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Carnet de route d’un réfugié syrien en Europe

Avec son téléphone portable, ce jeune catholique de 18 ans raconte l'exode tragique de sa famille. La foule anonyme des immigrés arrivant chaque jour en Italie et en Grèce reçoit un visage grâce au travail de Fabio Tonacci pour le journal italien RepublicaNotes de voyage de Hadar relatant son périple depuis Damas jusqu'en Suède.

Image : Republica.it

« 11 Juin – Damas

Départ pour ce grand voyage avec son père de 59 ans, ex–fonctionnaire du régime de Assaad. Sa soeur avec toute sa famille les accompagne : le mari et deux enfants de 5 et 3 ans.

Malgré la question de savoir s’ils vont, si petits, pouvoir supporter le voyage, l’espérance est plus forte que les craintes qui commencent à se présenter.

Haidar aurait, dans quelques mois, été appelé à combattre dans les rangs de l’armée officielle, et à prendre part à une guerre d’une violence incontrôlable.

Le père a conservé de l’argent, une petite fortune, qu’il cache sur tout son corps. Aucune assurance ne garantit un tel voyage !

A la frontière libanaise, ils déclarent qu’ils vont en vacances ; des vacances sans date de retour.

12 Juin – Smirne

Du Liban, une petite barque les emmène jusqu’aux côtes turques. Les prix sont exagérés : 100 dollars chacun, y compris pour les enfants. Arrivés à Smirne, le père réussit à parler avec 3 personnes qui font passer les réfugiés en Europe : un Kurde, un Turque et un Tunisien. Le Prix est fixé à 1900 dollars par personne et la destination est la Grèce. La traversée en zodiac est courte, mais se fera de nuit, avec de nombreuses autres personnes.

13 juin – Smirne

“Durant la nuit, le voyage commence, mais nous avons été bloqué par une moto de mer. Des hommes armés sont montés sur la barque et ont frappé notre pilote et emporté un morceau du moteur. Nous ne pouvions donc pas continuer le voyage. Les cris et les pleurs des femmes et des enfants n’intéressaient pas ces hommes armés”. Quand l’air commence à s’échapper du bateau, ils pénètrent tous dans l’eau glacée, afin de pousser l’embarcation jusqu’aux côtes grecques. Les gardes-côtes turques les secourent.

23 Juin – Mitilini

Depuis le 19 juin, ils attendent de pouvoir entrer dans le camp de réfugiés de Moria, où, après qu'on ait pris les empreintes digitales et leur photo, ils pourront recevoir les documents qui leur permettront de quitter l’île de Lesbos. Ils sont des centaines : Afghans, Syriens, Iraquiens.

Il n’y a pas d’eau courante et la nourriture est peu abondante. Les pleurs des enfants qui souffrent de diarrhées constantes sont incessants. Le froid est le pire ennemi durant les nuits et la fumée des feux de bois pour le combattre n’aide pourtant personne à dormir.

25 Juin – Athènes

Après l’enregistrement de la Police, ils réussissent à joindre Athènes. Un Syrien promet de leur obtenir une carte d’identité italienne pour pouvoir ensuite prendre l’avion pour l’Allemagne. Le coût : 600 Euros par personne. Quand il remet les documents, ils s’aperçoivent qu’ils sont faux, car il manque des renseignements et des sceaux. La police de l’aéroport n’aurait pas eut besoin de plus d’une minute pour s'en rendre compte. Il faudra donc parcourir un autre chemin pour aller jusqu’à Malmö, en Suède, où vivent déjà quelques membres de la familles, réfugiés depuis quelques mois. Les choses se compliquent !

1er juillet – Macédoine

A travers la forêt qui forme la frontière grècque, ils arrivent en Macédoine. Ils sont épuisés et blessés : Personne n’est en condition pour vivre cet effort. Le groupe est notamment composé de 12  enfants que les parents portent péniblement dans leurs bras, durant de longues heures de marche. Le GPS du téléphone portable aide pour arriver à l’étape suivante.

2 Juillet- Szeged (Serbie)

Les dangers sont pires que ce qu’on peut imaginer. Après 7 heures de marche, les 75 personnes sont intimidés par un groupe de bandits qui, avec un couteau essaient de voler tous les objets de valeur. Le groupe réussit à se libérer grâce au courage de quelques-uns des hommes, mais ils se rendent compte avec beaucoup de tristesse qu’aux cris de demande d’aide, personne ne répond. La Police de Szeged, en voyant le groupe, l’oblige violemment à s’asseoir en cercle ; les coups cessent lorsque quelques passants commencent à filmer et photographier la violence infligée aux femmes et aux enfants.

3 Juillet – Belgrade

Ils arrivent à Belgrade par le train. Après des nuits de danger, ils décident de se reposer quelques heures dans un parc, mais, au bout de quelques minutes, les gardiens du parc les chassent à grands cris, leur disant que : "C’est un parc pour personnes normales". Ils entendent parler de personnes qui sont dans leur même situation : "Un mur en Hongrie qu’il est possible de franchir". 

5 Juillet – Budapest

Ce n’est pas un mur mais la violence de la Police qui les attend à la frontière hongroise ; une violence trop forte pour le père et la soeur. Dans une espèce de "quartier général", ils passent des heures sans dormir et sans manger. Les enfants pleurent sans plus pouvoir se contrôler et la police ne veut autre  chose que leur départ le plus rapide possible du territoire. Après milles menaces et plusieurs contrôles, ils les laissent finalement continuer leur voyage, avec l’obligation d’abandonner le territoire dans les 24 heures.

6 Juillet – Salzbourg

Des personnes leur promettent de passer la frontière allemande au prix exorbitant de 700 euros par personne ; ce qui signifie les dernières économies jusque-là conservées. C’est impressionnant comme, dans une telle situation, les dits "parasites" déjà arrivés à destination, deviennent soudain des sauveurs et sont acclamés comme des héros par beaucoup.

7 Juillet – Munich

Arrivés sur une place de Munich, le père de famille se sent mal. Il tombe soudain sur le sol sans que personne n'ait le temps de réagir. La Croix Rouge l’emmène à l’Hôpital et les premiers secours et contrôles sont réalisés. De graves problèmes de coeur ne lui permettent pas de poursuivre le voyage avant 48h. La première séparation est nécessaire. Une fois remis, il retrouvera le reste de la famille à Hambourg.

11 Juillet – Malmö (Suède)

Arrivés à destination, la joie n’est pas complète. Le reste de la famille, faute d’argent, a parcouru un autre chemin jusqu’en Hollande. Haidar et son père, grâce à l’aide d’un Iraquien rencontré en chemin et qui vit au Danemark, obtiennent finalement le billet pour Malmö. "Arrivés dans un foyer pour refugiés, la première chose que nous avons faite est de demander l’asile. C’est le premier jour de ma nouvelle vie".

Cela fait quelques semaines pour Haidar, maintenant connu sous le nom de Elias, son nom de baptême, interdit en Syrie, que les choses s’améliorent. Grâce à la carte reçue à l’hôtel des réfugiés de Malmö, la première chose qu’il a achetée est une Bible en arabe et une nouvelle paire de lunettes pour pouvoir la lire. Le coût total pour "l’espoir d’une nouvelle vie" fût 7.500 Euros pour chaque membre de la famille… Une espérance qui se transforme pour beaucoup en tombeaux, quand pour différentes raisons ils perdent leur vie dans cette traversée. »

 

paru dans Republica le 16 juillet 2015.
Résumé et traduit par Mauricio Mugno et François Blanloeil. 
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1 Commentaire

  1. Bories

    Monaco est le mot italien pour Munich (Ja, München. Ich weiss, ich weiss…). Merci en tout cas pour ce formidable témoignage. Prions pour nos frères persécutés et pour leurs persécuteurs.

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