Home > Cinéma, Théâtre > Stabat : un art de vivre ?

En introduction de l’Avant-Première chilienne du documentaire "Stabat" réalisé par Estelle Beauvais pour les 25 ans de Points-Cœur, Cécilia Bralic, professeur de la Faculté de Théâtre de l’Université Catholique de Santiago, nous conduit pas à pas, depuis son expérience du théâtre, à réaliser combien le charisme de Points-Cœur est un véritable Art de vivre. Voici quelques passages de son intervention.

TdC : Stabat, qu’est-ce que cela signifie ?

Cécilia Bralic : Etymologiquement, Stabat est un verbe latin qui indique une action situationnelle, c’est-à-dire une action par laquelle une personne se positionne dans l’espace, vient à se situer, mais non pas de façon à être seul face à soi-même mais plutôt comme celui qui se situe devant, dans une attention, en tension vers la réalité. Stabat serait en ce sens, l’action propre de celui qui vient à se situer dans le monde, non pas de façon indifférente mais attentif aux relations qui l’introduisent dans la compréhension de la réalité. Nous en avons la confirmation dans le premier vers de l’hymne médiéval original du Stabat Mater : La Mère se tenait debout, douloureuse, en larmes devant son fils suspendu.

Stabat serait donc une clef de compréhension du charisme de Points-Cœur?

Le documentaire nous montre effectivement, qu’en vertu de son ‘Stabat’, Points-Cœur parvient à nous introduire dans sa mission, laquelle, plus qu’un « faire », plus qu’un programme d’activités, est un mode de vivre « étant » attentif à faire une expérience de la réalité : sans prétendre à d’autre résultat que de vivre face à la réalité comme face à une présence significative. Il n’y a dès lors plus de place pour un regard stratégique qui recherche l’adhésion ou obtenir des avancées sur le plan matériel. Il ne s’agit pas d’une mission sociale. Il s’agit en revanche pour les volontaires d’appréhender, eux-mêmes, ce que signifie 'vivre' à partir de l’exercice quotidien du 'stabat'.

Comment apprend-on le stabat ? Que nous dit le théâtre à ce sujet?

Ce qui est intéressant c’est que cela ne s’apprend – et le théâtre le sait bien – qu’en se situant 'les uns face aux autres, comme des acteurs face aux spectateurs'. Les volontaires sont introduits par les propres voisins et les circonstances de leur vie à l’apprentissage de ce 'stabat', qui tient bien plus d’une contemplation que d’un activisme, d’une recherche de vérification de la grandeur de 'vivre', simplement émerveillés par la vie telle qu’elle nous est donnée, en la recevant constamment comme l’on reçoit un cadeau.

C’est comme si nous était ouvert par le Stabat de Points-Cœur, l’apprentissage – non pas théorique mais pratique – d’une forme de regard compatissant… mais compatissant de la profondeur de la réalité. C’est la réalité elle-même qui pour se révéler dans toute sa profondeur a besoin – comme une mendiante – de mon 'oui', de ma liberté pour y adhérer, pour m’y arrêter, pour aller à sa rencontre et y demeurer amoureusement, pour l’interroger comme un évènement, comme une présence significative que je ne voudrais pas manquer. Réussir à regarder l’autre de la sorte, c’est en langage théâtral, offrir la scène pour que « ce qui est » arrive à s’exprimer simplement devant celui qui l’accompagne.

Stabat, compassion, théâtre : c’est donc un art de vivre.

Ce documentaire nous rappelle, que si nous voulons entrer dans la grandeur de la réalité, nous devons apprendre la vertu de la compassion, de l’amour, de la passion pour entrer plus-avant dans cette réalité, dans sa profondeur. Non pas pour l’exploiter ou en tirer profit, mais pour l’affirmer et en prendre soin, en l’accompagnant dans son destin.

Je me rappelle qu’il y a deux ans à l’Ecole de Théâtre, nous avons eu la visite de plusieurs dramaturges et parmi eux, Egon Wolf. En bon Allemand, c’est un homme simple, grand et qui impose beaucoup de respect. Une étudiante de première année s’est alors approchée de lui et lui a demandé délicatement : « Maître, pourriez-vous nous donner une recette qui nous aide à devenir de bons dramaturges ? » Après un temps de réflexion, Wolf lui a répondu : « J’ai bien peur que ma réponse vous paraisse quelque peu élémentaire. Mais c’est ce qui m’a permis de commencer à écrire. Nous n’avons besoin que d’une chose : l’amour et la compassion pour la réalité. » Nous sommes donc ici face à la même intuition qui nous est ouverte dans la scène si émouvante de cette jeune volontaire stupéfaite face à cette pauvre femme qui levait les yeux vers elle et la regardait lorsque celle-ci lui prenait la main. De quoi s’agit-il sinon de la stupeur face à la grandeur de la vie ?

Un dernier mot ?

Ce qui est extraordinaire dans ce que montre le documentaire, c’est que lorsque cela survient nous sommes heureux. Comme s’il s’agissait de ce à quoi tout être humain aspire : être regardé, être valorisé tels que nous sommes vraiment. Et rien de plus.

Traduction V.d P.
Propos recueillis par Laurent Pavec 
 

Le DVD « Stabat, un art de vivre » est en vente au prix de 10€

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3 Commentaires

  1. DC

    "Sans prétendre à d’autre résultat que de vivre face à la réalité comme face à une présence significative." Chère Cecilia, merci pour ces mots, cela montre bien qu'il ne s'agit pas de concentration pastorale ou de plan de gestion, ou je ne sais quoi, mais d'attention à ce qui est donné ici et maintenant, dans la consicence que tout vient de Lui. 

    Si je vous suis bien, dans la dramatique divine, la compassion est l'étincelle à partir de laquelle tout peut (re)-commencer… 

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