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La confession, sommet de la purification

Le sommet de la montagne du Purgatoire, que Dante atteint vaillamment aux premières lueurs du mercredi de Pâques, n’est pas encore synonyme de repos. Au contraire, l’attend l’ultime épreuve – la plus terrible peut-être car il lui est demandé cette fois d’adhérer, de toute la force de sa volonté, au chemin parcouru, au lieu d’uniquement le suivre ; la plus belle aussi car elle lui restitue pour toujours la dignité de son être et lui ouvre les portes du Paradis ; la plus douce car elle se fait sous le regard de celle qui déjà s’avance du ciel vers lui : Béatrice.

 

 

La terreur et la joie

Sans que Dante ne puisse se douter de ce qui l’attend, deux événements y préparent petit-à-petit son être à la fin de son ascension. Alors qu’il franchit la cinquième corniche,

« Je sentis, comme si elle tombait,
trembler la montagne (…)
Puis de tous côtés s’éleva un cri
tel que mon maître se rapprocha de moi (…)
« Gloria in excelsis Deo », disaient-ils tous »

(Purgatoire, XX, v.127-128, 133, 135)

L’explication lui en est donnée quelques heures plus tard :

« [Le mont] tremble lorsqu’une âme se sent
pure, assez pour se dresser et pour monter
au ciel ; un cri semblable lui répond »

(Purgatoire, XXI, v. 58-60)

Le déchirement d’un être qui achève sa purification est tel, que la terre elle-même en tremble. Voici le prix de l’arrachement définitif au péché. Mais le cri des innombrables Anges qui accueillent l’âme est plus fort encore, et annonce la joie parfaite.

Le deuxième événement l’engage déjà lui-même. Après avoir passé la septième corniche, il doit traverser un feu, devant lequel il reste pétrifié, incapable de se mettre en mouvement – dernière résistance de la volonté et de la chair à la béatitude.

« L’ange de Dieu, joyeux, nous apparut (…)
Puis : « Nul ne va plus loin sans que le feu
le morde, âmes saintes : entrez en lui,
et au chant de là-bas ne soyez pas sourdes »
nous dit-il (…)
Et moi, cloué, et contre ma conscience »

(Purgatoire, XXVII, v. 6, 10-12, 33)

Dante a déjà été infiniment purifié. Comme les autres pénitents, il s’est laissé transformer par l’écoute du Miserere, de l’Agnus Dei, du Salve Regina et de tous les hymnes qui ne cessent de faire vibrer la montagne. Il s’est ému de l’intimité de destin qu’il a peu à peu reconnue avec les âmes rencontrées, il s’est laissé servir par les Anges et effacer du front, à chaque corniche, la lettre P de chacun des sept péchés capitaux. Il a compris qu’il ne pouvait rien sans compagnie – et à son ami et père Virgile s’est soudain ajouté pour les dernières heures un autre guide, le poète Stace [1]Poète de la Rome Antique au premier siècle après JC et converti au christianisme , comme un surplus de grâce.

Mais il n’a pas encore dit « oui » de tout son être. Il doit traverser le feu, comme un premier abandon de lui-même. Il devra ensuite confesser son péché.

 

 

La confession devant Béatrice

Seule la présence de celle qui, depuis le réveil dans la « forêt obscure », a veillé sur tout son chemin, lui permettra ce pas ultime.
S’avance donc Béatrice, sur un char, au Paradis Terrestre qui se découvre joyeusement de l’autre côté du feu.

« M’apparut une dame, sous un vert manteau
Vêtue des couleurs de la flamme vive »

(Purgatoire, XXX, v. 32-33)

C’est le visage plein de larmes et la gorge nouée de repentir que Dante se confessera, prononcera un oui si confus « qu’il aurait fallu les yeux pour l’entendre » (Purgatoire, XXXI, v. 15).

Mais le oui est dit, et les vertus qui luisaient auparavant à l’horizon dans le ciel étoilé se sont fait chair, sous la forme de femmes qui dansent – signes de la parfaite unité désormais entre l’être et le destin.

Et Dante se découvre « pur et tout prêt à monter aux étoiles » (Purgatoire, XXXIII, v. 145).

Illustrations: Gustave Doré, Illustrations de la Divine Comédie, 1868, Purgatoire

References

References
1 Poète de la Rome Antique au premier siècle après JC et converti au christianisme