Home > Politique > Sagesse argentine : plutôt en rire qu’en pleurer

Sagesse argentine : plutôt en rire qu’en pleurer

Dans un pays qui sombre encore une fois dans la crise économique, les argentins dégainent une arme qui a fait ses preuves : le rire.

Crédit Image

Depuis quelques semaines en effet, les médias argentins abreuvent le public des scandales de corruption de l’ancien gouvernement. Au tableau de chasse figurent notament :

  • La découverte de nombreuses propriétés et d’entreprises au nom d’une seule personne, Lázaro Baez, chef d’entreprise et conseiller en affaires du gouvernement Kirchner.
  • Des détournements de fonds destinés à des travaux publics jamais réalisés et la découverte de l’ex-ministre de travaux publics, José Lopez, jetant des sacs remplis de dollars par-dessus la clôture d’un monastère.

Le combat médiatique se déchaîne entre les membres de l’ancien gouvernement se disant victimes de campagnes de difamation et les députés actuels qui se disent avoir été trompés durant les 12 ans de l’hégémonie Kirchner. Un panorama politique des plus dramatiques et sans issue.

Néanmoins, le peuple argentin, si exaspéré soit-il face à l’énormité des faits, ne se laisse pas anéantir par les événements ; après une première réaction d’indignation tout à fait compréhensible, le ton des nombreux commentaires sur les réseaux sociaux majoritairement à l’humour en témoigne.

"La femme de Jose Lopez ne savait rien. La femme de De Vido ne savait rien.
La femme de Lazaro Baez ne savait rien. La femme de Nestor K. (Kirchner) ne savait rien.
Tandis que la tienne et la mienne sont toujours au courant de tout."
 

Mais de quel humour s’agit-il?

Bien loin d’une simple dérision, d’un humour noir ou seulement ironique, il est souvent cette capacité du public argentin à accueillir la réalité telle qu’elle est, sans vouloir en nier ses contradictions ni ses difficultés. En ces temps si critiques, comme en bien d’autres circonstances, cette attitude reflète une certaine sagesse. Les paroles du théologien Romano Guardini nous donnent quelques clés pour la comprendre : "L’homme doué d’humour, voit la réalité telle qu’elle est avec toutes ses duretés, ses étrangetés et ses confusions. Ce qu’il peut tant soit peu comprendre, il le comprend, et c’est beaucoup, mais dans ce qu’il ne comprend pas, il soupçonne un sens caché. Il trouve son plaisir aux choses étranges, bizarres, et non seulement parce qu’elles sont originales et intéressantes, mais parce qu’elles lui confirment sa propre nature pleine de contradictions."[1]

Sur la pancarte : Ici couvent (au cas où quelqu'un voudrait lancer un sac plein d'argent). 

Mais à quoi peut remédier réellement l'humour ? 

Le remède de l’humour, nous dit Guardini, est de permettre de ne pas devenir amer et de ne pas s’étonner que le monde soit rempli de fausses notes et de contradictions. En raison de cela, nous dit à nouveau Guardini : "(L'homme doué d'humour) souffre parfois très profondément, mais il prend sur lui de ne pas devenir amer, de faire bien plutôt ce qui – avec les larmes authentiques – représente une des suprêmes formes de l’expression humaine : sourire. Il y a là force, indépendance, sagesse, douleur et résignation victorieuse. Oui, il y a là de l’amour : de l’amour pour l’existence telle qu’elle est, et en face de toute cette attitude, il faut seulement faire cette réserve : cet humour est-il possible sans Rédemption ?"[2]

Cette capacité à rire de la situation montre cette faculté du peuple argentin à rire de lui-même plus qu’à désespérer, à demeurer dans l’indignation ou à se réfugier dans un idéal impossible à atteindre. N’y aurait-il pas là les prémisses d’une espérance plus grande ou bien la porte ouverte pour une meilleure compréhension de la consistance de chaque évènement  ?

Si nous prenons exemple sur les argentins, considérant l'étendue et la gravité des crises qui se préparent, il est à prévoir quelques années de franche rigolade. 

 


[1] Romano Guardini : Liberté, Grâce et Destinée.

[2] idem

Vous aimerez aussi
A mon frère Argentin
Qui est Javier Milei le nouveau président argentin ?
L’Argentine : ton drapeau a la couleur de mon manteau
Celui qui dit que ce n’est que du foot passe à côté

1 Commentaire

  1. Gerard Gösser

    merci pour cet article. L'humour est une des grandes qualités du peuple argentin, il ne s'agit ni de l'ironie arrogante, ni de cynisme desespéré mais d'une capacité de ne pas se prendre au sérieux. L'humour est aussi un signe de la liberté argentine, on prend la vie au sérieux mais pas le pouvoir, la réussite, la perfection ou la justice humaine.