Dominika, masseuse en entreprise, devient la confidente des employés. Elle partage le fruit de cette expérience hors du commun. Entretien.
TdC : Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Dominika, j’ai 27 ans et je suis kinésithérapeute. J’ai travaillé comme masseuse en entreprise. Huit heures par jour, je massais mes patients dans les bureaux d’une grande entreprise.
TdC : Comment êtes-vous arrivée là ?
J’ai un master en kinésithérapie, ce que j’ai complété par une formation supplémentaire pour les massages. Cherchant du travail, je suis tombée sur une annonce de masseur en entreprise. Au départ, j’ai répondu sans enthousiasme à l’annonce, ne voyant pas trop l’intérêt de faire des massages de quinze minutes à travers les vêtements. J’ai très rapidement reçu une réponse positive et j’ai décidé quand même de tenter le coup.
C’est ainsi que je me retrouvais dans une grande entreprise prestigieuse à travailler huit heures par jour, quatre jours par semaine. J’étais employée de l’entreprise sans pour autant faire partie de la grande et lourde structure hiérarchique.
TdC : Comment concevez-vous votre travail ?
Le métier de kinésithérapeute permet d’établir un contact avec les personnes. De tous les métiers de la santé, c’est nous qui passons le plus de temps avec le patient. Je considère que mon travail ne consiste pas seulement à accomplir quelque chose – des gestes mécaniques – ; il y a quelque chose de plus avec la personne que je rencontre.
Ce qui me réjouit le plus est de pouvoir établir une relation d’amitié avec mes patients. A plusieurs reprises des patients m’ont parlé de sujets très personnels, m’ont partagé leurs problèmes et leurs joies, parfois m’ont demandé conseil. Souvent ils m’ont parlé de leur souffrance. C’est pour moi quelque chose de marquant, il me semblait que je ne méritait pas de recueillir ces confidences.
Dieu m’a donné la grâce d’être auprès d’eux et de pouvoir lui remettre les problèmes, les soucis, la souffrance de mes patients. Ils ne m’accablent pas avec leurs problèmes, mais en même temps ils ne peuvent pas m’être indifférents. Dans bien des cas je pense longtemps à eux et je prie pour eux.
J’ai eu aussi quelques patients privés que j’allais masser chez eux. Je me souviens parfaitement de chacun. Du fait de ce contact régulier avec eux, je ne pouvais être indifférente à leurs problèmes extra-santé. Je faisais la connaissance de leur famille, d’anecdotes de leur vie, je découvrais leurs épreuves…
TdC : Comment se comportent les gens qui se font masser sur leur lieu de travail ?
Le quart-d’heure de massage au bureau est pour eux une respiration au cœur de ce travail exigeant. Ils travaillent sous pression, il règne un grand stress. Et là, il n’y a pas d’exigence, juste un moment pour se relaxer.
Certains viennent au massage pour trouver un peu de silence, rassembler leurs idées, se reposer. D’autres veulent discuter, exprimer ce qui leur fait mal, ce qui est pour eux difficile, mais aussi ce qui les réjouis – les dernières vacances, un bel événement familial. Souvent ils s’intéressent à mon travail, à moi – nous passons en somme pas mal de temps en ensemble.
Pour moi, c’est chaque fois une rencontre.
Quand on se voit deux fois par mois, au bout d’un certain temps s’établit une relation, la confiance grandit. Ils partagent des choses très personnelles. Je conserve cela dans mon cœur.
Je me souviens d’un patient, un homme plus jeune que moi, qui m’a partagé sa dépression. Cela m’a profondément touchée. Nous avons alors parlé du but de la vie. Pour lui, la vie n’avait pas de sens. On court après un but, puis un autre, puis tout s’arrête.
D’autres patients se sont mis à me parler de la mort d’un proche. L’un d’eux s’est mis à me parler de la veillée de Noël chez lui, du fait que le grand-père exceptionnellement allait venir depuis le Canada. Quelques semaines plus tard, le même patient empli de tristesse me partageait la mort de ce grand-père.
Beaucoup m’ont demandé conseil au moment de prendre une décision dans une situation délicate.
Je connais leurs passions, leurs talents exceptionnels, à plusieurs reprises ils m’ont emmené en pensée sur leur lieu de vacances préféré.
Je considère que la souffrance dans les corporations [1]Ce mot corporation (Korporacja en polonais) fait référence à des unités délocalisées (service client, comptabilité, facturation etc. ) de grands … Continue reading réside dans le fait d’être traité comme une chose, un numéro dans les tableurs, un résultat. Il n’y a d’égard que pour les résultats. Dans bien peu de départements j’ai pu sentir une atmosphère familiale, amicale, confiante. Pour beaucoup de personnes, c’est sans cesse une course effroyable, les heures supplémentaires sont chose courante. Et il y a un souvent un rejet de la foi.
Je peux ainsi accompagner des gens dans un milieu hostile, comme une personne qui connaît ce milieu mais qui n’est pas tout à fait dedans, avec qui on peut parler.
C’est pourquoi j’aime tant mon travail.
TdC : Comment êtes-vous arrivée à Points-Cœur ?
Rapidement après avoir commencé mon travail, je partageais à une patiente mon rêve de partir en mission en Amérique latine. Asia – cette patiente – me dit alors qu’elle rentrait tout juste de mission à New York avec Points-Cœur. Lorsqu’elle me parla du charisme de Points-Cœur, je reconnus un profond désir de mon cœur. Après le week-end de formation, je découvris que la compassion est ma passion. C’est exactement de cette façon qu’inconsciemment j’aime dans mon travail. Etre une présence pour l’autre, le connaître et l’écouter, porter quelque peu ses souffrances, en lien avec les souffrances du Christ.
Et voilà que je pars aux Philippines pour approfondir cette expérience !
References
↑1 | Ce mot corporation (Korporacja en polonais) fait référence à des unités délocalisées (service client, comptabilité, facturation etc. ) de grands groupes ouest-européens ou américains, qui s’installent en Europe de l’Est. La Pologne, dont la nouvelle génération possède une haute maîtrise des langues étrangères, est massivement concernée par ces corporations qui occupent une place prépondérante, pour ne pas dire inquiétante, sur le marché de l’emploi. Jusqu’à quand la main d’œuvre polonaise sera-t-elle considérée comme bon marché ? |
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