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La Pologne face à la crise syrienne

Entretien exclusif. Ancien ministre de la culture et ancien vice-président du parlement polonais, député européen (PiS), Kazimierz Ujazdowski est particulièrement sensible à la situation des chrétiens du Moyen Orien. "La promotion de l’héritage chrétien et de son rôle dans l’histoire du vieux continent, le rappel des racines de la démocratie et des Etats de droit, sont autant de défis auxquels font face l’Europe moderne et la Pologne."

La situation difficile vécue par les chrétiens originaires du Moyen Orient est bien connue. Quelle est la position de la Pologne à ce sujet ?

La Pologne, de sa propre initiative, devrait recevoir les chrétiens du Proche-Orient. Jusqu’à présent, l’action du gouvernement précédent en ce sens était insuffisante. Notons que l’aide apportée aux chrétiens des pays malmenés par le conflit, ainsi que leur accueil en Pologne, ont été pour une grande part assurés par l’Eglise catholique polonaise et diverses initiatives sociales. Il est bon de rappeler avant tout le Centre Polonais pour l’Aide Internationale (Polskie Centrum Pomocy Międzynarodowej). Actuellement, seule une structure efficace de coopération entre le gouvernement, l’Eglise et les citoyens pourra apporter une solution effective en termes d’accueil et de soins à prodiguer aux chrétiens. Assurément, il faut améliorer l’aide humanitaire apportée à la Syrie. L’apport de la Pologne pour aider les pays du Proche-Orient s’élèvera à trois millions, ils seront débloqués par le gouvernement dans le cadre de la décision prise à l’issue de la conférence internationale de Londres « Soutenir la Syrie et sa région ».

Quel est votre engageemnt en tant que député euopéen ? 

Je me suis engagé dans le cadre de la résolution adoptée par le Parlement Européen contre le massacre systématique des minorités religieuse par l’Etat Islamique, ainsi que dans le travail sur la résolution du Parlement Européen sur la situation en Lybie. Le projet de cette première résolution concernait les directives européennes visant à promouvoir et défendre la liberté de religion et d’opinion. Il concernait aussi les conclusions du Conseil Européen au sujet de l’encouragement à observer le droit humanitaire international, les instructions de l’Union Européenne par rapport aux actes de violence et toute forme de discrimination envers les femmes, les directives européennes en faveur de la défense droits de l’enfant et des droits de l’homme, notamment pour la liberté d’expression sur internet et en-dehors. Le second projet concernait la situation en Libye, qui va en s’aggravant, ce qui provoque un problème migratoire en Europe. La résolution adoptée souligne l’importance d’une coopération avec les organisations internationales (entre autres l’ONU, l’UE, la Ligue Arabe, l’Union Africaine), dans le but de résoudre la situation critique dans laquelle se trouve le pays.

Mais l’Union Européenne elle-t-elle vraiement capable d'améliorer le sort des chrétiens persécutés ?

L’UE devrait soutenir politiquement les actions des pays occidentaux visant à démanteler l’Etat Islamique et instaurer la paix. Une coopération plus étroite entre les organisations internationales dans l’aide humanitaire est nécessaire. Les déclarations des représentants des puissances mondiales lors de la Conférence sur la Sécurité à Munich ont fait renaître une espérance. Il s’agit maintenant d’attendre quels effets auront ces résolutions. L’UE devrait soutenir les actions visant à aider les réfugiés arrivés sur le territoire turc. C’est précisément cet engagement diplomatique des institutions de l’Union Européenne, en dialogue avec les dirigeants turcs, qui pourra permettre d’atteindre les objectifs espérés, entre autres pour apporter une aide financière pour les réfugiés. Ces fonds sont nécessaires à la Turquie dès à présent.

On connaît le sort des chrétiens du Proche-Orient par des témoignages dans les milieux chrétiens. Mais il y a très peu d'échos dans les médias. Pourquoi cet aveuglement ? 

Effectivement, nous pouvons avoir l’impression que la question de ces crimes perpétrés contre les chrétiens n’est pas suffisamment diffusée dans les médias européens et mondiaux. L’Europe doit raviver et reconstruire le lien qu’elle a avec son héritage chrétien. Il s’agit en premier lieu d’une tâche éducative et culturelle. Les politiciens qui ont une orientation chrétienne doivent être persévérant pour faire valoir le droit de la personne humaine et de la famille. La Pologne, en tant que pays fortement lié au patrimoine chrétien, peut représenter pour l’Europe occidentale un exemple de coopération active et utile entre l’Etat et l’Eglise.

Quelle politique la Pologne a-t-elle adoptée par rapport à la manière dont l'Europe accueille les réfugiés ?

La Pologne s’oppose à une répartition forcée des réfugiés dans les différents pays de l’Union Européenne, car nous ne pouvons pas être d’accord avec une présence incontrôlable des communautés musulmanes en Pologne sans perspective d’intégration sociale. Cette position rejoint celle prise par les autres Etats du groupe dit « de Višegrad ». C’est une situation dans laquelle il faut savoir être raisonnable, et la Commission Européenne devrait respecter ses pays membres et chercher un compromis.

Est-on entré, comme ne cesse de le répéter les médias, dans une « guerre des civilisations » ?

C'est l’islam radical qui est la source du terrorisme. Une réaction solide contre la barbarie est indispensable. Nous ne pouvons cependant pas entrer dans une logique manichéenne présentant le monde musulman dans son ensemble comme un ennemi. Il est bon de rappeler qu’une partie de la population musulmane dans les pays européens s’est adaptée aux principes démocratiques de leur pays d’accueil (par exemple, les minorités turques en Allemagne). La lutte contre l’extrémisme islamique est l’une des priorités de la communauté européenne. La promotion de notre propre culture est une méthode efficace pour lutter contre l’islam radical, une culture fondée sur les valeurs chrétiennes. La promotion de l’héritage chrétien et de son rôle dans l’histoire du vieux continent, le rappel des racines de la démocratie et des Etats de droit, sont autant de défis auxquels font face l’Europe moderne et la Pologne. C’est pourquoi il est nécessaire de rappeler les idéaux qui animaient les fondateurs de la Communauté Européenne, et quel a été l’apport de l’Eglise dans le processus de réconciliation entre les pays de l’Union Européenne (notamment le rôle essentiel de la lettre écrite par les évêques polonais aux évêques allemands). Une vaste action promouvant le patrimoine que j’ai mentionné est nécessaire. C’est la meilleure réponse que nous puissions apporter aux revendications radicales d’une partie du peuple musulman.

 

Propos recueillis par Dominika Pruszynska*
Traduit du polonais par François Martineau
 
* Dominika Pruszynska a été membre du cabinet du ministre Kazimierz Ujazdowski.
Elle est désormais volontaire avec l’association Points-Cœur en Inde.
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