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« Ne nous prive pas de notre espoir, Ô Ami de l’Homme ! »

« Quand un homme part pour un voyage, il doit savoir où il va. Ainsi en est-il avec le Grand Carême. Par-dessus tout, le Grand Carême est un voyage spirituel, et sa destination, c’est Pâques, « la Fête des fêtes ». » C’est la préparation pour « l’accomplissement de Pâque, la véritable Révélation » .  Nous devons dès lors commencer en tenant de comprendre cette relation entre le Grand Carême et Pâques, car elle nous révèle à propos de notre foi et vie Chrétienne quelque chose de tout à fait essentiel, de tout à fait crucial.

 

 Photo : © Sabina Kuk

 

Est-il nécessaire d’expliquer que Pâques est bien plus qu’une des fêtes, bien plus qu’une commémoration annuelle d’un événement du passé ? Quiconque a déjà, ne fut-ce qu’une fois, participé à cette nuit qui est « plus radieuse que le jour », qui a déjà goûté à cette joie unique, le sait.

A Pâques, nous célébrons la Résurrection du Christ comme quelque chose qui a eu lieu et nous advient encore. Car chacun d’entre nous a reçu le don de cette nouvelle vie et le pouvoir de l’accepter et d’en vivre. C’est un don qui transforme radicalement notre attitude envers tout en ce monde, y compris la mort. Il nous met en état d’être capables d’affirmer avec joie « La mort n’est plus! » . Oh certes, la mort est encore là, c’est sûr, et nous lui faisons face, et un jour elle viendra et nous emportera. Mais c’est notre foi pleine et entière que par Sa propre mort, le Christ a changé la nature même de la mort, en faisant un passage, une « Pâques », entrée dans le Royaume de Dieu, transformant la tragédie des tragédies en une victoire ultime.

Telle est la foi de l’Église, affirmée et rendue évidente par ses innombrables saints. Cependant, est-ce que notre expérience quotidienne n’est pas que cette foi est très rarement nôtre, que sans cesse nous perdons et trahissons cette « nouvelle vie » que nous avons reçue en don, et qu’en fait nous vivons comme si le Christ n’était pas relevé d’entre les morts, comme si cet événement unique n’avait pas la moindre signification pour nous ? Nous oublions cela tout simplement, si affairés que nous sommes, si plongés dans nos préoccupations quotidiennes – et parce que nous oublions, nous échouons. Et à travers cet oubli, cet échec, et le péché, notre vie redevient « vieille » à nouveau – mesquine, sombre, et pour finir sans signification – un voyage vide de sens vers une fin absurde. Nous pouvons de temps à autre reconnaître et confesser nos divers « péchés », et cependant, nous cessons de rapporter notre vie à cette nouvelle vie que le Christ nous a révélée et donnée. En effet, nous vivons comme s’Il n’était jamais venu. C’est le seul véritable péché, le péché de tous les péchés, la tristesse sans fond et la tragédie de notre christianisme nominal.

 

Photo : © Sabina Kuk

 

Si nous réalisons ceci, alors nous pourrons comprendre ce qu’est Pâques, et pourquoi cela requiers et présuppose le Grand Carême. Car alors nous pourrons comprendre que les traditions liturgiques de l’Église, tous ses cycles et offices, existent en tout premier lieu afin de nous aider à retrouver la vision et le goût de cette nouvelle vie, que nous avons si facilement perdue et trahie, afin que nous puissions nous repentir et y revenir. Et cependant, la « vieille » vie, celle de péché et d’insignifiance, n’est pas facilement vaincue et changée. L’Évangile attend et requiers un effort de la part de l’homme, ce que dans son état présent il est virtuellement incapable de faire. C’est ici que vient le Grand Carême. C’est l’aide qui nous est envoyée par l’Église, l’école de repentance qui seule rendra possible d’accueillir Pâques non pas comme une simple permission de manger, boire et se détendre, mais en effet comme la fin de ce qui est « vieux » en nous, comme notre entrée dans ce qui est « nouveau. »  Car chaque année, le Grand Carême et Pâques sont, à nouveau, la redécouverte et la récupération par nous de ce que nous avons été fait à travers notre propre mort et résurrection baptismale. Un voyage, un pèlerinage ! Et cependant, alors que nous l’entamons, alors que nous avons fait le premier pas dans la « radieuse tristesse » du Grand Carême, nous voyons – loin, très loin – la destination. C’est la joie de Pâques, c’est l’entrée dans la gloire du Royaume. Et c’est cette vision, l’avant-goût de Pâques, qui rend radieuse la tristesse du Carême et transforme notre effort de carême en un « printemps spirituel. » La nuit peut bien être noire et longue, mais tout au long du chemin, une aube mystérieuse et lumineuse semble briller à l’horizon. « Ne nous prive pas de notre espoir, Ô Ami de l’Homme ! »

 

Extraits du livre « Le Grand Carême » , du Père Alexander Schmemann

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