Le premier mars dernier, le Président argentin, dans son discours d’ouverture de l’Assemblée nationale s’adressait ainsi aux Députés : « Celà fait plus de 35 ans qu’un débat très sensible, que comme société nous devons aborder, est reporté : l’avortement. Comme je vous l’ai dit, je suis favorable à la vie. Mais je suis aussi favorable aux débats mûrs et responsables, que nous devons livrer en tant qu’Argentine : Pour cela, nous voyons qu’il est bon que l’Assemblée inclue ce thème dans l’agenda de cette année. J’espère que toutes les voix seront écoutées et que toutes les positions seront prises en compte. » L’annonce du thème abordé par le Président, pourtant attendu, a été comme une bombe pour beaucoup et le début d’un mouvement de mobilisation importante.
Pour commencer, quelques données historiques quant à la situation de l’avortement en Argentine.
Le code civil datant de la deuxième moitié du XIXème siècle, interdisant l’avortement, laisse cependant place à deux exceptions : le cas de risque pour la vie de la femme enceinte et celui du viol d’une femme présentant des troubles psychiques graves.
En 1989, l’Argentine ratifie la Convention des droits de l’enfant de l’ONU. Cette Convention est intégrée dans la hiérarchie constitutionnelle, parmi d’autres Traités internationaux dans l’article 75.22 du Code civil. Toutefois une réserve est émise par la Nation argentine : elle définit la personne humaine dès le moment de sa conception (ce qui ne l’est pas dans le traité international). En 2012, suite à un cas de grossesse, due à un viol d’une mineure, la Cour Suprême de justice fait une réinterprétation de l’article du Code civil en en changeant quelque peu les termes : elle décline trois cas (au lieu de deux précédemment) de possibilité d’avortement : en cas de viol, en cas de risque pour la mère et en cas de problèmes psychiques graves de la femme enceinte. Ce cas de jurisprudence ouvre désormais une brèche et la possibilité d’avorter en des cas semblables.
Il est vrai aussi que de nombreux avortements sont pratiqués de manière illégale dans le pays.
Dans ce contexte politique, le 25 mars dernier, un immense mouvement de marche pour la vie et de défense de l’enfant à naître a donc mobilisé des milliers de personnes dans plus de 200 communes du pays. L’assistance de familles entières n’a pas manqué d’attirer l’attention dans les principales artères des grandes villes argentines : l’annonce du projet de loi déjà formulé, avant de passer par différentes commissions de l’Assemblée a donc déjà fait aussitôt réagir de nombreuses personnes, associations et, bien-sûr, la Conférence Episcopale Argentine, ainsi que des organisations Evangéliques.
Il faut savoir qu’en Argentine, malgré la pression de mouvements féministes et progressistes et la pression internationale, de nombreuses associations de bénévoles agissent depuis des années de manière efficace, dévouée et souvent très discrètement, afin de venir en aide aux femmes qui, pour des raisons variées, pensent avorter. Un accompagnement humain et psychologique est également proposé par ces mêmes volontaires, dans le cas des suites d’un avortement. Quelques témoignages de femmes et de mères accompagnées par ces bénévoles nous donnent le ton :
« Ana c’est le miracle le plus merveilleux que j’ai pu recevoir. Elle est arrivée par surprise. Je me protégeais, je ne l’attendais pas. Après tout ce que j’ai fait jusqu’à la 25ème semaine pour qu’elle ne naisse pas ! J’ai dépensé beaucoup d’argent, comme jamais je ne l’avais imaginé. Mais grâce à toutes les personnes qui m’ont aidée, elle est là, en vie, saine, et nous rendant heureux. Aujourd’hui, je pense que si elle m’a choisie comme sa maman, c’était bien pour quelque chose. Si Dieu me l’a envoyée, c’est bien pour quelque chose. Je ferai du mieux que je peux, comme je le fais toujours pour ses frères, seule ou non. Merci pour votre aide. Parce que le jour où je vous ai rencontrés, bien au delà de mon acharnement à vouloir m’en débarrasser, je ne voulais pas faire un curetage. La seule chose que j’ai pensé à ce moment était qu’il y avait, à la maison, deux enfants qui m’attendaient, deux fils de sept et trois ans, pour lesquels j’ai toujours tout donné. Je ne pouvais pas mettre ma vie en danger ».
« Bonjour, je suis Celia. Je suis très reconnaissante envers vous. Que Dieu bénisse toute l’équipe. Merci de m’avoir fait réfléchir et comprendre que la vie est plus importante que toute chose ! Maintenant, j’attends avec beaucoup d’amour mon bébé ».
« Bonjour ! Je voulais vous dire que mon fils Pablo a déjà 5 ans. Comme le temps passe ! Je voulais remercier, encore une fois, toute l’équipe, qui m’avez aidée dans mes moments difficiles. Dieu a mis sur mon chemin des personnes merveilleuses. Mon fils est avec moi. Je vous envoie quelques photos. Amitiés à tous de la part de Pablo et Elena. »
L’exemple de tous les témoignages qu’on ne peut citer ici et la très belle mobilisation pacifique et familiale de ce dimanche 25 mars. Cet évènement montrent la volonté de beaucoup de ne pas lâcher prise et de continuer indéfectiblement à défendre les plus vulnérables d’entre nous : les enfants à naître.