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De ces choses qui nous font du bien

Frédéric Eymeri est un artiste peintre contemporain. Sur son site, il présente ses articles comme « de simples notes prises ‘sur le vif’. Elles témoignent des formes que prend l’incessante quête du réel, le souci d’en saisir quelque chose et la nécessité de le transmettre ». 

 

Source: L’ARBRE, huile sur toile de lin, 550×460 mm

Peut-être vous est-il arrivé, au cœur de la tourmente qui généralement s’empare de nos vies, de décider d’une promenade en forêt? Vous êtes fatigué, peut-être nerveux par la pression imposée, soucieux par la destinée de vos proches, angoissé devant une nécessaire prise de risque, et tout cela ne quitte pas votre esprit depuis plusieurs jours. Vous y pensez lorsque vous vous engagez sur ce sentier, sous les arbres. Vous remarquez leurs cimes qui jouent avec le vent, la lumière que leurs feuillages filtrent et qui se pose sur un lit de mousse. Au plus chaud de l’été, vous remarquez qu’elle est encore humide et vous ne pouvez pas vous empêcher de le vérifier en la touchant délicatement. Faisant cela et quittant le sentier de quelques pas, vous faites craquer sous vos pieds quelques branches sèches. Ce bruit net se mêle à celui des oiseaux que maintenant vous entendez. L’envie vous prend, reprenant votre marche, de respirer plus profondément, plus lentement ; c’est comme un désir de vivre davantage, plus intensément, plus justement. À l’odeur fraîche et boisée, presque âcre, se mêle une essence connue. Vous tentez de l’identifier, cela vient de loin, c’est comme un air d’enfance qui remonte à la surface. Le souvenir reste confus et l’origine du parfum inconnu, mais reprenant le pas, vous ne pouvez vous empêcher de sourire…

Source: LA PEINTURE APAISÉE, huile sur toile de lin
550×460 mm 

J’arrête là… Nous savons tous ce qu’est une promenade en forêt. Le savons-nous vraiment?

Au sortir de la promenade, je me sens vivifié, plus calme. Une distance est placée entre mes soucis, mes peurs et mon esprit. Rien ne s’est résolu par miracle et la vie reste à vivre, mais je peux regarder cela de manière plus sereine, confiante. Que s’est-il passé? Rien pourtant que je ne puisse décrire, nommer, quantifier même… Et pourtant, si j’y fais attention, c’est bien davantage que cela. Il semble presque que quelqu’un m’a accompagné et m’a rassuré. Cette promenade «a été bonne». Ce que j’ai expérimenté dans cette forêt «m’a fait du bien»… Dire cela n’a rien de banal, c’est dire que les choses (la mousse, les branches mortes, les oiseaux…) recèlent une part de bonté qui peut se communiquer. Qu’il y a un rapport vivant, dynamique, entre l’objet et moi.C’est mon point de départ.

Le point de départ est une rencontre avec «un je ne sais quoi», présent dans l’apparence des choses, et après expérimentation, reconnu comme me faisant du bien. L’expérience d’une sollicitation heureuse offerte par une réalité objective et qui, par les sens, entre dans le champ de la conscience. C’est quelque chose d’extrêmement simple, immédiatement présent et que je peux donc expérimenter sans prérequis, là où je suis, tel que je suis…

Cette expérience marque la mémoire de manière durable, heureuse, et suffisamment incitative pour éveiller le désir d’une mobilisation des meilleures puissances de ma personne. C’est la possibilité offerte d’un contact avec quelque chose qui semble m’insuffler un supplément d’être.
Pour le dire simplement, cette sollicitation des choses à mon égard, est une invitation. J’expérimente cette chose plus grande que moi, cette chose bien réelle et pourtant invisible, cette chose dont je ne suis pas la source et qui me fait du bien : la bonté. Cela se passe si simplement, sans fulgurance, sans tapage, que le plus souvent je ne m’en aperçois même pas. Ce qui est vrai, ce qui est bon, parle avec force, mais discrètement. La beauté agit sur nous par le fond. Elle vient comme faire taire tout ce qui n’est pas digne d’elle. Elle instaure un silence, c’est par lui qu’elle appelle. Consciemment ou inconsciemment, dans la fulgurance d’une flèche de feu ou dans la mollesse qui fait que les jours me portent sans moi, que je le veuille ou que je ne le veuille pas, cette transcendance m’attire.

Source: LE GRAND BOUQUET, huile sur toile de lin, 550×460 mm

C’est au cœur même de l’expérience concrète vécue avec les choses quantifiables qui m’entourent que le mystère se révèle. C’est pour communiquer cette expérience que je peins. Je voudrais le faire à la manière de la forêt, sans tapage. J’aimerais arriver à peindre comme l’on se tait. Je le voudrais afin d’engendrer le silence qui pousse à l’écoute, puis à la rencontre. J’aimerais que mes toiles communiquent cette même chose que communiquent les bois, les rivières et le ciel. C’est un chemin humble (mais en rien humiliant) qui m’est proposé. Je n’ai qu’un seul maître : Ce qui est ici, ce qui est maintenant. Je n’ai qu’une seule inspiration et je la trouve «là où mes yeux s’ouvrent».

Visiter le site de Frederic Eymeri

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