C’est dans son ermitage que saint Charbel remet son âme à Dieu la veille de Noël de l’année 1898. Il devient un signe d’unité pour le Liban qui fêtait les 40 ans de sa canonisation en octobre dernier.
« Si tu ne devais pas être un bon religieux, je dirais “Reviens à la maison !”. Mais je sais maintenant que le Seigneur te veut à son service. Et dans ma douleur d’être séparée de toi, je lui dis : “Qu’il te bénisse, mon enfant, et fasse de toi un saint” ». Telles furent les propos de la mère de saint Charbel, rapportés par le pape Paul VI lors de sa canonisation.
Charbel, signe d’unité
Dans un monde où l’unité est souvent cherchée autour d’une loi, des idées communes à suivre, des dialogues à n’en plus finir ou des discours souvent peu fructueux, surgit l’exemple de saint Charbel, qui, par sa vie offerte à Dieu dans le silence et la prière, a unit autour de sa personne un pays entier.
Après seize ans de vie communautaire parmi les moines d’Annaya, saint Charbel consacre vingt-trois ans à la solitude, la prière et l’intercession dans l’ermitage de Saints-Pierre-et-Paul de l’ordre maronite libanais au nord du Liban.
Les guérisons à travers son intercession ne connaissent pas de limites ni géographiques ni religieuses. Près de 10% des cas de guérisons enregistrées à Annaya depuis 2017 concernent des non-chrétiens. Son image est présente dans les maisons libanaises du monde entier. Son prénom est souvent donné. Chaque 22 du mois, qu’il neige ou qu’il fasse grand soleil, une foule immense participe à la procession organisée pour vénérer son corps. Dans le monastère d’Annaya, on est impressionné par le nombre de lettres qui arrivent chaque semaine accompagnées par des dossiers médicaux témoignant d’un miracle reçu par son intercession. Sa figure est tellement présente dans la vie des libanais qu’on a l’impression qu’il a toujours été là.
Il attire parce qu’il a été lui-même attiré
« Chose impressionnante, notait le pape Paul VI lors de la cérémonie de canonisation, le peuple de Dieu ne s'y est pas trompé. Dès le vivant de Charbel Makhlouf, sa sainteté rayonnait, ses compatriotes, chrétiens ou non chrétiens, le vénéraient, accouraient à lui comme au médecin des âmes et des corps. Et, depuis sa mort, la lumière a brillé plus encore au-dessus de son tombeau : combien de personnes, en quête de progrès spirituel, ou éloignées de Dieu, ou en proie à la détresse, continuent à être fascinées par cet homme de Dieu, en le priant avec ferveur, alors que tant d'autres, soi-disant apôtres, n'ont laissé aucun sillage » [1]Homélie du Pape Paul VI lors de la canonisation de Saint Charbel, 9 octobre 1977.
Sa vie cachée et perdue en Dieu nous montre le secret de son rayonnement. Si son intercession attire aujourd’hui tant de personnes, c’est parce qu’il a lui-même été attiré par Dieu dans cette vie d’ermite qui parait souvent « folie aux yeux du monde ». Il a accepté de se laisser dépouiller de lui-même par amour, pour n’être rempli que de Dieu. Tous ceux qui l’approchent par leur foi, demandant son intercession, sont introduits à leur tour dans cette amitié qui l’unit à Dieu, à la sainteté. C’est ainsi que, parlant de lui, le Père Matar, Économe du monastère d’Annaya, aime souvent à répéter : « Le Seigneur ne lui refuse rien, parce que Saint Charbel ne lui a rien refusé ». N’est-ce pas là le secret des amis de Dieu ?
Le pape Paul VI le décrivait comme « un fils bien singulier, un artisan paradoxal de la paix, puisqu’il l’a recherchée à l’écart du monde, en Dieu seul, dont il était comme enivré. Pensez à sa liberté souveraine devant les difficultés ou les passions de toutes sortes, à la qualité de sa vie intérieure, à l’élévation de sa prière, à son esprit d’adoration… Bref, l’austérité, chez lui, l’a mis sur le chemin de la sérénité parfaite, du vrai bonheur ; elle a laissé toute grande la place à l’Esprit Saint » [2]Homélie du Pape Paul VI lors de la canonisation de Sain Charbel, 9 octobre 1977.
Saint Charbel nous montre le besoin le plus essentiel de nos contemporains, dans un monde emplit de bruit : celui de la recherche de Dieu, du silence, de l’intériorité d’une vie contemplative. Ainsi l’a décrit le Pape Paul VI : « … il faut aussi des gens qui s’offrent en victimes pour le salut du monde, dans une pénitence librement acceptée, dans une prière incessante d’intercession, comme Moïse sur la montagne, dans une recherche passionnée de l’Absolu, témoignant que Dieu vaut la peine d’être adoré et aimé pour lui-même… » [3]Homélie du Pape Paul VI lors de la canonisation de Saint Charbel, 9 octobre 1977. C’est bien cette guérison du cœur que cherchent de nombreux jeunes dans le silence de la nuit demandant à saint Charbel de recevoir de lui le don de la foi.
Au Liban et aux USA
Deux grands évènements au Liban et aux Etat-Unis ont marqué cette fête des 40 ans de canonisation.
Après avoir reçu la grâce de guérison pour son fils par l’intercession de saint Charbel, Monsieur Michel Salamé [4]Président du conseil municipal de Faraya (hauteurs de Kesrouan a fait le vœu de déposer la plus grande statue du saint dans le monde (27 m de hauteur, 40 tonnes). Ainsi, le 14 septembre dernier, sur la plus haute montagne de Faraya, en haut des pistes de ski, le Patriarche a déposé ses reliques aux pieds bas de la statue géante lors d’une messe solennelle.
Aux États-Unis, le 29 octobre dernier, les libanais ont inauguré une chapelle dédiée à saint Charbel au cœur de la cathédrale Saint Patrick à New York. Cette chapelle a été offerte par Monsieur Antoun Sehnaoui [5]PDG de la société générale de Banque au Liban. Lors d’une interview accordée au journal L’Orient le Jour, le Patriarche Raii évoquait cette messe : « Saint Charbel porte en lui la beauté de la chrétienté orientale, la beauté d'un christianisme souffrant, les peuples d'Orient, en particulier les peuples de la Terre sainte, d'Irak, d'Égypte, de Syrie, de Turquie, du Liban. Saint Charbel porte aussi les espoirs, les aspirations des peuples de ces pays, le mystère du christianisme dans le monde, c'est le mystère du Christ, c'est le mystère de la Sainte Église. Saint Charbel est un signe d'espoir pour le christianisme et pour tous les peuples du Moyen-Orient qui souffrent dans des circonstances difficiles ».
Un signe d’espérance
En 1975, la guerre éclate au Liban. De nombreux miracles attestent l’intercession de saint Charbel pour son peuple. C’est d’ailleurs en pleine guerre qu’il a été canonisé ainsi il a été canonisé en 1977. Aujourd’hui encore, sa vie porte un témoignage d’espérance : le mal n’aura jamais le dernier mot, au cœur de la souffrance, Dieu ne cesse d’accompagner ses amis par Sa grâce et Sa présence.
« Qu'il intercède pour nous, pauvres pécheurs, qui, trop souvent, n'osons pas risquer l'expérience des béatitudes qui conduisent pourtant à la joie parfaite ! Qu'il intercède pour ses frères de l'ordre libanais maronite, et pour toute l'Église maronite, dont chacun connaît les mérites et les épreuves ! Qu'il intercède pour le cher pays du Liban, qu'il l'aide à surmonter les difficultés de l'heure, panser les plaies encore vives, marcher dans l'espérance ! » (Paul VI) [6]Homélie du pape Paul VI lors de la canonisation de Saint Charbel, 9 octobre 1977
References
↑1, ↑3 | Homélie du Pape Paul VI lors de la canonisation de Saint Charbel, 9 octobre 1977 |
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↑2 | Homélie du Pape Paul VI lors de la canonisation de Sain Charbel, 9 octobre 1977 |
↑4 | Président du conseil municipal de Faraya (hauteurs de Kesrouan |
↑5 | PDG de la société générale de Banque au Liban |
↑6 | Homélie du pape Paul VI lors de la canonisation de Saint Charbel, 9 octobre 1977 |