin d'éviter les navettes. Ce procesus a été précipité à la suite des arrêts de la CEDH du 21 juillet dernier qui répondaient aux plaintes de trois couples homosexuels italiens privés de la possibilité de contracter légalement leur union. 

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1 Commentaire

  1. Mais où veut aller chacun avec ses désirs en souffrance?  Le modèle du mariage est comme la boussole qui oriente la société tout entière. Comment demander à deux hommes ou à deux femmes de procréer?  Sachons aussi entrer dans la dimension du réel et du raisonnable; arrêtons de traumatiser nos enfants avec la confusion entretenue par la théorie du Gender.Les unions homosexuelles existent mais l'erreur du législateur français est de baptiser mariage, ce qui relève d'un autre type d'union, par essence non féconde. Toute dictature commence par le déni du réel et le changement du sens des mots. Oui à la compassion, non au déni du principe de réalité et l'éclosion d'un commerce sur les enfants à naître, car endroit, la personne n'est pas une chose; une res, une marchandise pouvant être aliénée. L'être humain, dès la conception, est une personne et à ce titre, elle est protégée par l'indisponibilité et l'incessibilité.