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La conversion d’Adriaan Vlok

Le parcours de conversion d’Adriaan Vlok, ancien responsable de la répression ségrégationniste en Afrique du Sud est étonnant.

Tous les mardis, un vieil homme de 78 ans prend son pick-up et se rend dans le township d’Olievenhoutbosch, un quartier pauvre et majoritairement noir de Prétoria. Il fait une courte prière, et il part distribuer du pain, des pâtisseries et d’autres denrées alimentaires à des familles dans le besoin. Il prend des nouvelles des uns et des autres. Les gens se sont habitués à la visite de ce grand-père jovial et les enfants se pressent autour de lui. « Les plus petits viennent vers lui, tapent, pour jouer, dans le plat de la main qu’il leur tend [i]». D’autres chantent pour le remercier de sa venue. Il se rend au domicile d’un homme en fauteuil roulant, puis dans deux crèches et enfin dans un centre qui accueille des enfants handicapés. Le reste de la semaine, il fait le tour des supermarchés et avec quelques amis pour collecter les surplus. Dans sa modeste maison de Pretoria, il héberge des sans-abris.

Personne ne le reconnait dans le township. Pourtant, Adriaan Vlok fut l’un des hommes les plus redoutés d’Afrique du Sud. Dans les années 1980 il fut « ministre de la loi et de l’ordre » dans le gouvernement ségrégationniste. A cet époque, il organise des attentats contre des églises et des syndicats noirs. Il tente même, sans succès, de faire empoisonner le pasteur Franck Chikane, un des leaders du parti d’opposition des noirs, l’African National Congress[ii].

Sa vie va être bouleversée par deux évènements : d’abord par le changement politique, au cours duquel le président de Klerck organise la passation du pouvoir au leader noir Nelson Mandela. Vlok abandonne la politique en 1994. La même année, son épouse s’est suicidée : entièrement absorbé par sa carrière, il ne l’a pas vue s’enfoncer dans la dépression  : « Je m’en suis voulu de ne pas l’avoir aidée. J’étais un homme très dur, confie-t-il aujourd’hui. J’ai envoyé tant de gens en prison… J’ai honte de beaucoup de choses que j’ai faites, . Je sais que beaucoup ne me pardonneront jamais, mais ce n’est qu’en libérant la parole qu’on peut être sur le chemin de la réconciliation. Aujourd’hui, il est de mon devoir de faire tout ce que je peux pour aider mon prochain. Mon cœur a été transformé par la Parole de Dieu. [iii]» Il est devenu un lecteur assidu de la Bible, et garde sur lui l’évangile de Matthieu : « J’avais faim, et vous m’avez nourri …»

Devant la commission de réconciliation nationale mise en place par Nelson Mandela et présidée par l’archevêque Desmond Tutu, il est un des rares politiciens du régime d’apartheid à exprimer du repentir. « J’ai rencontré le Seigneur Jésus et il a changé ma vie. Je comprends aujourd’hui que la haine de mon prochain ne vient pas de Dieu. Je demande pardon à Jésus qui est mort sur la croix pour mes péchés. Et je demande également pardon à tous ceux qui ont été victimes de mes ordres pendant que j’étais responsable de la sécurité intérieure. »

En 2006, il va trouver le révérend Chikane, devenu secrétaire de la présidence de la République. Il a porté dans une petite valise une cuvette, de l’eau et deux petites serviettes. Humblement, il demande au pasteur l’autorisation de lui laver les pieds. Ces deux lecteurs de la Bible connaissent parfaitement la signification de ce geste. Ils pleurent ensemble[iv].

« La première fois qu’il est venu au centre apporter à manger en 2009, j’étais choquée et heureuse à la fois, confie Dinah Sekese, fondatrice du centre pour handicapés d’Olievenhoutbosh… C’était le premier blanc à proposer un coup de main. Mais je ne savais quoi penser. Ma famille m’a dit : “éloigne-toi de cet homme, il va te tuer”. J’ai choisi de lui faire confiance. Moi-même, j’ai changé grâce à lui, car désormais je suis capable de pardonner. Je lui ai pardonné. Mon amitié avec Adriaan m’a appris ce qu’est la bonté du cœur. »

Il y a des personnes pour douter de la sincérité de cette conversion. Mais pourquoi refuser d’admettre qu’un homme puisse changer et ne pas dire comme Jésus : « Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison » ?


Adrian Vlok lave les pieds d'un chauffeur de taxi lors d'une rencontre pour la réconciliation


[i] La Croix du 27 mars 2016

[ii] Newrepublic, 14 juin 2014

[iii] Propos reccueillis par Valentine Girroy, correspondante de La Croix à Johannesbourg

[iv] Cet épisode est rapporté par le Courrier International du 29 aout 2014

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