Mardi 4 août 2020, 18h06 : date qui restera à jamais gravée dans la mémoire des Libanais. Aujourd’hui, mardi 11 août. Une semaine est déjà passée sur ce drame qui a ébranlé le Liban : la troisième explosion la plus forte de l’histoire après Hiroshima et Nagasaki, celle du port de Beyrouth.
Encore sous le choc, on dirait que le temps, pour le peuple Libanais, est encore arrêté au mardi 4 août. Il semble comme encore suspendu, secoué, pris en otage et retenu par cet instant de l’explosion. Comment ce peuple peut-il sortir de cet instant alors que certains des leurs se trouvent encore sous les décombres du port, disparus. Comment peut-il en sortir alors que la poussière de l’explosion couvre encore toute la capitale. Avec elle, c’est la vérité de tous les enjeux politiques qui est encore couverte, ainsi que le mystère de ces tonnes de nitrate d’ammonium stockées, (sans savoir ni comment ni pourquoi), au cœur de la capitale.
Une semaine est passée et le peuple libanais, encore sous le choc de Beyrouth l’apocalyptique, continue à chercher ses disparus sous les décombres, à enterrer ses êtres chers, à ramasser les vitres des maisons soufflées par l’explosion, à décompter ses morts et essayer de soigner ses blessés dans les parkings des hôpitaux détruits et saturés.
La prière et le chant
Face à ces scènes apocalyptiques, une génération entière de Libanais a été comme projetée dans le passé, en 1 seconde, à Beyrouth des années 75, détruite par la guerre civile. Au cœur du silence et des larmes qui les habitent, les Libanais se tournent vers la prière et le chant pour puiser la force de demeurer debout. Une semaine après l’explosion, ils se sont réunis au port aujourd’hui, pour prier en silence pour toutes les victimes, les blessés, pour tous ceux qui sont encore ensevelis, remettant à Dieu le mystère de ce drame, demandant l’intercession de Notre Dame du Liban si chère aux cœurs des chrétiens comme des musulmans, afin qu’Elle les console en ces moments où seulement la présence d’une mère est capable de consoler.
Contemplant cette prière au port, (et dans différents endroits au Liban) comment ne pas faire mémoire de cette magnifique prière composée par Saint Jean-Paul II lors de sa visite au Liban en 1997? Les Libanais ont tellement besoin de la prier de nouveau afin qu’en reconstruisant leur pays, ils le fassent avec la conscience de leur mission de « dignes héritiers des saints de cette terre », demandant l’intercession du Saint pape qui aimait tant ce pays et voyait en lui un pays-message :
« Demandons à la Vierge Marie, Notre-Dame du Liban, de veiller sur votre pays et sur ses habitants, et de vous assister de sa Tendresse maternelle, pour être les dignes héritiers des saints de votre terre et pour faire refleurir le Liban, ce pays qui fait partie des Lieux Saints que Dieu aime, parce qu’Il est venu y faire sa demeure et nous rappeler que nous avons à construire la cité terrestre, en ayant les yeux fixés sur les valeurs du Royaume. Amen »
Au cœur de ces journées si dramatiques, le peuple libanais a fait encore une fois preuve d’une force intérieure et d’un courage qui ont marqués le monde entier. Comment ne pas s’émouvoir du courage de cette infirmière qui a sauvé la vie de 3 nouveau-nés en les portant dans ses bras d’un hôpital à l’autre (plus de 5 km à pieds) pour essayer de trouver du matériel et leur sauver la vie? Comment ne pas voir tous ces jeunes qui, dès l’instant de l’explosion ont quitté leur maison en montagne pour rejoindre Beyrouth et aider avec leurs balais et les humbles moyens qu’ils avaient, à nettoyer les rues et les maisons de tous les habitants de Beyrouth, les encourageant. Une entraide impressionnante. Des familles entières venant du Nord, de la Békaa, du Sud, de toutes les régions que l’explosion n’a pas atteintes, sont venues dresser des tentes et rester à Beyrouth pour aider et soutenir les Beyrouthins. Beyrouth apocalyptique, semblait devenir mystérieusement un lieu de vie, une seule maison regroupant tous les Libanais sous un seul toit.
Avec la prière, c’est le chant qui a aidé les Libanais à se relever. Dans les rues désolantes de Beyrouth a retenti toute cette semaine la magnifique chanson de Majida el Roumy [1]chanteuse si chère au cœur des libanais : « Relève-toi Beyrouth ». Cette chanson que Majida chantait en honneur de Beyrouth après la guerre civile, détruite par ce mystère du mal, lui demandant pardon et lui demandant de se relever, les Libanais la chantent et l’écoutent aujourd’hui plus que jamais pour y puiser leur force et relever Beyrouth, pour la énième fois. Majida qui a tant chanté pour Beyrouth, si émue de l’élan de tous ces jeunes qui sont venus aider, les a rejoints dans les rues dévastées de la capitale en leur disant : « un pays qui a des jeunes comme vous, qui viennent avec leurs balais à la main pour aider, est un pays qui ne mourra jamais ! Vous êtes l’espérance de notre pays, la grandeur de son âme. C’est vous qui relèverez Beyrouth, vous êtes son espérance. »
Photo : Source
Avec la prière, les Libanais puisent aujourd’hui dans le trésor de leur culture et la beauté de leur chant et de leur poésie pour se relever et relever leur capitale, de nouveau. Tous, malgré les divisions politiques, et leurs confessions si diversifiées, rechantent d’une seule voix avec Majida « Relève-toi Beyrouth, relève-toi »
Paroles de la chanson de Majida :
« O Beyrouth…Dame du monde entier. Nous confessons au seul et unique Dieu : que nous étions jaloux de toi et que ta beauté nous a heurtés : nous le confessons maintenant. Nous confessons maintenant : Nous n’avons été ni justes ni miséricordieux envers toi. Nous ne t’avons pas comprise et ne t’avons pas excusée. Nous t’avons offert un couteau au lieu d’une rose. Nous nous confessons devant le Dieu juste : Nous t’avons blessée et t’avons fatiguée. Nous t’avons brûlée et t’avons fait pleurer. Nous t’avons accablée, ô Beyrouth, de nos péchés. O Beyrouth, Le monde entier sans toi ne nous suffira pas. Nous savons maintenant que tes racines sont profondément ancrées en nous. Nous savons maintenant ce que nos mains ont commis. Lève-toi…Lève-toi…Lève-toi. Relève-toi de sous les décombres. Comme la fleur d’une amande au printemps. Lève-toi de tes peines…Lève-toi. La révolution naît des entrailles de la tristesse. Relève-toi de sous les décombres. Lève-toi en honneur des forêts. Lève-toi en honneur des rivières. Lève-toi en honneur des rivières, des vallées… et de l’homme. Lève-toi en honneur de l’homme. Relève-toi O Beyrouth »
References
↑1 | chanteuse si chère au cœur des libanais |
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