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Film : « I wish » de Hirokazu Kore-Eda

de Suzanne Anel   20 juillet 2013
Temps de lecture 3 mn

Au Japon, deux frères, Koishi et Ryu rêvent de se retrouver et de rapprocher leurs parents désunis. Pour cela, il ne leur faudrait rien de moins qu’un miracle ! Quelques années après Nobody Knows, le talentueux réalisateur japonais Kore-Eda (récemment primé avec le Prix du Jury à Cannes pour Tel père, tel fils) nous fait à nouveau entrer dans la grâce de l’enfance avec I wish, sorti en 2011.


CC BY-SA Tonio Vega

Les adultes sont là certes, mais tels que les voient les enfants : des personnes qui se déchirent, des personnes qui s’enferment trop souvent dans une passion, dans des problèmes ne sachant plus voir la beauté et la simplicité du monde qui les entoure… Que ce soient les gâteaux de riz, les danses hawaïennes ou le rock, chacun cache la réalité derrière une activité quelconque, une place qui lui permet d’exister en groupe.

Les enfants ne limitent pas leur monde, tout dans ce film nous montre leur ouverture joyeuse à l’avenir. I wish : les souhaits sont encore permis, rêve de gloire comme joueur de baseball professionnel mais plus encore espoir bien concret de retrouver une famille unie, de retrouver le frère aimé qui a dû partir si loin. Ils savent non seulement que les rêves sont permis, mais plus encore que les miracles sont possibles.

Kore-Eda nous montre cette vie des enfants avec une délicatesse remarquable. Comme dans ces plans magnifiques où le plus jeune des deux frères mesure attentivement du bout des doigts le plan de tomate qui grandit, ou bien où la main du professeur se pose fermement sur l’épaule de l’aîné. Le film est constellé de scènes de courses effrénées, de jeux, de rire, de mouvement.

Le réalisateur s’émerveille de la grâce des enfants qui prennent tout avec simplicité et répondent avec enthousiasme à ce qu’ils reconnaissent comme bon, même s’il s’agit d’une équipée secrète en train qui devrait permettre à leurs vœux d’être exaucés.

Le réalisateur : partir d’une question – montrer l’invisible
La source d’un film est toujours un questionnement, nous dit Kore-Eda. Étonnement semblable à celui de Koichy au début du film qui s’étonne que bien des personnes vivent sur les flans d’un volcan qui menace d’éruption, étonnement qui le conduira à imaginer le miracle d’une éruption qui obligerait ses parents à se rapprocher. « C’est probablement le doute, le questionnement [qui est à l’origine de mes films]. Comprendre ce que je ne comprends pas, peu importe le sujet. Cela peut concerner un fait divers réel et l’état d’esprit des personnes impliquées, ou le fonctionnement cérébral humain relatif à la "mémoire". Tout m’intéresse.[1] »

Le challenge du cinéaste, c’est de montrer toute une vie en quelques plans, nous laisser vivre à ce point la tristesse et la joie, la vie de ces enfants pour nous permettre avec eux de croire et de désirer le miracle. « Dans le temps présent, vous voyez ce qui est là, mais vous savez que ces murs parlent aussi du temps passé. Ils ont vu d'autres choses. Filmer, ce n'est pas seulement filmer ce qui est visible, c'est aussi essayer de montrer, d'évoquer l'invisible. C'est ça qui fait le temps du cinéma. Il est différent de celui que nous partageons en ce moment ; c'est un temps fait d'éléments invisibles, qu'on tente de rendre visibles à l'écran. Nous sommes tous la somme de l'instant présent et de l'accumulation des événements passés.[2] »

Le film d’un père
Ce n’est pas le premier film de Kore-Eda  sur les enfants, mais c’est le premier film d’un père, et c’est comme père qu’il a voulu regarder ces deux jeunes comédiens. Les laisser être, les laisser jouer, certain qu’ils sauraient trouver l’attitude juste. L’attitude du jeu inhérente à l’enfant. « La raison principale pour laquelle j’ai voulu me pencher à nouveau sur l’enfance, c’est qu’entre temps je suis devenu père. J’ai eu envie de retourner dans ce monde avec un point de vue différent. Alors que Nobody Knows était tourné à travers le regard des enfants, là j’avais un regard de père et j’avais envie de voir ce que ça donnerait.[3] »

Un film plein de vie – deux enfants, deux acteurs
Kore-Eda reconnaît que ce film ressemble peu à ses autres œuvres parce qu’il a suivi ses jeunes acteurs. Déjà c’est la rencontre avec eux qui l’a conduit à raconter l’histoire de deux jeunes frères et non d’un jeune couple comme ça devait être le cas. « Les choses ont changé lorsque j'ai rencontré Koki et Oshirô Maeda, les deux interprètes du film. Ils sont frères dans la vie comme dans le film. En les voyant débarquer ensemble à l'audition, j'ai été séduit par leur complicité. J'ai alors imaginé l'histoire de ces deux frères dont les parents sont divorcés, et qui vivent séparément. [4] »

« Je reconnais que ce film est plein de vie, mais c’est la vie qu’ont apporté tous ces personnages, les acteurs, les enfants qui étaient pleins de vie. I Wish est presque plus devenu leur film. Les deux frères sont tellement pleins de vitalité qu’ils ont entraîné le film vers ce feu d’artifice. Il leur ressemble peut-être plus qu’à moi ![5] »

« Je me réclame plus d'Hiroshi Shimizu. C'était lui le spécialiste des enfants au cinéma. La légende dit qu'il s'amusait d'abord avec ses interprètes puis se retirait du cadre pour les filmer dans la continuité. Sa mise en scène était envisagée comme un jeu. Je m'inspire librement de son style. [6] »

« J'ai choisi le monde ! »
« Vers la fin du film, au moment de leur séparation, le plus petit des frères demande à son aîné : "Pourquoi tu n'as pas dit ton voeu ?" Il lui répond : "Plutôt que la famille, j'ai choisi le monde !" J'aime le mystère contenu dans cette réponse. "Le monde" a différents sens selon les protagonistes. Pour l'aîné, c'est le territoire autour de la famille. Le petit, lui, ne sait pas trop quoi faire de ce mot dont il ne comprend pas bien le sens et l'interprète à sa façon.[7] »


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