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La légende de Joseph : posséder ou servir

L’opéra national de Vienne a donné la LÉGENDE DE JOSEPH de Richard Strauss. Chorrégrafié par John Neumeier, un ballet désormais classique dont le drame préfigure la Passion du Christ. 

Le public de l’Opéra de Vienne, habitué à un programme dense (plus de 50 œuvres sur 300 jours) et d’une très grande qualité, préfère de loin les ballets aux opéras. Cela implique de la part du directeur de l’opéra, le français Dominique Meyer, de n’offrir que d’excellentes œuvres. Celles de Neumeier en font partie, à commencer par « la légende de Joseph » qui inaugura en 1977 l’amitié de Neumeier avec le public viennois. Depuis 10 autres versions ont été proposées et la dernière en date, une nouvelle version de « la légende de Joseph » précédée des « Verklungene Feste », sur un livret de Pia et Pino Mlakar et une musique de François Couperin arrangés par Richard Strauss.

John Neumeier est né aux Etats-Unis mais vit depuis plus de 50 ans en Europe, il est connu spécialement comme directeur du ballet d’Hambourg auquel il a imprimé sa marque bien singulière depuis 1973. Tout en étant de son temps, il est demeuré fidèle à la grande tradition du ballet classique. Travailleur infatigable, Neumeier a chorégraphié de très nombreuses ballets, mais aussi des grandes œuvres musicales qui n’étaient pas destinées à la danse (Messie de Haendel, Oratorio de Noël de JS Bach, Passion selon Saint Matthieu de JS Bach) et reconnues néanmoins comme de mémorables chefs d’œuvre.

On peut au premier abord s’étonner de la combinaison de ces deux œuvres « Verklungene Feste » et « Josephs Legende ». Mise à part les nécessités de la programmation – on ne peut faire venir le public que pour une heure – la date des premières peut aussi expliquer le désir de Neumeier de lier ces deux œuvres. « Verklungene Feste » fut présenté la première fois au théâtre national de Munich en 1941, pour évoquer la nostalgie de ces « fêtes qui se taisent peu à peu » (traduction possible du titre allemand). La légende de Joseph quant à elle fut jouée la première fois à l’opéra de Paris en mai 1914. Neumeier dit lui-même : « Dans la musique de ces deux ballets j’entends une fuite du monde, particulièrement dramatique dans cette atmosphère de fin du monde » des deux guerres mondiales. Par la danse nous est posée la question du passé qui disparaît, du présent qui fait peur, de l’innocence attaquée, du sens de l’existence. 

Pour « La légende de Joseph » , le récit de la Genèse est passé sous la plume des poètes Hofmannsthal et Kessler pour devenir un livret d’opéra ; puis il a été mis en musique par Richard Strauss. Neumeier s’est enquis de chorégraphier l’œuvre, et à Vienne de la mettre en scène, en gérant décors, éclairages et troupe des danseurs. Il est remarquable de noter cette subtile mutualisation des talents au service de la Parole de Dieu à travers le temps, l’espace, la parole, le geste etc. qui font de ce ballet un chef d’œuvre qui touche profondément le cœur.

Le jeune Joseph a été vendu par ses frères à une caravane égyptienne. Arrivé en Egypte, il est vendu à Potiphar, capitaine de la garde de Pharaon, qui se prend d’affection pour lui et le nomme intendant de sa maison. La femme de celui-ci s’éprend de Joseph et tente de le séduire. Lorsque Potiphar les surprend dans ce qui ressemble à une étreinte amoureuse, son épouse fait retomber la faute sur Joseph qui est fait prisonnier. Celle-ci cependant est prise de regret et s’enquiert d’intercéder auprès de son mari pour sauver Joseph.

Il est remarquable de voir à travers la danse la façon dont les personnages évoluent :

– Joseph tout d’abord, un tout jeune homme remarquable par sa beauté et sa pureté toute insouciante. La présence de l’ange manifeste qu’il est sans cesse tourné vers Dieu. Les assauts de la femme de Potiphar semblent le blesser dans sa pureté qui ne  saurait être possédée. Mais c’est ainsi qu’il prend conscience que cette pureté est un don, comme le signe extérieur de la mission qui est la sienne et vers laquelle l’entraine l’ange.

– la femme de Potiphar qui devant la beauté innocente est tout d’abord tentée de posséder, puis de détruire lorsqu’elle comprend que le premier est impossible. Mais un chemin de remord s’ouvre dans son cœur, et elle comprend peu à peu que ce que représente Joseph est un don pour tous qu’il faut plutôt servir que posséder.

Une fois encore le croyant Neumeier excelle dans la chorégraphie d’un thème religieux, nous rappelant que la personne entière, corps et âme est appelée à la louange :

David et toute la maison d’Israël dansaient devant le Seigneur, au son des instruments en bois de cyprès, cithares et harpes, des tambourins, des sistres et des cymbales.

 

            
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