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L’école doit enseigner à bien formuler la question sur le sens de l’existence

« Apprendre quoi et comment ? » : telle était la question centrale de la rencontre des controverses de Descartes ayant eu lieu le mercredi 29 novembre à la Sorbonne. Pascal Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique ouvre le bal du premier cycle de conférences sur le thème « Apprendre à devenir un résistant intellectuel ».

L’école, un laboratoire d’humanité où conjuguer laïcité et spiritualités [1]L’article a été écrit à partir d’une synthèse de prise de notes sur la conférence.

À l’occasion des Controverses de Descartes proposées chaque année par les éditions Nathan, de nombreux chercheurs, écrivains, inspecteurs, éducateurs dont entre autres Pascal Balmand, Jean‑Marie Petitclerc ou encore Erik Orsena se sont réunis mercredi 29 novembre 2017 au grand amphithéâtre de la Sorbonne sous le patronage du ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, autour de la thématique « Apprendre quoi et comment ? ». Vaste question dont une après-midi n’aura bien évidemment pas permis de faire le tour, mais qui a ouvert des pistes de réflexion essentielles. Deux sujets ont été traités respectivement par quatre intervenants : « Apprendre à devenir un résistant intellectuel » et « Apprendre à lire, entre code et sens, entre labeur et plaisir ». Le présent article n’abordera que la première thématique. Mettons-nous donc à l’écoute du premier intervenant, Pascal Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique.

Devenir un résistant intellectuel

Prenant la parole, Pascal Balmand commence non pas par nous donner le mode d’emploi de cet apprentissage mais par révéler les questions sous-jacentes à cette thématique : s’agit-il de se défendre ou de proposer ? de résister ou d’adhérer ? de refuser ou de vouloir ? Questions auxquelles il se propose de répondre en montrant tout d’abord que l’école doit être un laboratoire d’humanité, dans laquelle il faut conjuguer laïcité et spiritualités, sans pour autant les mettre sur le même plan.

L’École : un laboratoire d’humanité

Pour lui : « l’Ecole porte une double mission : une mission d’enseignement et d’éducation. Une mission d’éducation par l’enseignement ». Elle est investie d’une mission politique au sens où elle a un rôle de socialisation, de formation des esprits et d’accès aux savoirs. Tous ces éléments relèvent donc de la construction de la personne, d’un processus d’humanisation. Travail jamais achevé, jamais gagné, qui permet non pas de lutter contre l’animalité, mais contre la barbarie sous ses multiples formes : sociales et économiques, culturelles, consuméristes sans oublier ce qu’il nomme les micro-barbaries intérieures ou encore la barbarie de la résignation et du désespoir. Ainsi : « l’Ecole doit contribuer à édifier en chaque élève une colonne vertébrale de liberté, d’usage du monde ».

Conjuguer laïcité et spiritualités

À l’heure même où la laïcité est au cœur de la vie républicaine tout en étant un tabou, un concept paradoxalement admis par tous et que l’on ne peut questionner, Pascal Balmand a le mérite, le courage d’affirmer que laïcité et spiritualités ne s’opposent pas. Elles sont à conjuguer ensemble. L’historien et secrétaire général de l’enseignement catholique définit la laïcité comme « principe politique, cadre juridique qui permet la coexistence, la rencontre entre des groupes différents dans le cadre de la neutralité de l’Etat », tout en rappelant qu’il s’agit d’une notion fourre-tout, dont sept visions distinctes ont été identifiées. La laïcité, ouverture à l’altérité, n’est donc pas une occultation du religieux mais une capacité commune à nous écouter, à partager. En ce qui concerne les spiritualités, il précise qu’il en existe des religieuses et des non-religieuses qui ont en commun « la même ouverture à un en-dedans de moi et un au-delà de moi ».

La question se pose donc de savoir si l’école doit intégrer ces spiritualités. Actuellement, les faits religieux sont enseignés aux enfants. Enseignement que M. Balmand trouve insatisfaisant dans la mesure où les enseignants ne sont pas outillés pour cela et que cette désignation peut conduire à « une muséification du religieux, mettant sur le même plan les dieux grecs et ceux qui vivent une appartenance religieuse cruciale, véritable ». Face à cette proposition insatisfaisante, il propose une alternative : une approche anthropologique et sociologique du religieux. Cela revient donc à travailler les textes fondateurs des grandes religions à l’école, sous l’angle de l’esprit critique de telle sorte que les fondamentalismes, les tentations théocratiques puissent être dévitalisées, décrédibilisées.

L’école au service de la liberté et de l’emerveillement 

Cela soulève une question qui est celle du sens des apprentissages et du sens des savoirs. Chaque enseignant est régulièrement confronté à cette question : « Ça sert à quoi ? » . La question du sens des apprentissages et des savoirs est à mettre en relation avec la question du sens que l’on donne à l’existence. La laïcité ne répond pas à cette question et n’a pas à y répondre. En revanche, Pascal Balmand considère que l’école doit outiller la personne pour qu’elle soit en mesure de bien la formuler. Il souligne le danger qu’il y a à tout réduire à des modes de pensée binaires. Il est important d’aider l’élève à développer sa liberté intellectuelle, et élément inattendu, à développer sa capacité à … l’émerveillement ! Il ne faut pas pour autant en oublier la notion de vérité – scientifique, rationnelle, autour de laquelle on débat – qui doit être remise au cœur des pratiques éducatives et pédagogiques, parmi lesquelles la dissertation comme exercice de raisonnement, la finesse de compréhension et d’analyse des termes, n’a pas dit son dernier mot ! Nous retiendrons également la belle formule : « l’Ecole s’arrête à la porte de la dimension existentielle mais qu’elle n’en verrouille pas la porte ! ».

Pour conclure ce discours engagé, il fait référence à trois cultures définies, qui lui semblent nécessaires : la culture de la résistance, de l’utopie et de la régulation. Trois paradigmes, trois questions : que refuses-tu ? Que veux-tu ? Comment faire ? Trois éthiques : la résistance appelant l’indignation, l’utopie, l’espérance et la régulation la responsabilité. En somme des figures telles que Jean Moulin, le prophète et l’expert. Alors que la société est friande d’experts, il affirme que c’est la figure du prophète qui manque le plus, une figure porteuse d’espérance.  Avant de laisser place au silence, Pascal Balmand cite des mots éternels, ceux du prophète Jérémie : « Moi je sais le dessein que je forme pour vous, pour vous donner un avenir et une espérance » [2]Jérémie 29 : 11

References

References
1 L’article a été écrit à partir d’une synthèse de prise de notes sur la conférence
2 Jérémie 29 : 11
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