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Une exposition de roses dans l’ancienne DDR

Dans le cadre d’un double jubilé, à savoir les 120 ans du Rosarium et les 900 ans de l’Église St Ulrici à Sangerhausen (Allemagne, ancienne DDR), l’artiste peintre Inge H. Schmidt a été invitée dans sa ville natale pour une exposition sur le thème de la rose : « Le sang du rossignol. Un hommage à la rose ». Dans un lieu qui a été le théâtre de tant de souffrance, attardons-nous sur ces œuvres qui incarnent une réponse belle et gratuite de la part de l’artiste.

La passion pour la peinture saisit l’artiste dès son plus jeune âge. Déjà enfant, Inge H. Schmidt passe son temps à dessiner, de sorte que son père amène la fillette de 6 ans chez un peintre de renommée afin qu’il lui donne des cours. Celui-ci reconnaît d’emblée le talent de l’enfant et lui offre une place de formation au milieu des adultes. Après des études de pédagogies et d’histoire de l’art, Inge H. Schmidt étudie la peinture à la Kunsthochschule de Halle. En 1984, elle quitte l’ancienne DDR et s’installe à Berlin ouest. Là, elle étudie la peinture à la Hochschule der Künste de Berlin. Peintre et voyageuse passionnée, elle a parcouru l’Asie (le Tadjikistan, la Sibérie, …) à la rencontre de personnes appartenant à des minorités ethniques. Elle dit être touchée par ces personnes vivant souvent dans des conditions pauvres, marquées par des vies difficiles, dont les visages sont une source d’inspiration illimitée. « J’ai tant à apprendre de ces personnes. »

Mais si Inge H. Schmidt aime à peindre des visages, il n’en demeure pas moins que son désir de toujours est d’exposer dans sa ville natale des tableaux représentant des roses !

Le titre de l’exposition vient d’un poème perse qui, comme beaucoup d’autres, célèbre la rose dans sa beauté divine. « Le conte d’Oscar Wilde « La rose et le rossignol » m’a aussi beaucoup touchée et m’a inspiré ce titre et certaines œuvres de l’exposition ».

L’exposition est en fait double : des œuvres de l’artiste peintre sont exposées parallèlement à l’Église St Ulrici, ainsi que dans une salle située au milieu des parterres du Rosarium, la plus grande collection de roses au monde. « Moi aussi, j’aime et j’adule la rose, et ce depuis mon enfance. A l’occasion de ces deux jubilés, l’un de mes plus grands désirs artistiques se réalise, à savoir celui d’exposer des tableaux de roses dans ma ville natale de Sangerhausen, avec laquelle je suis très liée. » L’exposition est d’autant plus belle lorsque l’on sait la souffrance liée à cette ville, située dans l’ancienne DDR. Un lieu qui a donc aussi été le théâtre de bafouage de la liberté : en effet, sous le régime communiste, de nombreux artistes désireux de rester fidèles à leur art ont été persécutés, emprisonnés,… par la Stasi. Afin de pouvoir poursuivre son activité artistique librement, Inge H. Schmidt a été contrainte de quitter l’ancienne DDR en 1984. Ainsi, la réponse qu’elle donne, une exposition de roses, reflète non seulement une grande gratuité, mais aussi une compassion, une recherche de répondre à la souffrance et à l’injustice par de la beauté…

 

Rote Rose, 95 x 130 cm / Mischtechnik auf Japanpapier und Leinwand / 2022

 

Für Dich soll’s rote Rosen regnen, 66 x 48 cm / Mischtechnik auf Papier / 2022

 

« La représentation de la  beauté, l’élégance et la perfection de cette fleur, sans tomber dans le kitch, fut un grand défi artistique, que j’ai relevé avec beaucoup de passion » . Le peintre offre une interprétation toute personnelle de cette fleur, utilisant une technique mixte d’encre antique et de collage sur papier. Elle qualifie ses œuvres de presque « brutales ». Il est vrai qu’une certaine violence émane des tableaux, tous très colorés, flamboyants, mouvementés. Et pourtant, Inge H. Schmidt utilise des matériaux fragiles pour réaliser ses œuvres. Elle explique en effet que pour peindre, il faut faire vite, car le papier risque de se déchirer…

 

Rosenhecke im Licht, 50 x 65 cm / Mischtechnik auf Papier und Leinwand / 2018-2023

 

Certaines œuvres ont été réalisées sur plusieurs années. Interrogée à ce sujet, l’artiste répond que parfois, une œuvre a besoin de murir. Elle prend en exemple le tableau intitulé « Roses de sang », exposé dans l’Église St Ulrici. « J’étais en train de travailler sur ce tableau, sans parvenir réellement à un résultat satisfaisant. Ce jour-là, précisément, la guerre en Ukraine a été déclarée. En apprenant cela, je me suis dit : « Il y a la guerre, et moi, je suis en train de peindre des roses ! Alors, j’ai peint un  visage de femme avec une expression très sombre. Et je me suis dit : « C’est ça, c’est exactement ça ! » ».

 

Blutrosen, 67 x 48 cm / Mischtechnik auf Papier / 2020 u. 2022