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La Chine ou le « Céleste Empire »

Les 24èmes Jeux Olympiques d’hiver ont eu lieu du 4 au 20 Février 2022 en Chine. Pékin est ainsi entré dans l’histoire olympique, devenant la première ville à avoir organisé les Jeux d’été (en 2008) et d’hiver. Si la compétition internationale avait débuté dans un contexte lourd, entre Covid-19, tensions diplomatiques et polémiques, c’est néanmoins belle et bien la Chine qui s’est démarquée et a reçu la possibilité d’organiser les JO. Parcourons très brièvement quelques aspects de l’Empire du Milieu, souvent peu mis en lumière.

 

 

Les premiers récits de l’histoire chinoise datent traditionnellement de l’empereur jaune, souverain civilisateur mythique, puis la fondation de la dynastie Xia au 21ème siècle avant JC. À cette époque, le nom que donnaient les chinois à leur pays était 天下 (Tiān Xià), qui signifie le céleste empire ou plus littéralement « Sous le ciel ». Le caractère 天 peut être traduit par « ciel » ou « paradis », et 下 par « en dessous » ou « bas ». L’expression, en plus de sa signification littérale, est utilisée par la population chinoise pour désigner le monde, à savoir tout ce qui est terrestre. Dans ce contexte, il peut donc être compris et traduit par « Tout ce qui se trouve en dessous des cieux ». Du temps des empereurs de Chine, ceux-ci étaient nommés « maîtres de tout ce qui se trouve sous le ciel ».

Dès les environs de 200 avant JC, se développe l’école du Yin-Yang et du Wuxing (les Cinq Agents), qui exerceront une influence durable dans le taoïsme et la médecine chinoise. Le modèle cosmologique sous-jacent est un univers qui s’autocrée à partir du « souffle » (qi 气, prononcé tchi) et l’actualisation de la multitude des êtres se réalise grâce à la dynamique yin-yang.

  • Le YIN (plutôt ce qui est féminin, inactif, froid, sombre, descendant, structurel,…) et le YANG (plutôt ce qui est masculin, actif, chaud, lumineux, ascendant, fonctionnel, …) possèdent 4 caractéristiques qui permettent de classifier tout ce qui nous entoure et de construire des listes à l’infini :
  • Yin et Yang sont unis et opposés : toute chose et tout phénomène possèdent deux aspects mutuellement opposés et indissociables qui se contrôlent et se restreignent mutuellement.
  • Yin et Yang sont interdépendants : ils ne peuvent exister indépendamment l’un de l’autre, chacun des deux aspects opposés est la condition de l’existence de l’autre et chaque aspect utilise l’aspect opposé, ils se servent mutuellement…
  • Aspect de mouvement constant : l’opposition et l’interdépendance entre le Yin et le Yang ne restent pas dans un état statique, la proportion de Yin Yang varie.
  • La transformation mutuelle du Yin Yang : Le maximum d’une chose ou d’un phénomène provoque la chose opposée, le phénomène opposé : le Yin à son extrême peut se transformer en Yang, le Yang à son extrême peut se transformer en Yin.

La médecine traditionnelle chinoise est profondément basée sur une observation du vivant, sur un mouvement, sur une dynamique, une opposition interdépendante et mutuellement féconde, sur une interaction avec le cosmos. Sans faire d’amalgames, les principes du Yin et du Yang nous semblent faire un echo antérieur aux écrits de Romano Guardini sur la polarité [1]Romano GUARDINI, La polarité. Essai d’une philosophie du vivant concret, trad. Jean Greisch et Françoise Todorovitch, Cerf, Paris, 2010, p. 72. Pour la version originale voir Der Gegensatz. … Continue reading

Le fait religieux en Chine est d’une grande richesse avec les commentaires confucéens [2]Le confucianisme est l’une des plus grandes écoles philosophiques, morales, politiques et religieuses de Chine. L’influence de Confucius en Asie orientale est très importante, il a … Continue reading, l’entreprise de traduction du canon bouddhique, l’histoire de la réception de l’enseignement chrétien, les polémiques entre taoïsme, bouddhisme et confucianisme. Penchons-nous sur l’amidisme. Le cardinal De Lubac dans son magnifique livre « Amida » [3]1955 nous détaille les progrès de l’amidisme en Chine dans les années 300 après JC. Amida est l’un des grands boudhas du bouddhisme Mahayana (grand véhicule) [4]Dans la personne du Dalai Lama est vénéré Amida et non le buddha Sakyamuni comme le pensent les européens .

 

La Terre Pure de l’Ouest du Bouddha Amitābha (Dunhuang, Chine, VIIIe siècle)

 

Il règne sur la Terre Pure, en sanskrit « Sukhavati » (en chinois, ce terme fut traduit par « bonheur paisible, « béatitude » ou « bonheur suprême »). En Occident, on a pris l’habitude d’appeler ce boudha, un boudha « mystique » ou « boudha de contemplation » pour le différencier des boudhas apparus sous une forme terrestre, comme Sakyamuni. Tout l’amidisme se résume dans la formule sacré « Adoration [hommage] au boudha Amida », en chinois « Namo Omituofo ».  La Chine fut gagnée rapidement par l’amidisme et dès le Vème siècle, malgré les persécutions de l’empereur, en peu de temps, 9 familles sur 10 seront bouddhistes. Grâce à l’influence déterminante de Huiyuan (334-416), originaire de la Chine du Nord (Shanxi) qui fut appelé « le Maître de la Loi ». Tous les amidistes de Chine, d’Indochine et du Japon le considèrent comme leur ancêtre. Il était un chercheur de vérité. Imprégné de confucianisme et de taoïsme, à 20 ans, il passe en Chine du sud, rencontre son maitre Dao’an et suit l’attrait de la contemplation, il se retire dans les montagnes où beaucoup viennent à lui. Quand la communauté atteint plus de 100 membres, Huiyuan la dote d’une règle et d’un culte particulier, beaucoup, mécontents, partent, seuls 17 restent et forment la « communauté du lotus blanc ». Cette communauté rendra définitivement populaire en Chine le culte du boudha Amida.

Tanluan (476-542), taoïste converti brutalement à l’amidisme sera à la tête d’un groupe amidiste, profondément indigène. C’est lui qui systématisa le premier l’opposition entre le salut obtenu par le propre effort individuel (zili) et le salut obtenu par la grâce et le pouvoir d’autrui (tali). Daochuo (562-645) fut l’un de ses premiers successeurs puis relayé par Shandao (613-681) que tous les amidistes japonais honoreront sous le nom de Zendo. Il insistera sur la puissance du nom des boudhas. « Voilà donc ce que nous avons à faire : nous repentir de nos péchés, cultiver les vertus, et prononcer le nom du boudha Amida. ».

L’amidisme rattache en effet des indulgences attachées à la récitation du nom et la vision du boudha avant la mort (qui vient chercher les morts pour les emmener dans la Terre Pure). Dans l’amidisme, Avalokitesvara a pour nom « le Seigneur ou le Protecteur du monde » et il est le boddhisattva céleste qui correspond à notre bouddha. Son principal caractère reconnu partout est qu’il est celui « dont les yeux sont humides de compassion ». Sous son meilleur aspect, Avalokitesvara est par excellence l’être doué de compassion, être qui fait miséricorde corporelle et surtout spirituelle, le bouddhisme n’oubliant pas qu’il n’est qu’un seul mal, celui des passions.

Le nom chinois d’Avalokitesvara est Guanshiyin « celui (ou celle) qui perçoit les accents du monde ». Souvent représenté sous des traits féminins, mais pas toujours, selon le public à qui elle s’adresse. Elle peut être représentée seule ou avec un petit enfant (nos missionnaires du XVI ème siècle en furent très intrigués, exemple d’une statue de Guanshiyin que l’on appela « Notre Dame de Tourfan »). De Lubac dit qu’on ne peut pas dire qu’elle soit un reflet de la sainte Vierge mais que grâce à Guanshiyin le bouddhisme s’est adouci, la tendresse est venue et les yeux se baissent sur la souffrance du monde et apportent une aide au lieu d’une contemplation trop solitaire.

References

References
1 Romano GUARDINI, La polarité. Essai d’une philosophie du vivant concret, trad. Jean Greisch et Françoise Todorovitch, Cerf, Paris, 2010, p. 72. Pour la version originale voir Der Gegensatz. Versuche zu einer Philosophie des Lebendig-Konkreten, Mainz/Paderborn, Grünewald/Schöningh, 1998, p. 61
2 Le confucianisme est l’une des plus grandes écoles philosophiques, morales, politiques et religieuses de Chine. L’influence de Confucius en Asie orientale est très importante, il a créé avec ses disciples, sur la base de la pensée de son époque, un système rituel achevé et une doctrine à la fois morale et sociale
3 1955
4 Dans la personne du Dalai Lama est vénéré Amida et non le buddha Sakyamuni comme le pensent les européens
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