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Nicaragua et le bienheureux Stepinac

Le 9 février, plus de 200 prisonniers politiques du Nicaragua sont expatriés de force vers les États-Unis : une amère liberté car leur qualité de citoyens nicaraguayens leur a aussi été retirée. Cette nouvelle est d’autant plus percutante qu’elle est assortie du refus de Monseigneur Rolando Alvarez, évêque au Nicaragua, de quitter son pays. Passé d’une détention à domicile au secteur isolé nommé le « petit enfer » de la grande prison de la capitale du pays, il explique son geste en disant « je paierai pour eux ».

 

Monseigneur Rolando Alvarez

 

Ces événements douloureux coïncident avec la date à laquelle nous faisons mémoire de l’homme qui fut à la tête de l’Église catholique en Croatie de 1934 à sa mort en février 1960.

En effet, février nous rend particulièrement présente la figure immense et sobre du cardinal Aloysius Viktor Stepinac. Il a le mérite d’avoir dirigé et inspiré les catholiques à partir de 1945, année où le régime communiste fut imposé à sa nation sous les ordres du maréchal Tito, chef d’État de la Yougoslavie d’alors, à laquelle la Croatie est annexée.

Tito le persécuta et harcela judiciairement pour tenter de le faire taire. À cette époque, il était le plus jeune archevêque du monde, se distinguant comme défenseur des droits de ses compatriotes, sans distinction. Sa voix fut toujours entendue, forte et puissante, contre l’injustice.

Mais Tito voulait contrôler le peuple croate qui avait une foi profonde. La foi profonde est toujours un important problème pour les tyrans qui préfèrent la soumission totale. L’un et l’autre se repoussent comme des pôles opposés. Il lui vint à l’esprit de proposer à Stepinac ce que le pratique actuellement au quotidien le régime chinois : essayer d’attirer les religieux dans une église inventée et contrôlée par les communistes, en leur offrant garanties, avantages et privilèges.

Le jeune prélat refusa catégoriquement et sans concession. Sa réponse courageuse est célèbre : « Je sais quel est mon devoir. Avec la grâce de Dieu, je l’accomplirai jusqu’au bout, sans haïr personne, mais aussi sans craindre personne ». Cela lui vaut d’être torturé et enfermé dans un camp de concentration. Sa mère est harcelée et son frère subit le même sort. Les autorités communistes l’accusent d’être un collaborateur des nazis et le soumettent à un procès controversé, avec des lois spécialement créées pour son procès, comme le faisaient eux-mêmes les nazis.

 

Cardinal Stepinac

 

L’injustice ne paie pas

Bien que la presse mondiale ait condamné ces événements, le régime, loin de s’émouvoir, le condamne à 16 ans de travaux forcés et à une mort lente et douloureuse. Des appareils à rayons X sont installés à côté de sa cellule pour l’irradier chaque nuit et l’affaiblir jusqu’à ce qu’il meure dans d’atroces souffrances.

Le régime a ainsi violé toutes sortes de droits, y compris la liberté de religion. Aujourd’hui, ce régime a pris fin et en Croatie, le communisme est un passé dont personne ne veut se souvenir, et, selon le dernier recensement, 86,3 % de la population du pays se déclare catholique.

Le régime communiste a coulé, englouti par une mer de sang, ce sang innocent qu’il avait lui-même versé. La fierté d’être catholique qu’affichent aujourd’hui les Croates est très liée à la foi inébranlable et au sacrifice de la vie de l’archevêque Stepinac : sa vie offerte a porté du fruit.

En 1998, Stepinac a été proclamé bienheureux de l’Église catholique par le pape Jean-Paul II, qui a lui-même connu personnellement la nuit noire imposée par le communisme à ceux qui le critiquent, à ses dissidents ainsi qu’à leurs familles. Ce modèle barbare se renouvelle actuellement à Cuba et au Nicaragua,.

Le ferment du martyr

Nous avons toujours entendu dire que l’esprit se fortifie dans la persécution et que le sang des martyrs irrigue le sol, tel un engrais puissant, produisant de nouvelles vocations et davantage d’âmes chrétiennes dont la foi est plus forte encore. C’est ce qui semble se produire en Afrique et en Asie. Si l’on considère le risque énorme qu’il y a à embrasser le christianisme et à rester fidèle dans ces pays, il paraît évident que de telles situations périlleuses sont semence de nouveaux chrétiens.

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« Je vais payer pour eux »

Le jour où, précisément, le monde catholique se souvient de l’archevêque Stepinac, deux nouvelles paraissent, nous donnant une idée de l’état de la liberté religieuse dans ces régions : l’une d’elles vient du Nicaragua, où le régime Ortega annonce la libération de 222 prisonniers politiques mais, avant même que nous ayons pu accueillir cette nouvelle, source de soulagement et d’une joie toute humaine, arrive l’annonce de leur exil : ils sont apatrides, spoliation plus grande encore.

En fait, avant même que le coq ne chante, les personnes libérées ont été mises dans un vol charter à destination des États-Unis. Non seulement elles sont expulsées du pays, mais elles ont également été dépossédées de leur nationalité. Des prêtres et des séminaristes figurent parmi les personnes expulsées. Ils sont déclarés « traîtres à la patrie » et voient leurs « droits de citoyenneté suspendus à vie ». En d’autres termes, ils sont des « morts civils », méthode largement utilisée par ces régimes pour se venger des opposants. Le but est de les écarter de l’échiquier politique.

On a appris – et cela a été confirmé par les autorités – que Monseigneur Rolando Álvarez, évêque du diocèse de Matagalpa et administrateur apostolique du diocèse d’Estelí, a refusé de faire partie du groupe de personnes bannies, ce qui lui a valu d’être emprisonné dans la prison La Modelo de Tipitapa (quelques heures plus tard, sa condamnation à 26 ans de prison a également été confirmée).

 

Monseigneur Rolando Alvarez

 

Cette attitude, accompagnée de la phrase « Je paierai pour eux » , a notoirement mis en colère le dictateur Ortega, qui l’a fait sortir de la maison où il était assigné à résidence et l’a enfermé dans la prison citée plus haut. Deux prêtres, Manuel García et José Urbina, du clergé du diocèse de Grenade, sont également toujours en détention.

Auparavant, la justice nicaraguayenne avait annoncé la condamnation à 10 ans de prison de quatre prêtres, deux séminaristes et un laïc du diocèse de Matagalpa, accusés de conspiration et de diffusion de fausses nouvelles.

Les prêtres condamnés sont Ramiro Tijerino, José Díaz, Sadiel Eugarrios ; le diacre Raúl Vega ; et les séminaristes Darvin Mendoza et Melkin Centeno, ainsi que le cameraman Sergio Cardenas. La semaine dernière, le prêtre Oscar Benavidez a également été condamné à 10 ans de prison pour les mêmes chefs d’accusation (il est désormais exilé aux États-Unis).

[…]

En ce moment, un épais nuage noir recouvre le Nicaragua, mais les paroles de Mgr Alvarez rappellent non seulement celles du jeune archevêque Stepinac de Croatie, mais aussi le geste héroïque de Maximilien Kolbe – sous le poids du même joug militaire, qu’il soit appelé soviétique ou nazi –  qui donna sa vie à la place d’un père de famille qui allait être fusillé, mourant de faim dans le camp de concentration polonais d’Auschwitz. Ce geste de Monseigneur Rolando Alvarez ouvre le ciel à la clarté d’un avenir de justice et de liberté.

 

Extraits d’un article publié par Macky Arenas sur Aleteia le 12/02/2023. Traduit de l’espagnol par CM

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