Home > Sport > « J’aime trop mon pays, j’aime trop ce maillot » – Le retour gagnant de Messi

« J’aime trop mon pays, j’aime trop ce maillot » – Le retour gagnant de Messi

Lionel Messi, capitaine de la sélection argentine et joueur d’exception (Pour la dixième année consécutive il est un des favori pour le « ballon d’or », récompense remise au meilleur joueur de l’année) a propulsé cette semaine l’équipe nationale d’Argentine pour la coupe du monde 2018 en Russie alors qu’elle était en bien mauvaise posture dans ces qualifications : les journaux évoquaient déjà la possibilité d’un mondial sans l’Argentine, une première depuis 1970 ! Mais c’était sans compter « la Pulga », (la puce, surnom qui lui vient de sa petite taille et de sa vivacité, il est inattrapable sur un terrain) sa combativité et son génie : alors que son équipe, condamnée à gagner contre l’Equateur pour espérer se qualifier, encaisse un but 40 secondes après le début du match, il  inscrit un magnifique triplé qui qualifie son équipe sans passer par les barrages. 

« Messi sauve l’Argentine », « Messi, le Seigneur des terrains », les mots manquaient aux journalistes pour rendre hommage à la prestation du numéro 10 cette semaine. Cette prestation est d’autant plus émouvante qu’en juin 2016, après une défaite en finale de la coupe des Amériques contre le Chili, Messi, déçu, critiqué violemment par la presse cherchant un coupable à l’échec, annonçait se retraite internationale ! Messi, fatigué des critiques venant de son propre pays, du fonctionnement du foot argentin entaché de scandales, n’enfilerait plus le maillot argentin !

Que s’est il passé pour que nous le retrouvions cette semaine offrant à son équipe un ticket pour la coupe du monde ?

Immédiatement après son annonce, les témoignages de soutien sont arrivés, notamment cette belle lettre d’une enseignante argentine s’adressant à lui et terminant par ces mots :

« N’abandonnez pas, ne vous débarassez pas de ce maillot aux couleurs de votre pays, parce que lorsque vous l’enfilez vous devenez un Argentin qui nous représente tous. Nous n’attendons pas tous des médailles et des coupes pour être vraiment fiers que vous soyez l’un des nôtres. S’il vous plaît ne faites pas sentir à mes élèves qu’être second est une défaite, et que la valeur d’une personne dépend de son armoire à trophées, ou qu’une défaite est la fin de la gloire.

Mes élèves ont besoin de comprendre que les héros les plus nobles, qu’ils soient médecins, soldats, enseignants ou joueurs de football, sont ceux qui donnent le meilleur d’eux-mêmes pour le bien des autres, même en sachant que personne ne les valorisent plus que cela, même en sachant que s’ils triomphent, leur victoire appartiendra à tout le monde alors que s’ils n’y arrivent pas, ce sera leur échec à eux-seuls. Mais ils continueront à essayer. Et surtout, ils auront l’héroïsme et le courage de se battre et de surmonter les échecs avec intégrité, même quand l’univers entier leur dit qu’ils ne pourront jamais le faire.

Et un jour, ils pourront profiter de la plus grande victoire : ils se sentiront heureux d’être eux-mêmes, avec leurs démons, qu’ils doivent affronter pour surmonter les problèmes.

Tout le monde parle de ballon, je crois en la force de votre cœur. »

Passé le coup de l’émotion, humblement je crois, Messi a écouté cette enseignante, ses amis de la sélection, le nouvel entraineur qui lui a proposé l’aventure « Russie 2018 » et il est revenu ! Il a accepté d’endosser le maillot argentin pour les qualifications de la coupe du monde avec tous les risques que cela comportait pour sa carrière, sa réputation, sa personne : il pouvait terminer sa carrière à Barcelone, adulé par tous, reconnu, ayant tout gagnr, demandant la nationalité catalane, et profitant de ses trophées… Il a choisi, poussé par quelque chose de plus grand peut être, un amour de son pays, de se risquer une fois de plus à l’échec, de s’exposer une fois de plus à la dure critique de ses compatriotes.  En enfilant de nouveau le maillot argentin, il accepte « de continuer à essayer » alors qu’il a des raisons objectives de tourner les talons de la sélection nationale. Il accepte d’affronter le problème de l’intérieur plutôt que de céder à la facile critique : « J’ai vu qu’il y avait beaucoup de problèmes dans le football argentin, et je ne prétends pas en créer davantage. Il faut régler certaines choses, mais je préfère le faire de l’intérieur plutôt que de critiquer de l’extérieur. Il s’est passé beaucoup de choses dans ma tête depuis la dernière finale. J’ai sérieusement pensé à quitter la sélection, mais j’aime trop mon pays et ce maillot. Je veux remercier tous les gens qui ont souhaité que je continue à jouer pour l’Argentine. »

Et le Messi découragé revient en Messi battant : « Tant que le sélectionneur le veut, je serai toujours là, au-delà de toutes les déceptions que l’on a eues pour n’avoir rien remporté depuis que je suis en sélection. Désormais nous avons de nouveaux objectifs, de nouvelles opportunités, il faut continuer à se battre ». De retour en septembre 2016, il marque contre l’Uruguay (1-0) et relance son équipe. Un an plus tard, loin de s’être débarrassé de son maillot, il sort contre l’Equateur un match dont il a le secret et envoie l’Albiceleste en Russie…

Dans quelques mois, pour notre plus grande joie, il « essaiera encore » avec son équipe et pour l’Argentine, d’aller chercher cette coupe du monde. Mais quel que soit le résultat de la sélection nationale, il nous empêchera contre vents et marées de penser « qu’être second est une défaite, et que la valeur d’une personne dépend de son armoire à trophées, ou qu’une défaite est la fin de la gloire ».

Vous aimerez aussi
Celui qui dit que ce n’est que du foot passe à côté
Pourquoi le retour de Zidane au Réal est une bonne nouvelle ?
Coupe du monde : savoir perdre, savoir gagner
Giroud le mal aimé

1 Commentaire

  1. Jean

    l'intégral de la lettre de l'enseignante argentine Yohana Fucks

     

    "Lionel Messi,

    Vous ne lirez probablement jamais cette lettre. Mais je vais l'écrire quand même, non pas en tant que fan de football, mais en tant qu'enseignante argentine, dans cette profession que j'ai choisie et que j'aime comme vous aimez la vôtre.

    Je pourrais très bien vous écrire pour votre talent merveilleux dans le sport le plus populaire de notre pays, le plaisir que j'ai d'être dans l'une des générations assez chanceuses pour voir la magie que vous avez dans les pieds, ou pour l'admiration que vous suscitez dans tous les pays du monde. Mais ce ne serait que répéter des clichés. Au lieu de cela, je vous écris pour vous demander votre aide dans un défi plus difficile que tous ceux que vous avez déjà relevés. Je veux que vous m'aidiez dans la difficile mission de façonner le comportement de ces enfants qui vous voient comme un héros du football et un exemple à suivre.

    Quels que soient l'amour et le dévouement que je mets dans mon travail, je ne recevrai jamais de mes élèves cette fascination incroyable qu'ils ont pour vous. Désormais, ils voient leur plus grande idole les abandonner. Je vous prie de ne pas contenter ces gens médiocres ;. ceux qui, frustrés par les milliers de rêves qu'ils ne réalisent pas, expriment leur ressentiment à l'égard d'un joueur de football, ceux qui parlent parce que c'est gratuit et facile à faire. Vous pouvez entendre cela de la part d'une enseignante qui, en dépit de la distance qu'il y a entre nous, connait cette habitude méchante en Argentine de penser que le travail de quelqu'un d'autre est simple, que marquer des buts est aussi facile que construire une maison ou l'avenir de quelqu'un. Il y a cette contrainte maladive à pousser quelqu'un vers le bas, cette façon de devenir des juges idiots qui commentent avec mépris et arrogance la performance des autres, qui ne valorisent que les victoires et énumèrent les erreurs comme des échecs, ces mêmes erreurs qui font de nous des humains et nous permettent de continuer à apprendre.

    S'il vous plaît n'abandonnez pas, ne laissez pas mes étudiants penser que ce pays ne pense qu'à gagner et terminer premier. Ne leur montrez pas que quelle que soit la façon dont vous ayez réussi dans la vie, vous ne réussirez jamais à rendre tout le monde heureux et, pire encore, ne leur montrez pas qu'il faut vivre pour rendre les autres heureux. Ne leur envoyez pas ce message désolant qui indique que malgré tous les obstacles que vous avez franchis – en vous battant depuis votre plus jeune âge pour devenir le gagnant que vous êtes – tout cela est sali par les critiques de ces gens envieux qui tueraient pour être comme vous.

    Si quelqu'un comme vous, qui avez votre famille à vos côtés, qui avez une fortune personnelle et le soutien de tant de personnes, ne peut pas le faire, comment peuvent-ils croire qu'ils sont capables de surmonter tant d'obstacles, jour après jour ?

    Je ne leur parle pas de la façon dont Messi joue merveilleusement bien au football, mais des milliers de coups francs qu'il a tenté pour réussir à mettre le ballon dans un angle parfait pour tromper le gardien. Je leur dis de Messi qu'il a dû subir d'innombrables injections douloureuses pour poursuivre son rêve. Messi qui, avec tout l'argent qu'il a gagné, aide les autres enfants qui comme lui connaissent des situations difficiles. Je leur parle de l'adulte Messi, l'homme qui a élevé une famille et s'attèle à la tâche la plus importante dans le monde, être un bon parent. Ce Messi qui arrête un fan qui l'attaque en plein match, ce Messi qui peut même manquer un penalty parce que nos fautes font de nous des humains, et qu'elles montrent que même les plus grands de tous les temps ne sont pas parfaits. 

    N'abandonnez pas, ne vous débarassez pas de ce maillot aux couleurs de votre pays, parce que lorsque vous l'enfilez vous devenez un Argentin qui nous représente tous. Nous n'attendons pas tous des médailles et des coupes pour être vraiment fiers que vous soyez l'un des nôtres. S'il vous plaît ne faites pas sentir à mes élèves qu'être second est une défaite, et que la valeur d'une personne dépend de son armoire à trophées, ou qu'une défaite est la fin de la gloire.

    Mes élèves ont besoin de comprendre que les héros les plus nobles, qu'ils soient médecins, soldats, enseignants ou joueurs de football, sont ceux qui donnent le meilleur d'eux-mêmes pour le bien des autres, même en sachant que personne ne les valorisent plus que cela, même en sachant que s'ils triomphent, leur victoire appartiendra à tout le monde alors que s'ils n'y arrivent pas, ce sera leur échec à eux-seuls. Mais ils continueront à essayer. Et surtout, ils auront l'héroïsme et le courage de se battre et de surmonter les échecs avec intégrité, même quand l'univers entier leur dit qu'ils ne pourront jamais le faire.

    Et un jour, ils pourront profiter de la plus grande victoire : ils se sentiront heureux d'être eux-mêmes, avec leurs démons, qu'ils doivent affronter pour surmonter les problèmes.

    Tout le monde parle de ballon, je crois en la force de votre cœur".