« Un visage c’est beau, mais une femme debout, c’est encore mieux. » Du haut de ses 89 printemps, la réalisatrice belge Agnes Varda (à qui l’on doit notamment le magnifique film « Cléo de 5 à 7 »), n’a rien perdu de sa fraîcheur et de son esprit.
Fruit de l’amitié avec l’artiste JR, « Visages, Villages » (à paraître en DVD le 22 Novembre) est un film inclassable, une sorte de promenade impromptue de village en village, simplement pour le plaisir de regarder, de s’émerveiller et de faire la connaissance de leurs habitants, au hasard des rencontres, au p’tit bonheur la chance. Un fermier et ses tracteurs, une bergère et ses brebis, les femmes du Havre et leurs maris : autant de visages qui prennent vie sous l’oeil bienveillant de la caméra d’Agnès.
Certes, l’improbable mais joyeux duo formé par la réalisatrice vétéran de la Nouvelle Vague et le mystérieux JR, qui ne quitte jamais ses lunettes de soleil, ne manque pas de piquer la curiosité de ceux qui les rencontrent. « C’est quoi, exactement, le but de votre voyage ? », demandent à plusieurs reprises leurs interlocuteurs amusés. En guise de réponse, JR montre leur camionnette dont la partie arrière est déguisée en appareil photo géant. « Nous prenons les photos, et 5 secondes plus tard elles sortent là », explique-t-il en désignant une large fente dans la carrosserie de l’étrange véhicule. « Les visages que je rencontre, explique Agnès Varda, je les photographie pour qu’ils ne tombent pas aussitôt dans les trous de ma mémoire ». Le duo sème ainsi de nombreux portraits géants au long de son périple.
JR, que l’on ne connait que par ses initiales, a réussi le prodige de devenir célèbre dans le monde entier tout en restant anonyme. Le jeune artiste français (33 ans), est sorti de l’ombre en 2010 lorsqu’il a reçu le prestigieux TED Prize pour son projet dans les favélas du Brésil. Couvrir de regards et de sourires imprimés les tôles ondulées et les ruelles mal-famées d’un bidonville brésilien, il fallait de l’audace pour oser et du coeur pour y penser.
Tout au long de la promenade de « Visages, Villages », JR met son regard, son appareil et sa camionnette au service de la réalisatrice : ses questions, ses souvenirs, ses amis. Un empilement vertigineux de containers dans le port du Havre, la façade d’une vieille grange, un bunker planté dans le sable au bas d’une falaise normande : autant de murs de fortune qui prennent un visage sous la direction énergique de JR et de son équipe.
Au fond, le but de leur voyage n’est peut être pas différent de celui de toute oeuvre d’art : nous rappeler la beauté de ce qui s’offre à nous tous les jours, – un visage, une femme debout… -, de faire sortir de l’ombre les trésors cachés, et de montrer la grandeur de ces choses que l’on dit petites.