Nous voici au début de l’année liturgique, l’Avent. Le terme Avent signifie venue, arrivée, avènement. C’est le temps du désir, des aspirations, de l’espérance de la venue du Messie. La liturgie de l’Avent arrive à son apogée avec les grandes antiennes « O » chantées avant et après le Magnificat des Vêpres du 17 au 23 décembre, et depuis Paul VI, elles sont aussi les versets de l’acclamation de l’Évangile de chacun de ces jours.
Ces grandes antiennes sont attribuées au pape Grégoire Le Grand (540-604). Elles révèlent la personnalité de Celui qui vient, espérance d’Israël et de toute l’humanité. Elles s’approprient les anciennes images bibliques et énumèrent les titres divins du Verbe incarné et les titres messianiques de l’Ancien Testament :
- « O Sagesse, de la bouche du Très-Haut, toi qui régis l’univers avec force et douceur, enseigne-nous le chemin de vérité : Viens, Seigneur, nous enseigner le chemin de la prudence! » [1]Sab. 7, 28-30; 8,1
- « O Adonaï, chef de ton peuple Israël, tu te révèles à Moïse dans le Buisson Ardent et tu lui donnes la Loi sur la montagne : Viens, Seigneur, nous délivrer par la vigueur de ton bras » [2]YHWH, Le Nom dans l’Ancien Testament
- « O Rameau de Jessé, étendard dressé à la face des nations, les rois sont muets devant toi tandis que les peuples t’appellent : Viens, Seigneur, délivre-nous, ne tarde plus » [3]Isaïe 11, 1-2; Apocalypse 22, 16; Romains 15, 12
- « O Clé de David, ô Sceptre d’Israël, tu ouvres et nul ne fermera, tu fermes et nul n’ouvrira : Viens, Seigneur, et arrache les captifs établis dans les ténèbres et la nuit de la mort » [4]Isaie 22, 20-22; Apocalypse 3,7
- « O Orient, splendeur de la Lumière éternelle et soleil de justice : Viens, Seigneur, illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort » [5]Isaïe 9,1; 42,6; Michée 3, 19-20; Luc 1, 78-79
- « O Roi de l’univers, ô Désiré des nations, pierre angulaire qui joint ensemble l’un et l’autre mur : Force de l’homme pétri de limon, viens, Seigneur, viens nous sauver. » [6]Isaie 28, 16; Salomon 1, 18-22; Zacharie 14, 9; Apocalypse 15, 3-4
- « O Emmanuel, notre Législateur et notre Roi, espérance et salut des nations : Viens nous sauver, Seigneur, notre Dieu. » [7]Isaïe 7, 14; Matthieu 1, 22
Chaque antienne est composée d’une invocation liée à un symbole du Messie et d’une supplication introduite par l’impératif : « viens ». Très expressives, elles résument le désir du Salut d’Israël dans l’Ancien Testament, et de l’Eglise dans le Nouveau Testament. Ce sont des prières courtes, dirigées vers le Christ qui expriment à la fois l’admiration de l’Église face au mystère du Dieu fait homme, et la supplication finale urgente : « Viens, ne tarde plus. »
Si nous lisons en sens inverse (de la dernière à la première), les initiales latines de la première parole suivant le « O » de chaque antienne, nous trouvons l’acrostiche ERO CRAS, ce qui signifie : « Je serai demain » ou « je viendrai demain ». C’est la réponse du Messie à la supplication des fidèles.
Au Moyen-Âge, ces antiennes étaient chantées en grégorien. La parole « O » n’est pas une simple introduction : elle est déjà une première mélodie importante. A la Renaissance, la pratique de la polyphonie a donné naissance à plusieurs chefs-d’oeuvre comme celle de Josquin des Prés. Au XVIIème siècle, ces antiennes ont été composées avec accompagnement instrumental comme celles de Marc-Antoine Charpentier. Mais jusqu’au XIXème siècle, on note peu de compositions de ces textes sacrés comme si l’usage du chant grégorien paraissait obligatoire. Au contraire, certains compositeurs contemporains s’intéressent à cette matière.
Voici quelques interprétations musicales illustrant ces sept antiennes :
17 décembre
« O Sagesse, de la bouche du Très-Haut, toi qui régis l’univers avec force et douceur, enseigne-nous le chemin de vérité : Viens, Seigneur, nous enseigner le chemin de la prudence ! »
Marc-Antoine Charpentier a choisi une forme canonique alternant les voix masculines et féminines. Le crescendo et la montée harmonique nous emmènent sur le chemin de la Sagesse qui parcourt tout l’espace et régit l’univers avec force et douceur. Lorsque nous parvenons à ces deux termes : « force et douceur », la musique les colore de façon magnifique. La supplication qui suit : « Viens Seigneur, nous enseigner le chemin de la prudence ! » adopte un autre rythme, résolu.
l’interprétation de l’antienne commence à 2’38’’
18 décembre
« O Adonaï, chef de ton peuple Israël, tu te révèles à Moïse dans le Buisson Ardent et tu lui donnes la Loi sur la montagne : Viens, Seigneur, nous délivrer par la vigueur de ton bras. »
L’usage du chant grégorien dans les antiennes du « O » remonte au VIème siècle et, depuis toujours fait concorder la voix avec la Parole, réaffirmant ainsi l’importance de l’unité de la célébration, le chant à l’unisson de toute la communauté.
Dans le prochain article, sera présentée la suite des interprétations musicales illustrant ces sept antiennes.
References
↑1 | Sab. 7, 28-30; 8,1 |
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↑2 | YHWH, Le Nom dans l’Ancien Testament |
↑3 | Isaïe 11, 1-2; Apocalypse 22, 16; Romains 15, 12 |
↑4 | Isaie 22, 20-22; Apocalypse 3,7 |
↑5 | Isaïe 9,1; 42,6; Michée 3, 19-20; Luc 1, 78-79 |
↑6 | Isaie 28, 16; Salomon 1, 18-22; Zacharie 14, 9; Apocalypse 15, 3-4 |
↑7 | Isaïe 7, 14; Matthieu 1, 22 |