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La grande messe en ut mineur est un des chefs-d’œuvre de Mozart, elle unit la dimension nuptiale de l’incarnation et le mystère de l’Enfant-Dieu.

 

© Natalka Sazyk, The Nativity of Christ, 2007

 

Cette composition n’est pas une œuvre de commande. Mozart compose cette messe pour sa fiancée Constance. Il a fait la promesse au Seigneur de composer cette messe si Constance guérissait. Après la guérison et les noces en 1782, Mozart se rend à Salzbourg pour présenter sa femme à son père et avant de repartir pour Vienne, il dirige cette « grande-messe » chantée par sa femme qui interprète le célèbre « incarnatus est », ce sera l’unique représentation de cette messe du vivant de Mozart car il ne termine pas la composition. Ce qu’il a déjà composé excède déjà la durée permise pour les liturgies officielles et ces règles de « brièveté » l’attristent profondément. Nous n’avons donc pas d’agnus Dei et seulement deux parties du credo, par contre le gloria est bien déployé, comme une expression de son action de grâce pour la guérison et le mariage.

Au niveau du style, cette messe se caractérise par l’influence de Bach et du contrepoint que Mozart vient de (re) découvrir en Allemagne alors qu’il était largement tombé dans l’oubli. Mozart marie le contrepoint et la musique classique avec une grande finesse. A la suite de Bach, il remet aussi le hautbois en exergue pour exprimer la douceur du mystère de Noël. Le hautbois a cette sonorité qui fait penser à la vie champêtre et aux petits bergers, il exprime la fragilité et la douleur des « petits » et des pauvres. Le hautbois a aussi une chaleur particulière, un boisé qui délivre une grâce naïve, une joie timide et enfantine. Cela correspond bien à l’esprit enfantin de Mozart dont Balthasar disait :

« L’immense œuvre de Mozart par contre semble avoir été élaborée sans effort, comme un enfant qui voit le jour déjà accompli et qui n’aurait pas de crise de croissance. Une fantasmagorie de l’époque originelle au paradis – avant la malédiction par laquelle « l’homme gagnera son pain à la sueur de son front, labourera avec peine le sol aride et enfantera dans la douleur » ? Et cette œuvre exceptionnelle doit-elle avoir encore un lien avec le christianisme, où la malédiction de la douleur est sauvée par une compassion plus profonde de Dieu?. Que l’on regarde d’un point de vue chrétien ou profane, ne sommes-nous pas justement en chemin entre le « paradis terrestre » et le « ciel », ne venons-nous pas de Dieu pour aller vers Dieu à travers les eaux et le feu du temps, de la souffrance et de la mort ? (…) Y a-t-il une meilleure façon de témoigner de la noblesse de notre filiation divine que cette actualisation continuelle de notre origine et de notre destination ? Tous ceux qui servent l’humanité comme une image ont essayé de s’y tenir, et en premier, Celui qui se savait le Fils du Père, et qui avait toujours devant les yeux le visage de Celui dont il accomplissait la volonté. En composant et en vivant, Mozart veut être son disciple et il le sert en faisant raisonner le chant triomphal de la création innocente et ressuscitée, dans lequel (selon la foi chrétienne à propos du ciel) la souffrance et la faute ne sont pas représentées comme des souvenirs lointains ou un « passé » mais comme un présent surmonté, pardonné, purifié. Personne ne peut ignorer chez Mozart le fluide doux et éternellement jeune de l’Eros qui s’engouffre partout comme un parfum intense et séduisant (…) car que faudrait-il transfigurer si ce n’est la création, qu’est ce qui doit être sauvé et prier si ce n’est la nature, l’enfant de Dieu ? Cela n’est pas « baroque » mais simplement chrétien. Mais où se trouve encore la reconnaissance du péché ? Il faudra bien le dire : chez Mozart elle se trouve dans la reconnaissance de la grâce. Et où trouve-t-on la peur du jugement ? En l’occurrence, elle est cachée dans l’espérance et la confiance en la rédemption. »

Le passage de « l’incarnatus est » nous introduit dans la nuptialité de Noël. Mozart rend grâce pour son épouse et met en valeur toutes la finesse de sa voix. Le Verbe s’incarne pour épouser notre chair, notre misère, notre fragilité. La voix descend du ciel avec beaucoup de légèreté et de simplicité, l’Esprit-Saint fait descendre la lumière divine dans la fragilité de Marie. Puis vient une longue vocalise d’épousailles sur les paroles « s’est fait homme », un échange sublime entre le divin et la chair, la nature et la grâce, l’eros et l’agapé. Le Verbe épouse chaque homme pour qu’il puisse chanter à pleine voix la gloire du Père. Le hautbois des bergers répond au chant de Marie. La réponse au don infini de l’incarnation est la joie enfantine de celui qui se sait aimé et découvre sa joie, sa beauté et sa dignité dans le regard du Père.

Nous vous proposons l’interprétation de « l’incarnatus est » du credo de la messe en ut mineur de Mozart. La soliste est Ursula Mühlemann lors du magnifique concert de l’Avent à Dresde, le 2 décembre dernier. « L’incarnatus est » se trouve à la minute 25’15 – 33’25. La qualité de l’orchestre « épouse » aussi la qualité du public, dont l’écoute, à l’intérieur comme de l’extérieur de la Frauenkirche de Dresde est pleine d’une « devotio » qui exprime le sens religieux et la communion de tout un peuple.

 

« L’incarnatus est » se trouve à la minute 25’15 – 33’25

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