Home > Société > Au niveau du sol

La première image nous montre un célèbre parc de Vienne où circulent des passants affairés au petit matin. Prise surprenante puisque le parc est au sommet de l’écran et plus bas le mur-talus qui forme le lit d’une rivière. Dans ce mur, une anfractuosité, où nous distinguons après quelques secondes un mouvement, nous reconnaissons des sacs de couchage. « Au niveau du sol » la vie aussi commence, différemment.

© Stadtkino Filmverleih

Le 28 septembre est paru en Autriche un film documentaire sur la situation des personnes sans abri à Vienne, réalisé avec brio par Brigit Bergmann, Steffi Franz et Oliver Verani. Quelques impressions de deux spectateurs avertis (dont l’un a partagé longtemps cette vie au niveau du sol).

Au niveau du sol (zu ebener Erde) – ou la vérité sans fard, c’est ainsi que pourrait s’intituler le film.

Sans grande mise en scène, juste en compagnie de la caméra, nous voilà témoins du destin tragique de différentes personnes qui ont fini à la rue. Au cours de cette enquête, un point essentiel fait l’objet de nombreuses interrogations : pourquoi ?

Hedvig a la soixantaine, elle est durant la journée assise sur un banc d’université, et n’hésite pas à prendre la parole non sans éloquence, pour défendre des positions nettement critiques sur les questions de genre. La caméra l’accompagne dans sa retraite nocturne – sans toutefois dévoiler l’emplacement de sa précieuse cachette – dans une grotte au milieu des bois. Sa fille encore nouveau-né est morte dans ses bras, la blessure est fraiche comme si elle était survenue la veille.

Alfred est un ancien des légions étrangères, et raconte qu’il est père d’une fille de 11 ans à Djibouti. Durant ses années à la légion, il fut souvent appelé pour exécuter les soldats blessés lorsqu’il n’était plus temps d’appeler l’équipe sanitaire.

© Stadtkino Filmverleih

Réveiller le passé n’est pas toujours douloureux, il est l’occasion de faire mémoire de leur rencontre pour ce couple slovaque dont la femme de quinze ans plus âgée que son conjoint, est sur chaise roulante. Pour d’autres, le passé est moins explicite, il nous faut les prendre comme ils sont, en devinant quelque peu ce qui les a conduits dans la rue.

Que nous disent ces images ? Ces personnes que nous fait rencontrer une caméra à la prise si délicate et respectueuse ? Elle nous disent qu’il nous faut peut-être regarder plus attentivement. Car ces personnes vivent en société avec nous et non pas à côté de nous. Et même si nous avons tendance dans notre monde moderne à les faire disparaître, ils sont également dignes, sujets aux mêmes droits et ont besoin d’aide.

Car cette dégringolade est susceptible de toucher n’importe qui, et elle est vite arrivée. Il est besoin de gens qui ne détournent pas les yeux de telles situations et sont capables d’une vraie attention, d’un geste. Comme la femme de la Caritas (Secours Catholique) qui aide Alfred à se laver et changer de vêtements. Comme aussi l’équipe qui a travaillé à ce film et a su s’approcher de chaque personne avec une telle délicatesse qu’il semblait que la caméra avait disparue pour laisser place à un témoignage, parfois une confession, souvent douloureuse, mais emprunte d’une certaine confiance. La confiance de celui qui se sent vraiment regardé.

Article rédigé par Michael Herzog et Clément Imbert

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