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Pourquoi 2 millions de personnes chantent-elles alléluia dans les rues de Hong Kong ?

Les plus grandes manifestations de ces trente dernières années sont en cours à Hong Kong depuis le 12 juin dernier, date à laquelle le chef du gouvernement Madame Carrie Lam avait fait passer une loi permettant l’extradition immédiate de sujets du Territoire vers la Chine continentale.

Du jamais vu depuis le fameux 4 juin 1989, c’est plus d’un million de personnes, peut-être deux, qui manifestent pacifiquement dans la grande place financière, faisant resurgir soudain le spectre de la désobéissance civile que le gouvernement chinois avait cru juguler définitivement après avoir étouffé le « mouvement des parapluies » en 2014. A l’époque, les trois étudiants Benny Tai Yiu-ting, Chan Kin-man, et Chu Yiu-ming avaient lancé le mot d’ordre « Occupy Central », paralysant la ville pendant trois mois au nom de la liberté menacée de l’ancien territoire britannique, fier de ses particularités face au géant continental qui insensiblement resserrait son étreinte sur lui.

Il semble donc que la population ne se soit pas résignée à laisser filer peu à peu ses libertés au profit de la stabilité et de la prospérité maintenues, voire accrues par l’emprise du Parti. La tentation est grande en effet pour les habitants de Hong Kong de taire toute opinion politique qui puisse incommoder la terre ferme, de peur de se voir refuser l’accès aux marchés. Ces manifestations sont donc un signe de grande espérance. Pour comprendre un peu mieux la situation, voici le témoignage d’un témoin direct des évènements, K.W., ancien étudiant en sciences politiques à Berlin. Une prise de position du cardinal Zen sur le sujet fera l’objet d’une prochaine publication.

« Voici mes impressions en tant que participant aux manifestations.

Il faut tout d’abord dire qu’elles ne sont pas nées tout d’un coup de la fameuse loi, mais procèdent d’une série de pas feutrés de la part du gouvernement. Le plus inquiétant a été celui des « disparitions de la Causeway Bay Books », une librairie qui vend chez nous des livres mis à l’index en Chine continentale. En 2015, donc un an après l’échec du mouvement des parapluies, cinq de leurs collaborateurs ont disparu. Il a été confirmé par la suite par les médias qu’ils avaient été transférés secrètement sur le continent pour les juger selon le droit en vigueur là-bas. Il est évident que l’état de droit n’y est absolument pas respecté, si bien que les hong-kongais se sentent menacés dans leur sécurité personnelle et leur attachement bien anglais à la liberté.

Le 12 juin dernier, tous s’attendaient à ce que le parlement adopte la loi d’extradition à la majorité, et de nombreux manifestants s’étaient rassemblés là, passablement désespérés, dans une atmosphère tendue par une forte présence policière. Beaucoup craignaient que le gouvernement n’en profite pour réprimer par la force des mouvements de foules sciemment provoqués par des provocations.

Beaucoup de chrétiens, issus majoritairement de confessions protestantes, voulaient prier pour la ville, si bien qu’ils ont organisé trois nuits consécutives de prière devant le Parlement. Pour marquer la fin de chacune d’entre elles, « Sing Hallelujah to the Lord » résonnait parmi eux. Beaucoup se rendaient sur place directement en sortant du travail, simplement pour prier. Malgré la fatigue, nous ne partions pas, mais restions là à chanter « Sing Hallelujah »…

Pour moi, ce chant signifiait troischoses :

  • D’une part que nous louions Dieu, cherchant Sa paix afin de surmonter l’angoisse et lapréoccupation.
  • Puis que nous annoncions que c’est bien Dieu, et non Carrie Lam, ni le Président Xi, ni mêmes nous, les manifestants, qui est le maître du monde et de l’histoire.
  • Enfin que nous espérons en Sa justice.

Après ces journées, le chant a été repris plusieurs fois en diverses occasions particulièrement tendues. Il est devenu patrimoine commun de tous les manifestants, protestants, catholiques, athées. Il manifeste la force de la paix, détendant l’atmosphère et faisant grandir parmi les manifestants la confiance en la paix.

Je ne sais pas si cela changera beaucoup de choses, mais au moins le gouvernement a été ralenti un peu, et le Parti a compris qu’il n’avait pas complètement les mains libres avec nous. Eux prétendent que cette loi n’avait pour seul but que d’éviter qu’Hong Kong devienne un sanctuaire de mafieux, mais nous savons bien qu’elle peut être utilisée pour museler les dissidents, et aussi, comme l’affirme le cardinal Zen, pour leur livrer pieds et poings liés les membres de l’Eglise souterraine à Hong Kong et leurs soutiens étrangers. »

W.K.

 

Quelques photographies impressionnantes sur ce lien.

 

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