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Evènement historique pour le quartier de Villa Jardin dans la banlieue de Buenos Aires. Après des décennies de promesses électorales, le gouvernement a fait détruire une partie du bidonville pour reloger sa population dans des maisons préfabriquées.

Les témoignages des personnes intéressées sont très variés. Certains se réjouissent du confort apporté et attendu depuis trois générations : « Le numéro 35, nous dit une femme. Regarde comme c’est propre et neuf en comparaison à ma cabane en bois dans laquelle je vivais depuis des années. C’est une nouvelle vie pour moi, j’attendais cela depuis longtemps… » Dès les années soixante, le gouvernement parlait de la construction de maisons pour le logement de toutes ces personnes venues des provinces du pays pour travailler dans les usines.

Mais l’enthousiasme n’est de loin pas partagé par tout le monde. De nombreux habitants ne se sentent plus chez eux : « C’est toute les mêmes maisons, pour tout le monde, nous dit un jeune père de famille. C’est bien, c’est propre, il y a le gaz, l’eau chaude mais je ne sais pas ? Ce n’est pas ma maison ». Ou encore cette femme nous raconte, bouleversée par l’événement « C’est difficile de voir sa maison, construite par notre travail année après année, là où j’ai grandi, là où j’ai veillé ma maman, être détruite en un instant par de grosses machines ».

Le nouveau quartier n’a pas de nom, sinon « plan d’urbanisation du bidon ville ». Pour les personnes interrogées, cette aide matérielle représente une certaine violence contre leurs habitudes, leurs relations de voisinage, leurs sécurités. Plusieurs nous disent, „c’est beau“, „c’est mieux qu’avant“, mais … „ce n’est pas chez moi“. L’idée est bien sûr louable, on vise la sécurité et la propreté, mais à quel prix ? Ces personnes n’étaient pas habituées à vivre dans du stéréotypé numéroté. 

Le témoignage de ces gens confirme l’opinion de l’architecte Hundertwasser :  « L’inhabilité matérielle des bidonvilles est préférable à l’inhabilité morale de l’architecture fonctionnelle et utilitaire ». Certains de ces nouveaux locataires l’ont bien perçu, ces logements impersonnels, n’ont pas d’âme. 

La construction d’une maison est pour beaucoup d’habitant du quartier une longue entreprise, un effort personnel et familial. Ainsi M, père de famille, contemple dans la lumière du soir l’œuvre de cette année. Il venait juste de terminer d’installer le toit sur l’étage qu’il a commencé il y a plusieurs années. « Voilà le fruit de mon travail, c’est un grand sacrifice mais en famille nous y avons réussi. C’est ma maison. Toute la famille y a participé ». Chacune des briques qui constitue les murs de sa maison a une histoire, un visage. Il se réjouit d’avoir échappé au plan d’urbanisation.

 

La vie à Villa jardín à l'époque de la fondation du quartier dans le film argentin "Detras de un largo muro" (1958) 

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