« Nous n’avons pas besoin de chercher à obtenir le pouvoir : Dieu nous a déjà confié toute l’humanité ». L’écrivain s'exprime à propos de son nouveau livre Quand nous étions des femmes [Quando eravamo femmine ] (Ed. Sonzogno).
Costanza Miriano
Le nouveau livre de Costanza Miriano rejoint les femmes non seulement parce qu’il décrit, en la dévoilant, la souffrance comme une caractéristique innée de toute femme, mais aussi parce qu’il cherche « comment rendre féconde notre condition ». En lisant Quando eravamo femmine, on ne comprend pas seulement comment « ce qui nous fait souffrir devient la flamme d’un amour plus grand », mais aussi combien est grandiose et puissante la nature féminine des femmes, si elle est acceptée.
Aujourd’hui, on parle beaucoup du problème de l’absence du père, notre époque étant caractérisée par le refus de l’autorité et de toute limite. Mais, pourquoi avez-vous ressenti le besoin d’écrire un livre sur la femme, sa nature féminine et maternelle ?
Parce que je pense qu’il appartient à la femme de rendre l’homme à lui-même. C’est elle qui a le pouvoir de le rendre père. Je ne partage pas les complaintes victimisantes de la femme qui subit la coercition masculine. C’est à la femme d’avoir le pouvoir sur l’homme et sur les enfants, comme le dit Saint Jean-Paul II. Dieu a confié l’humanité à la femme. À l’époque de la disparition du père, le salut vient en effet de la Madone. C’est elle qui nous aide à bien utiliser notre pouvoir en gagnant sur la tentation de contrôler ce qui nous est confié, comme le mari ou les enfants.
Dans votre livre, vous décrivez la souffrance incontournable que la femme porte en elle : une blessure qui supplie d’être pansée, un gouffre qui a besoin d’être rempli. Comment Dieu peut-il avoir confiance en une telle créature ?
La possibilité de la souffrance est aussi celle de la plénitude, parce qu’elle génère un espace intérieur énorme, que j’appelle une cavité, que les femmes remplissent, en s’ouvrant et en trouvant ainsi la satisfaction dans le don de soi. Certes, il convient de faire un travail contre « la folle du logis » comme l’appelle Sainte Thérèse d’Avila – qui cohabite en nous et agit avec égoïsme – afin de laisser Dieu entrer, à travers les autres. Il s’agit d’une lutte continuelle qui se gagne par la prière, les sacrements et l’offrande. C’est dans le « prendre soin de… », que la femme trouve son identité et soigne ses blessures, avant de s’occuper des blessures des autres.
Vous avez été souvent critiquée pour vos livres. Pourquoi écrire aux femmes si vous savez que vous allez provoquer la contradiction ?
J’ai écrit tous mes livres pour faire la lumière en moi-même et non pas pour enseigner quelque chose à quiconque. Je me demande toujours : comment se fait-il que, nonobstant le fait d’avoir un mari qui m’aime, des enfants, un travail, et l’écriture pour laquelle je suis reconnue et souvent surévaluée, je vis encore dans une profonde inquiétude ? C’est justement en écrivant que j’ai mieux compris que je suis insatisfaite quand je cherche à plaire au monde, que je cherche à ne décevoir personne, que je voudrais toujours dire « oui » à tout le monde et que je m’énerve si je faillis. Quand, au contraire, je me préoccupe de plaire seulement à Dieu, qui m’aime comme je suis, alors j’accepte mon imperfection et les décisions, la journée, la vie elle-même reviennent dans l’ordre. J’apprends à dire « non » aux autres (parfois aussi à mon mari et à mes enfants) pour dire « oui » à Lui.
Pourquoi affirmez-vous que le féminisme a trahi les femmes ?
Notre culture inquiète profondément la femme, créant en elle de fausses images d’accomplissement et la portant ainsi à obéir à des besoins mensongers, comme à des désirs réduits. Je pense, parmi de multiples exemples possibles, à celui de quelques femmes immigrées, parties pour nourrir leurs enfants et qui, devant le mirage de l’émancipation, se sont laissées tromper et ont abandonné leur famille. Et cependant, les petites idoles obtenues grâce au bien-être ne les satisferont jamais. Je peux dire la même chose du dédouanement de l’inconscient, comme le définit mon confesseur, de la liberté sexuelle, du « mon corps est à moi, et j’en suis seule responsable », du mythe de la femme au travail. Toutes ces choses, auxquelles nous sommes aujourd’hui soumises plutôt que d’en être libres. Alors que la femme a un réel pouvoir lorsque, posant un jugement sur l’inconscient, elle le contrôle, et garantit ainsi l’ordre en elle-même.
Vous soutenez l’idée qu’il ne faut attendre l’accomplissement personnel ni du mari, ni des enfants. Mais, alors, pourquoi se marier ?
[Le mariage] est une voie, comme celle de la virginité, pour trouver Dieu. Une voie dans laquelle nous nous convertissons à travers le visage de l’autre, qui est différent de nous. Les mariages peuvent être plus ou moins faciles, plus ou moins féconds, mais l’important est d’y mettre nos cinq pains et nos deux poissons, qui sont l’obéissance à la réalité. Il faut savoir que celui qui se marie ne le fait pas en raison d’un sentiment, mais pour un amour de qualité plus haute qu’est le sacrifice pour le bien de l’autre. Même si cela demande un effort, je peux dire que cela vaut vraiment la peine.
Vous citez souvent Don Luigi Giussani dans votre livre, et montrez [comme il l’a lui-même enseigné] que l’amour est le contraire de la possession. C’est un amour pour le destin de l’autre. Est-ce cela la « qualité plus haute » dont vous parliez ?
Je décris les périodes pendant lesquelles le sentiment peut être moins fort, ou celles pendant lesquelles il peut arriver de s'éprendre d’une personne qui a déjà dit « oui » à Dieu sur une voie bien précise. Aimer le destin de l’autre, ainsi que le chemin pour le rejoindre, peut provoquer une douleur lancinante, comparable à la mort. Mais, combien de fruits peut porter un cœur qui saigne ?! Celui-là sera capable d’un grand amour. Oui, c’est cela la qualité plus haute.
Dans votre livre, vous dites aussi que votre famille vous a sauvée de vous-même.
À mon « oui » à Sa volonté, et à mon ouverture à la vie, Dieu a répondu en me donnant un mari et puis des enfants. J’étais la personne la plus déséquilibrée de la terre. Je ne savais pas ce que signifiaient les horaires : je dormais, je mangeais, je me lavais quand je voulais, et si j’en avais envie. Mes enfants et mon mari m’ont libérée de l’instinct qui me condamnait à vivre dans le chaos et dans le désordre. Ma famille m’a guérie.