Actuellement, le Berliner Staatsballett, compagnie de ballet berlinoise, présente « Voices », une création du chorégraphe britannique David Dawson. C’est en janvier 2021, en pleine période de lockdown, que la chorégraphie a vu le jour dans l’intimité du studio de répétition berlinois, fruit du travail commun du chorégraphe et des danseurs de la compagnie.
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Le ballet a été créé sur la base musicale de « Voices », une composition de Max Richter parue en 2020, après que ce dernier se soit penché durant de nombreuses années sur la Déclaration des droits de l’homme de 1948. Ainsi, tout au long du ballet, on entend une voix off qui déclame en anglais, l’un après l’autre, les droits de l’homme:
« All human beings are born free and equal in dignity and rights. »
« Everyone has the right to freedom of thoughts, conscience and religion… Everyone has the right of freedom of opinion and expression. Everyone has the right to freedom of peaceful assembly and association. »
…
Ce qui étonne d’emblée, c’est l’atmosphère du ballet. A l’écoute de ces droits qu’on sait si souvent bafoués, on pourrait s’attendre à une certaine violence, un ton d’exigence, militant. Il n’en est pourtant rien. La voix déclame les droits de l’homme de manière paisible (mais ferme); l’éclairage de la scène et la couleur des costumes sont tendres, pastel; des mouvements, ainsi que de la musique, émanent comme une plainte étouffée, une douleur presque douce. Une attente…
Comme s’il était implicite que ces droits, la dignité de l’homme, sa liberté sont ontologiques, ancrés depuis toujours dans la nature humaine, et non une guerre à mener, une victoire à emporter à force de revendications. Les danseurs ont une attitude pleine de compassion, entraînant les spectateurs dans cette attente que soit révélé ce qui est… En particulier le pas de deux final, magnifiquement interprété par les danseurs Polina Semionova et Alejandro Virelles, clôture le ballet dans une apothéose de beauté, de désir et de nostalgie…
Déjà en avril 2021, à l’occasion de la Journée Internationale de la Danse, on pouvait voir online la première de « Metamorphosis », un ballet en cinq actes créé pour le Dutch National Ballet et interprété par cette même compagnie dans un geste de grande gratuité, alors que théâtres et opéras sont clos et que personne ne sait ce qu’il adviendra de l’art et de la culture. David Dawson parle de son œuvre en ces termes: « C’est une pièce sur l’espérance et l’humanité, la recherche de la lumière dans l’obscurité. C’est un véhicule d’espoir: il s’agit de continuer, de ne pas abandonner, il s’agit de la route métaphorique que nous parcourons de l’hiver au printemps. » Toute la chorégraphie se danse dans un magnifique jeu d’éclairage de clair-obscur. Dans le premier acte (un pas de deux), il y a ce moment particulièrement émouvant où la danseuse, soudain projetée dans la lumière, a un mouvement de recul, comme si tant de lumière était trop violent, insupportable. Puis, peu à peu, cette lumière est apprivoisée; en présence de son partenaire, elle y est introduite…
A nouveau, c’est la musique qui inspire son titre à la chorégraphie: « Metamorphosis » de Philip Glass. Métamorphose.
« Le surnaturel, c’est donc, peut-on dire, cet élément divin, inaccessible à l’effort de l’homme (pas d’auto-divination!), mais s’unissant à l’homme, l’élevant, […], le pénétrant pour le diviniser, devenant ainsi un attribut de ‘l’homme nouveau’ tel que nous le décrit saint Paul. […] L’influx de l’Esprit de Dieu ne demeure pas extérieur à l’homme; sans confusion des natures, il imprime réellement sa marque en notre être; il devient en nous principe de vie. » [1]Henri de Lubac, Petite catéchèse sur nature et grâce, Communio Fayard, 1979, p. 31-32
« C’est bien nous, notre être de créatures, que la présence active en nous de l’Esprit divinise, sans pour cela nous absorber et nous anéantir en Dieu ». [2] Louis Bouyer, Le Père invisible, Cerf, 1976, p. 288
Attente de l’Incarnation…