Le 18 mai dernier, les Suisses se sont à nouveau déplacés dans leur bureau de vote afin de se prononcer sur la mise en place d’un salaire minimum de 4 000 francs bruts. Résultat : ils ont dit NON à 76,30 %. What else ?
CC BY-SA Davide "Dodo" Oliva
En novembre dernier, ils s’étaient déjà fait remarquer en disant NON à six semaines de vacances (au lieu de quatre par an). On pourrait définir le travail en Suisse par ce slogan : « Ici tu gagnes, mais surtout tu travailles ». Je ne peux m’empêcher de penser à Astérix en pensant à nos voisins suisses, avec sa célèbre phrase : « Ils sont fous ces Romains, ils sont fous ». Non, ils ne sont pas fous mais pragmatiques ! Encore une fois, la Suisse se démarque et n’est décidément pas un pays comme les autres.
Durant ce week-end de mai, les médias français relayaient volontiers l’information de ce vote en insistant bien sur le montant du salaire minimum : 4 000 francs bruts (soit 3 300 euros environ). Au risque de narguer la majorité des Français se plaignant d’un SMIC pas assez élevé pour vivre dignement… Malheureusement, ils se sont bien retenus de donner le résultat : 76,3 % des Suisses ont dit NON au salaire minimum. On pourra toujours reprocher ou envier à la Suisse d’être un pays neutre mais on pourra aussi en tirer certaines leçons d’une démocratie qui sait être animée de bon sens. Il est incontestable que les Suisses préfèrent travailler plus en se garantissant un emploi plutôt que gagner plus sans garantie juridique.
Cette initiative syndicale prévoyait la protection des employés à bas revenus en leur garantissant le minimum vital pour vivre dignement. L’initiative était tout à fait louable en théorie mais pas assez réaliste en pratique. « Symboliquement important mais pas possible dans la réalité » assume Pierluigi Fedele, membre du comité de direction de l’UNIA suisse.
En effet, le Conseil fédéral et la droite y voyaient un danger pour l’emploi. Les jeunes travailleurs et les moins qualifiés auraient été les premiers à pâtir de cette loi. Ceux que les syndicats pensaient servir allaient finalement être desservis. Certains parlaient même du « salaire de la peur ». Le salaire minimum aurait entrainé une modification du temps de travail voire pire, des licenciements car les patrons n’auraient pas pu suivre. « Au contraire d’ouvrir à l’emploi, ça aurait fermé des portes », selon la Conseil fédéral.
Il est très intéressant de noter à quel point certains patrons et syndicats ont avancé ensemble, non plus vers une défense des intérêts de chacun mais bien dans un pragmatisme qui met l’emploi suisse au centre du débat. Le sujet peut encore évoluer car des arrangements internes ont déjà vu le jour entre patrons et syndicats qui pourront s’accorder sur les salaires dans le cadre d’une convention collective.
Bref, ce qui paraît être « folie » pour les Français est « sagesse » pour les Suisses. Ne dit-on pas qu’il faut de tout pour faire un monde ?
Adélaïde Minguet
Il ne me semble pas inutile de préciser que 3300 euros (4000 frs suisses, donc) n’ont pas la même valeur en Suisse et en France. Si certains produits comme l’essence coûtent à peu prés pareil, les prix du logement et des produits de consommation courante sont nettement plus élevés en Suisse.
Merci aux Suisses pour cette nouvelle leçon de démocratie. Les seuls pays européens qui s’en sortent sont les trois qui ne font partie ni l’Union Européenne, ni de l’euro : l’Islande, la Norvège et la Suisse.
En 1980, 1 personne sur 10 était au smic en France, aujourd’hui c’est 1 personne sur 6. Le smic freine la progression des salaires. De plus le smic détruit des quantités de « petits boulots » dans le privé, l’agriculture, et surtout pour les start-up. Le smic est aussi la cause d’innombrables délocalisations, pertes d’emploi et donc paupérisation. L’ISF, le smic, les 35h, sont des auto-goal au niveau social. Le système de démocratie directe protège les suisses de cette démagogie, car commme il s’agit d’argent, il suffit de savoir compter pour sortir des idéologies…
Bien d’accord avec Alain et Gerhard, pour féliciter les Suisses et leur pragmatisme. Nous voyons là un des grands bienfaits de la démocratie directe. On se demande d’ailleurs comment une démocratie authentique pourrait être autre chose que directe. En France peut-on vraiment parler de démocratie? Ce serait plutôt une lobbycratie (ploutocratie) ou le règne des idéologies. Et le principe même de ce système c’est de chercher à toujours innover, car l’innovation est ce qui a le plus de chance de frapper les esprits, et si c’est une innovation démagogique elle a le plus de chance d’emporter l’adhésion du troupeau. On promet à tous un smic élevé, et tous se disent qu’ils auront plus de vacances, une plus grosse voiture, un plus gros réfrigérateur, etc. et hop! le tour est joué, vive la lobbycratie. Le lobby qui a été le plus rapide et le plus malin pour proposer son petit projet de loi au bon moment est celui qui prend le pouvoir. Et hop! c’est notre démocratie! Qu’importe si l’Etat se ruine, il est divin, il s’en sortira bien! Qu’importe si les patrons râlent, ce sont de sales réactionnaires capitalistes, qu’ils crèvent! Et vive la démocratie!
Je vous pose une question: n’avez-vous pas honte parfois de vivre dans un tel système politique? Ne vous arrive-t-il pas de ressentir une certaine culpabilité?