Home > Spiritualité > La mission de Saint Jean

Le théologien Hans Urs von Balthasar (1905-1988) a médité sa vie durant sur la figure du disciple que Jésus aimait. La fête de l'Evangéliste est l'occasion de revenir sur la particularité de sa mission au sein de l'Eglise.

 

Si être chrétien consiste à mettre son existence sous l’influence formatrice de Marie, c’est donc qu’une place très privilégiée revient à celui qui reçut de Jésus la mission de « recevoir Marie chez lui ». Hans Urs von Balthasar fait à ce sujet une audacieuse analogie entre Pierre et Jean. De même qu’en raison de l’importance de sa mission (« affermis la foi de tes frères »« pais mes brebis ») la figure de Pierre ne peut rester sans successeurs dans l’histoire de l’Eglise, la figure de Jean elle aussi, dit-il, « ne peut à aucun prix demeurer vide et sans successeur »[1].

En quoi consiste donc la mission de Saint Jean et pourquoi est-elle si importante ? Il est, nous dit Balthasar, celui qui se tient au pied de la Croix à la place de Saint Pierre, et qui y reçoit en son nom le testament de Jésus : le sang, l’eau et la Mère. « Cette place, écrit Balthasar, est occupée surtout par les saints qui ont une mission non officielle et dont l'authenticité se manifeste par les relations qu'ils nouent entre l'Eglise mariale et Pierre, continuant à dire oui à l'une comme à l'autre, même s'ils semblent par là relégués hors de tout lieu. »[2]

Ce qui permet à Jean de continuer à suivre quand Pierre se détourne et renie, c’est qu’il ne se définit ni par ses capacités humaines, ni par son rôle dans le cortège apostolique, mais par sa relation au Seigneur : il est « le disciple que Jésus aimait ». Saint Jean, c’est la gratuité de l’amour et de la contemplation, une gratuité qui ne s’oppose pas au ministère, mais qui au contraire le sert et vient à son secours : animé d’un amour filial envers Marie et d’une « sollicitude quasi-maternelle » à l’égard de Pierre et de ses successeurs, Jean assure en sa chair l’unité de l’Eglise, en permettant que le ministère ne se sépare pas de l’amour.

De ce fait, il est lui-même déchiré entre la vision de l’Immaculée d’une part et l’infidélité de Pierre de l’autre, et se tient comme en son lieu propre dans le lieu le plus douloureux, à l’endroit de la plaie qui s’ouvre dans le corps du Christ et qui sans cesse menace de le diviser [3]. La mission de Jean et de ses successeurs est celle de demeurer, avec Marie et tout proche d’elle, au pied de la Croix.

 

Extrait d'un article paru sur Terre de compassion. Version complète: Hans Urs von Balthasar, un théologien à la manière de Saint Jean, par Paul Anel, le 24/09/2013.

 

 


[1] Balthasar, Le complexe anti-romain, p. 255

[2] ibid.

[3] « Au sein de la charge pastorale, la différence qui existe entre les "mercenaires" (qui sont le grand nombre) et les vrais pasteurs qui sont "fils", produit dans l'organisme de l'Eglise comme une déchirure constitutive, souffrance dont témoigne sans cesse les "gemitus colombae" et plus profondément le Seigneur crucifié. » ibid., p. 207

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