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Le film Corpus Christi fait le plein d’entrées en Pologne

Dans un centre de détention juvénile marqué par la violence, Daniel fait une rencontre avec le Christ qui va « donner à sa vie une orientation décisive ».

Tout commence par une rencontre. Le Père Thomas, aumônier de l’établissement, s’approche de ces garçons enfermés dans des murs lugubres, enfermés dans leur passé, dans l’agression et la rébellion contre ce monde qui les a repoussés à la marge pour les rééduquer. Il leur parle de choses d’un autre monde, loin des poncifs traditionnels.
Puis vient la décision : Le suivre. Pleinement, pour la vie, laissant tout derrière soi. Comme l’a fait un jour le Père Thomas. Une telle suite s’avère toutefois impossible, du moins comme prêtre. Son passé, son casier judiciaire, y font obstacle. « Tu peux faire tellement de bien d’une manière différente », lui dit le Père Thomas, tout en donnant à Daniel l’occasion de mener une vie normale en travaillant dans une scierie de l’autre côté de la Pologne. Le garçon, bien que déçu, accepte l’offre – il doit absolument s’enfuir du centre de détention juvénile pour échapper à une vengeance – et « emprunte »  en guise de souvenir une chemise avec un col romain au père Thomas.

Une occasion lui est cependant donnée de satisfaire, au moins pour un moment, le désir de son cœur. Déguisé de son col romain, Daniel se voit confier une paroisse par un concours de circonstances et devient le Père Tomas.
Son histoire tordue lève pour nous le rideau sur le mystère du sacerdoce sacramentel : la réponse à un appel à le suivre, que le Christ adresse à ses élus, non pas une élite parfaite ou irréprochable mais des pécheurs eux aussi  (il suffit de prendre l’exemple des apôtres) ; le don surnaturel qu’aucun homme (pas même après des études théologiques et des années de préparation, ni même avec les meilleures intentions) ne peut humainement comprendre et embrasser totalement. C’est quelque chose qui le dépasse et qui demande une grande humilité. La scène dans laquelle il est sur le point d’être démasqué et cherche de l’aide dans la prière est extrêmement révélatrice. Seul dans l’église, impuissant, la tête baissée, il prie le chapelet. Pour lui-même, pour ses persécuteurs, pour ceux qu’il a offensé, ou peut-être pour ses « fidèles » dont la vie le touche si profondément ?

« Pour ne pas être chrétien il n’est pas nécessaire de tuer ou de transgresser tous les dix commandements d’un coup : c’est l’absence du Christ qui nous rend ainsi.  » [1]Engendrer des Traces, Luigi Giussani

C’est  le grand paradoxe du village : c’est le faux prêtre (qui a violé beaucoup des commandements, peut-être même tous les dix commandements) qui s’avère être chrétien parmi les non-chrétiens. Tous ceux qui sont en deuil (un accident de la route a causé la mort de 7 villageois) ont rejeté leur chagrin, leur colère et leur haine sur la veuve de celui qui leur a causé un si grand mal.

« L’absence du Christ est l’absence de sa vie. Cela tend à produire une indifférence envers la réalité qui devient une absence de responsabilité envers l’existence personnelle et collective : cela devient une amoralité. L’issue de cela consiste à se soumettre à celui qui crie le plus fort, à celui qui a le plus de pouvoir » [2]Engendrer des Traces, Luigi Giussani

Contrairement au curé légitime, Daniel assume la responsabilité de la réalité qu’il découvre et qu’il n’accepte pas. Il sent que le seul moyen de sortir de l’immensité de la souffrance aveugle est le pardon. Il essaie de le promouvoir par tous les moyens (on le voit notamment essayer des méthodes apprises dans sa maison de correction). Il ne se rend même pas sous la pression du maire, un homme extrêmement influent (et soit dit en passant, le propriétaire de son lieu de travail potentiel) qui préfère lui aussi laisser le problème sous le tapis. Il doit cependant faire face à son impuissance, qui est une forme d’amour, comme le disait Mgr Rys, archevêque de Lodz, souhaitant aux prêtres nouvellement ordonnés de faire cette expérience, lors de son homélie à l’occasion de leur ordination. [3]Ordinations du 22 juin 2019 en l’église des Jésuites Saint André Bobola, Varsovie. https://jezuici.pl/2019/06/swiecenia-prezbiteratu-w-warszawie/ Bien que n’étant pas un vrai prêtre, Daniel vit une expérience pleinement sacerdotale et pastorale : il est touché par la souffrance des autres, en un sens il donne sa vie pour eux et l’offre quotidiennement sur l’autel. Il s’approcha de la croix de ses semblables et choisit de rester là, malgré son impuissance.

« Mais une telle indifférence envers la réalité a comme origine l’indifférence envers l’expérience de foi car c’est par elle que Dieu sollicite l’âme et nous appelle à une responsabilité. Ainsi la vie se perd dans une confusion dans laquelle tout devient licite et tout devient ennemi. Il se produit une augmentation de la souffrance qui s’achève dans la rébellion ou dans le cynisme, au lieu de nous solliciter pour la collaboration à la reconstruction d’un peuple. » [4]Engendrer des Traces, Luigi Giussani

Au lieu de l’indifférence, de la rébellion et du cynisme, la compassion et une mise en jeu de sa personne qui découlent d’une foi profonde. Au lieu d’absurde, le mystère de la croix. Et tout cela nous est montré par un homme qui a le courage de dire de lui-même : « Je suis un meurtrier ».
Dans ce film, nous pouvons nous voir comme dans un miroir, affronter nos peurs, ces émotions non maîtrisées, nos jugements  prématurés, notre christianisme de surface ou notre « absence de christianisme ». C’est une image désagréable source d’anxiété et qui nous prive de ce sentiment de sécurité auquel nous sommes  si attachés. Rien dans cette histoire n’est noir ou blanc, d’où la tendresse éprouvée pour le personnage principal et son entourage qui échappent aux jugements hâtifs et tranchés.

Une belle occasion d’examiner sa conscience !

Karolina Józwiak – Traduit du polonais par Clément Imbert

 

Corpus Christi – Bande annonce soutitrée en anglais

References

References
1, 2, 4 Engendrer des Traces, Luigi Giussani
3 Ordinations du 22 juin 2019 en l’église des Jésuites Saint André Bobola, Varsovie. https://jezuici.pl/2019/06/swiecenia-prezbiteratu-w-warszawie/
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