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Esteban Bullrich: « Je tiens à remercier Dieu pour cette croix »

Esteban Bullrich, 52 ans, sénateur en Argentine, atteint de SLA (sclérose latérale amyotrophique), vient de démissionner en un discours émouvant qui a bouleversé profondément le monde politique et tous les Argentins le 9 décembre dernier.

 

Esteban Bullrich, Source (Internet)

 

La SLA diagnostiquée en avril dernier est incurable, elle paralyse petit à petit tous les muscles, ce qui l’empêche aujourd’hui de parler distinctement. Il a dû s’exprimer au Sénat grâce à un appareil qui retransmet en voix ce qu’il écrit. Comme catholique, il vit cela avec une grande foi en Dieu : « Je crois que Dieu ne nous donne pas des épreuves que nous ne pouvons pas surmonter. Il fait toutes choses nouvelles, j’ai confiance en Lui. » [1]https://cnnespanol.cnn.com/2021/05/29/esteban-bullrich-el-politico-argentino-con-ela-estar-vivo-es-un-regalo-de-dios-conecta2-orix/ affirma-t-il devant un journaliste de la CNN.

Sa foi de converti a commencé avec le cancer de sa fille de 7 ans en 2010, qu’elle a finalement surmonté après plusieurs années d’épreuves. Quand il a reçu le diagnostic en avril, il est passé tout d’abord par la colère contre Dieu « pourquoi ? », l’angoisse, puis finalement grâce à sa foi et à sa femme, il vit désormais sa maladie avec un grand abandon dans les mains de Dieu, et un cœur reconnaissant : « Je tiens à remercier Dieu pour cette croix, il ne nous soumet jamais à des épreuves que nous ne pouvons pas surmonter. Et même si parfois le ciseau du sculpteur fait mal, je sais que c’est seulement si nous nous laissons modeler par Lui que nous atteignons notre meilleure version. Cette croix m’a permis de recevoir quotidiennement des signes infinis d’affection et d’amour. Cette croix m’a appris que la vie c’est aujourd’hui et demain, demain c’est l’espoir. » [2]https://www.lanacion.com.ar/politica/el-discurso-completo-de-esteban-bullrich-nid09122021/

C’est aussi un vrai chemin d’humilité « c’est difficile de comprendre qu’il faut s’humilier. […] Il me coûtait beaucoup de demander de l’aide, aujourd’hui non seulement je la demande mais je l’accepte » [3]https://cnnespanol.cnn.com/2021/05/29/esteban-bullrich-el-politico-argentino-con-ela-estar-vivo-es-un-regalo-de-dios-conecta2-orix/ . Avec simplicité, il ne cache pas la fragilité de son corps et de sa manière de parler, ni ses larmes : « Pleurer fait partie de la vie aussi » [4]https://cnnespanol.cnn.com/2021/05/29/esteban-bullrich-el-politico-argentino-con-ela-estar-vivo-es-un-regalo-de-dios-conecta2-orix/ .

Père de 5 enfants de 6 à 18 ans et marié à María depuis plus de 20 ans, sa famille est un vrai soutien pour lui aujourd’hui et l’a accompagné au Sénat en ce jour où il donne sa démission, laissant un message poignant et plein de sagesse politique appelant à l’union pour le bien commun : « Croyez-moi, il y a beaucoup plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent ; il suffit de surmonter les préjugés, nous taire et nous écouter les uns les autres. Ce projet n’appartient à personne, il appartient à tout le monde. Car en politique, les bonnes idées n’ont pas de propriétaires, elles ont des bénéficiaires. Je le répète, les bonnes idées n’ont pas de propriétaires, elles ont des bénéficiaires.» [5]https://www.lanacion.com.ar/politica/el-discurso-completo-de-esteban-bullrich-nid09122021/

 

Esteban Bullrich et ses enfants

 

Le discours a fait vibrer le Sénat entier, toutes tendances politiques confondues. Émotion et larmes étaient visibles, et à la fin du discours, toute la Chambre s’est levée, en ovation. La vidéo du Sénat a été diffusée viralement dans tous les médiaux sociaux et à la une des journaux. Au célèbre stade de foot de Buenos Aires : el River Plate, il reçut des hommages par les autorités du club et les joueurs. Il a vraiment bouleversé le peuple argentin par son témoignage à l’unanimité, construisant finalement par cela, cette union qu’il a tant cherché et désiré pour l’Argentine.

Voici la traduction du discours prononcé :

« Depuis que je suis entré en politique, il y a presque 20 ans, j’ai toujours essayé d’être fidèle à moi-même. Ne pas me mentir, faire ce qui me semblait juste, même si ce n’était pas ce qui m’arrangeait. Aujourd’hui, dans cette salle dont j’ai l’honneur de faire partie, je viens faire quelque chose qui va à l’encontre de toutes les fibres de mon corps. Rien de ce que je suis me montre que c’est le chemin que je veux suivre, mais je crois fermement à l’idée que l’intérêt public doit toujours, toujours, passer avant les intérêts personnels. La réalité m’impose cette décision et la SLA (sclérose latérale amyotrophique) m’a appris, fondamentalement, à accepter la réalité.

Je suis assis dans cette salle avec une profonde humilité, et en même temps une énorme fierté. Humilité pour faire partie de cet organe, tellement plus grand que nous tous, et fierté parce que faire partie du Sénat, c’est participer au débat où vivent notre démocratie, notre liberté et notre tentative constante de construire un pays meilleur.

Avec toute la douleur du monde et la frustration de n’avoir aucune alternative, je voudrais annoncer ma démission en tant que sénateur national de la province de Buenos Aires. Faire partie du Sénat de la Nation a été l’un des plus grands, des plus inattendus et des plus stimulants honneurs de ma vie politique, et de ma vie en général. J’ai trouvé ici un groupe de personnes engagées dans leur province et dans leur pays, et j’ai pu apporter ma contribution à la réalisation de ce que je continuerai à rechercher : un meilleur pays pour mes enfants. Tout ce que je dis aujourd’hui est sans attache de parti et je vous demande de le prendre comme venant d’un simple citoyen.

 

 

Je démissionne de mon siège avec une grande tristesse et ma dernière action législative est un projet de loi sur l’éducation inclusive qui cherche à égaliser les chances et qui, comme tout ce que j’ai fait jusqu’à présent dans ma vie politique, essaie de mettre de côté l’égoïsme et la vanité pour rechercher un consensus. Et ce projet de loi a été accepté sur la base de trois projets de loi originaux et avec la contribution de sénateurs de tous les blocs, qui ont mis de côté leurs intérêts personnels et leurs visions partisanes pour trouver un projet commun. Cela m’est arrivé d’innombrables fois au cours des vingt dernières années. Croyez-moi, il y a beaucoup plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent ; il suffit de surmonter les préjugés, nous taire et nous écouter les uns les autres. Ce projet n’appartient à personne, il appartient à tout le monde. Car en politique, les bonnes idées n’ont pas de propriétaires, elles ont des bénéficiaires. Je le répète, les bonnes idées n’ont pas de propriétaires, elles ont des bénéficiaires. Et parce que, comme le disait Borges : « personne n’est la patrie, mais nous le sommes tous ».

Bien qu’il ne m’appartienne pas de le demander, j’aimerais que l’on se rappelle de ma recherche constante du consensus par le dialogue depuis que je suis dans cet organe. Le dialogue compris comme un comportement actif, une disponibilité et une curiosité généreuse dans lequel les participants sont prêts á écouter la personne qui est en face d’eux. C’est, pour moi, la valeur la plus importante et en même temps la plus rare de la politique argentine : la possibilité de comprendre que les adversaires ne sont jamais des ennemis et qu’ils représentent une partie des Argentins dont les valeurs, les intérêts et les désirs sont aussi importants à accueillir que ceux des autres, et qu’il est possible de dialoguer, de négocier et de se mettre d’accord sans reléguer ce que l’on est et ce que l’on défend.

Le dialogue ne peut pas être uniquement une question de tactique, de persuasion et de rivalité. La logique transactionnelle dans laquelle la négociation n’est qu’un calcul comptable nous vide de sens et fait de nous de simples marchands politiques qui cessent de regarder le bien commun. Le dialogue, la recherche de la raison entre deux, doit être un acte de générosité, d’amour et de charité chrétienne, comprenant que la vérité et la justice sont des valeurs à trouver, et non la propriété d’une des parties.

Ce manque de dialogue transcende ces murs, nous vivons dans un pays focalisé sur la division et le débat violent, un pays dans lequel les bonnes personnes fuient la politique, la méprisent et la condamnent. Un pays dans lequel les gens se replient sur leur vie privée, abandonnant le rêve de participer à la construction d’une Argentine meilleure. Un pays dans lequel nous poussons les gens à ne pas exercer ce qui est le rôle le plus élevé dans une démocratie : le rôle de citoyen.

Je sais que ces mots peuvent sembler être ceux d’un rêveur. Je le suis. Mais comme dans cette chanson qui nous invitait à imaginer, je sais aussi que je ne suis pas le seul. Je pars avec la certitude qu’il y a ici de nombreux dirigeants qui ont la vocation de construire un meilleur pays et de résoudre les problèmes des gens. Ayez le courage de l’exercer, donnez corps au mandat du peuple, profitez du fait que Dieu vous donne la voix et la force de l’exécuter, et ayez le courage de ne faire que ce que vous savez être juste.

 

 

Notre pays crie pour un consensus. Les chiffres de la pauvreté, le manque de développement, les jeunes qui quittent le pays, la catastrophe éducative et l’ajournement continu et prolongé de nos rêves, produits par une stagnation dont nous, les politiciens, et non les Argentins, sommes responsables, nous obligent à gouverner différemment. Nous avons tous été coupables de gouverner avec des bouchons dans les oreilles, nous tous, nous aussi. Il n’y a plus une minute á perdre.

Il n’y a plus une minute pour que nous jouions à être en désaccord. Nous devons dialoguer et écouter, avec un cœur et un esprit ouverts, et trouver des points d’équilibre sur lesquels construire les fondations du pays que nous voulons être. Peut-être que de cette façon, nous pourrons éviter le désastre. Lundi dernier, lorsque j’ai présenté une proposition pour commencer à résoudre les problèmes de ma province, j’ai dit que s’attaquer à ces problèmes structurels est toujours une aventure. Une aventure parce que regarder les problèmes en face, avec sincérité et en étant ouvert à tout ce que le miroir vous renvoie, exige de l’audace. Cela exige d’accepter de mettre en œuvre ce qui ressort de cette recherche, de ce dialogue, de ce débat. Cela exige aussi de s’asseoir à la table, sans penser à ce que je vais emporter en me levant, mais à ce que je vais laisser sur la table pour parvenir à un accord, surtout nous, les dirigeants politiques. Je le répète, nous spécialement, devons réfléchir à ce que nous voulons laisser sur la table. Nous en premier. Nous plus que quiconque.

Il n’existe aucun problème argentin que nous, Argentins, ne puissions résoudre si nous nous y attelons. Mais si nous nous en tenons à l’égoïsme, à la petitesse d’esprit, à la tactique et à la spéculation, nous nous égarerons. Einstein a dit que si vous voulez des résultats différents, ne faites pas toujours la même chose. Nous avons déjà essayé avec la division et nous en sommes là, cette Argentine que nous avons est le résultat de notre incapacité à trouver des solutions communes à ces problèmes.

Se tromper de chemin est impardonnable, non seulement parce que désormais personne ne peut plus attendre, mais aussi parce que nous regardons l’Argentine et nous voyons un pays extraordinaire. Nous voyons de l’enthousiasme, nous voyons du courage, nous voyons le désir de faire avancer un pays si tourmenté. Nous voyons des entrepreneurs, des étudiants et des travailleurs qui continuent à parier sur cette merveilleuse terre que nous aimons, même si cela est exigeant. À toutes ces personnes, nous n’avons pas le droit de faire défaut.

Comme vous le verrez, j’abandonne les honneurs, mais pas la lutte, qui est mon appui. Je continuerai à travailler pour un pays meilleur, car c’est l’engagement que j’ai pris pour mes enfants il y a 20 ans, et c’est un engagement de toute une vie. Je partagerai le temps qui me reste entre ma famille, qui mérite ma présence après tant d’années passées à me partager avec vous, et la lutte contre la SLA. Cette maladie, parce qu’elle est rare, est insuffisamment étudiée et traitée, et il y a tant à faire. Ma fondation, récemment lancée, va dans ce sens. Je veux apporter ma contribution, comme l’ont fait mes grands-parents dans la lutte contre la fièvre hémorragique d’Argentine, afin que la SLA devienne une maladie plus facilement supportable et que nous puissions nous engager sur la voie de la guérison.

Enfin, je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à ce chemin.

Tout d’abord à Dieu pour cette croix, il ne nous soumet jamais à des épreuves que nous ne pouvons pas surmonter. Et même si parfois le ciseau du sculpteur fait mal, je sais que c’est seulement si nous nous laissons modeler par Lui que nous atteignons notre meilleure version. Cette croix m’a permis de recevoir quotidiennement des signes infinis d’affection et d’amour. Cette croix m’a appris que la vie c’est aujourd’hui et demain, demain c’est l’espoir.

 

Soutien de sa femme María Eugenia au Sénat

 

À ma femme, María Eugenia, avec qui nous avons fêté il y a quelques jours 22 ans de mariage et sans qui rien de ce que j’ai fait n’aurait été possible. María Eugenia est une sainte et est à la fois ma connexion avec le ciel et mon câble avec la terre. À mes enfants, dont la croissance est la plus grande joie de ma vie et qui ont toléré avec générosité et amour un père qui travaillait beaucoup plus qu’ils ne l’auraient préféré.

À mon équipe qui a travaillé sans relâche, jour après jour, pour couvrir mes faiblesses et mes erreurs, qui ont franchement augmenté au cours des derniers mois. Aucun législateur n’aurait pu souhaiter un meilleur accompagnement.

À deux sénateurs qui ont été un exemple de ce dialogue sans trahir sa propre essence. Churchill disait que le courage était la plus importante des qualités humaines, car c’est celle qui garantit toutes les autres. Mon ami le sénateur Federico Pinedo et le sénateur Miguel Pichetto ont, selon moi, fait preuve, mieux que quiconque, de cette qualité humaine dans leur fonction. Et ils ont été mes guides au cours des premiers mois au Sénat.

À mon bloc, comme je vous l’ai dit cette semaine, je vous remercie pour l’affection, les conseils et le soutien que vous m’avez apportés, surtout ces derniers mois. Vous m’avez aidé à arriver jusqu’ici et je suis vraiment désolé de vous laisser dans ce qui est à venir, mais j’espère pouvoir continuer à contribuer par une autre forme à l’énorme tâche qui vous attend.

Au sénateur José Mayans pour son accompagnement spirituel.

À notre secrétaire parlementaire María Luz Alonso, Luchi, qui a toujours été attentive à mes nouveaux besoins.

À vous tous, merci de m’offrir l’espace pour dire ces mots. Je pars honoré par le soutien et l’appui que vous m’avez apportés pendant tous ces mois. Il est très important pour moi de savoir que, malgré les différences et les querelles, le désir latent de construire une Argentine prospère, durable, florissante et inclusive vibre en chacun de vous. Aujourd’hui, je fais ce pas avec tristesse, mais aussi en sachant que si vous continuez de vous parler et de construire des ponts, si vous êtes honnêtes avec les autres, mais surtout avec vous-mêmes, vous trouverez le chemin dont l’aveuglement et l’égoïsme nous ont éloignés dernièrement. Ce sera dorénavant sans moi, mais sachez que même si je ne suis pas là, je serai là. Que la protection de Dieu, source de toute raison et de toute justice, vous éclaire, vous et tous les hommes et femmes du monde qui souhaitent habiter le sol argentin.

Merci beaucoup et au revoir » .

 

Vidéo du discours au Sénat le 9 décembre 2021

 

Video de l’interview de CNN español le 29 mai 2021

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