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Sagrada Familia, entre universalité et harmonie

Le chef d’œuvre de Gaudi, commencé dans la foi en la Divine Providence témoigne d’un génie incomparable et parle à notre siècle. Chaque année, se pressent presque 4,5 millions de visiteurs venus de tous les coins du monde. Le 6ème site le plus visité au monde est un « temple expiatoire ». À une époque déchristianisée, que viennent-ils y chercher ?

 

Certaines des dimensions qu’a cherché Gaudi dans ce temple expiatoire étaient l’élévation du cœur, l’universalité et l’harmonie. Les représentations étant toutes à l’extérieur, l’intérieur vous élève immédiatement, la lumière vous saisit. L’église a été créée comme « une forêt », les colonnes s’élevant bien droites comme des troncs et s’ouvrant dans des branchages où la lumière et les couleurs viennent jouer. Les matériaux utilisés pour les colonnes différent, humble rappel de la grande diversité du monde. Des centaines de personnes restent assises « à contempler » et en silence, effet assez prodigieux sur un monde passablement surexcité.

Il me semble que l’harmonie qui se dégage de ce lieu irrésistiblement centré vers le Haut, vers la Jérusalem céleste, emplit les cœurs humains.

 

 

Mais de quelle harmonie parlons-nous ?

Ces mots, du père jésuite, père Benoit Vermander, directeur du Centre de recherche Xu Guangqi-Matteo Ricci pour le dialogue, nous y aideront peut-être :
En terre asiatique, « l’harmonie est une attitude fondatrice, enracinée dans une sensibilité profonde aux connexions organiques liant entre eux les divers éléments du cosmos, le cosmos et l’humanité, les sous-groupes qui composent cette dernière, et même les différents niveaux de la réalité. [Les intellectuels asiatiques sont prompts à opposer pareille sensibilité à celle (la nôtre) qui s’applique à distinguer, organiser et hiérarchiser tant les réalités sociales et naturelles que les catégories de la pensée.] Nulle possibilité de vivre et de construire l’harmonie, insistent-ils, sans un effort préalable de tout l’être pour sentir et penser d’abord la solidarité organique qui nous unit à tout phénomène vivant. L’harmonie, en Asie, n’est pas d’abord un concept, mais bien plutôt un style. Le dialogue est rendu possible par l’appréciation tant de la diversité des phénomènes au milieu de laquelle mon interlocuteur et moi sommes situés que de l’unité essentielle par quoi l’éventail de nos couleurs et de nos mélodies s’organise et prend sens. Il faut, disent certains penseurs asiatiques, apprendre à sentir et penser simultanément : je ne suis pas seulement le défenseur d’une position ou d’une tradition ; je suis celui qui a développé à tel point sa capacité d’attention, sa sensibilité au milieu vivant que je deviens capable de « résonner » avec l’ensemble des êtres vivants à mon entour. Cette ‘résonance’ se vit comme dans un instant d’éternité : je suis bien ‘là où je suis’, mais j’expérimente mon écoute, ma prise de parole et toute mon existence en relation organique avec tous ceux-là qui se trouvent, tout comme moi, pris dans l’éventail de nos différences et pourtant enracinés dans la réalité ultime qui nous rassemble. Comme l’a dit un penseur indien, Raimon Panikkar, le dialogue consiste moins en un ‘optimisme de la Raison’ qu’en un ‘optimisme du cœur’ ».

Peut-être que nos âmes assoiffées de leur Créateur font l’expérience de cette harmonie, harmonie entre le micro-cosmos de leur âme et leurs puissances souvent si agitées et celui de la Création ordonnée au Christ. Elles retrouvent l’ordre, le vrai ordre, celui qui est en perpétuel mouvement puisqu’il est centré en Quelqu’un, dont parlait tant Saint Ignace de Loyola.

L’absence de représentation des mystères ou de statues contribuent à cet effet. Les saints apparaissent comme de simples noms (de tous les pays du monde) écrits en petit sur les vitraux que l’on distingue uniquement en s’approchant de près, tant ils sont pris dans la lumière. N’est ce pas le propre des saints de Dieu que d’être entièrement transparents à La Lumière Divine et de refléter plus un Autre qu’eux-mêmes ?

 

 

Toute cette église est aussi centrée sur la musique, élément aussi peu saisissable que la lumière. Gaudi était un musicien, et l’église est construite de manière à ce que les chants et la musique joués à l’intérieur se diffusent à l’extérieur.

Toute cette grandeur saisit notre petitesse, sans l’écraser mais en la soulevant doucement.
Bonne visite !