Home > Fioretti > Une épiphanie polonaise

Magda, ancienne volontaire à Cuba et en Argentine, partage une rencontre faite en Pologne à l’occasion de l’Epiphanie. 

En novembre dernier, le Festival des Pauvres avait lieu à Cracovie comme dans le monde entier (cf Un pauvre crie, le Seigneur entend, du 27/11/2017). A cette occasion, une grande tente de la Rencontre se trouvait sur la place du Petit Marché, beaucoup de gens se mobilisaient pour travailler pour les plus pauvres, beaucoup priaient pour cette intention. Malgré le froid dehors, la chaleur venait de l'intérieur. Gestes d'amitié de toute part…

Néanmoins, la ligne de démarcation entre "les pauvres" et les autres était encore clairement sensible : un fossé invisible, marque de notre naissance, de notre éducation et de notre position dans la société, demeure malgré nos efforts pour le combler.

Mais ce ne furent pas seulement ceux « avec abri » qui donnèrent quelque chose. En effet, les sans-abri et les pauvres ont une richesse incommensurable à donner, une  richesse souvent intangible mais précieuse et durable. C'est le cas des membres de la communauté de Bethléem du père Mirek Tosza, venus à Cracovie pour témoigner de leur chemin vers Dieu et de la manière avec laquelle Il est apparu dans leurs vies. Autrefois sans foyer, ils ont trouvé une vraie maison dans cet endroit unique. Ils étaient perdus, ils ont trouvé le chemin qu'ils montrent désormais aux autres.

A qui s’adressait leur témoignage ? Le message des organisateurs ne fut peut-être pas très clair à cet égard. Pour les pauvres ? Si le buffet où était servi le café indiquait bien la ligne de démarcation dont j’avais parlé, les bancs de l’église où se déroulait le témoignage l’avaient effacée. Nous sommes tous pauvres, en foi et en espérance.

Cette rencontre me marqua tellement que je décidai d'aller à Jaworzno pour les  tournées traditionelles de chants de Noël (Kolędy) organisées par la communauté de Bethléem. Il faudrait beaucoup de temps pour écrire sur certaines folles initiatives du père Mirek (peut-être l’occasion d’un autre article), retenons pour cette fois la présence de quelques animaux accompagnant le cortège des mages qui circule de maison en maison sous la direction du prêtre pour, comme le veut la tradition, apporter la bénédiction de Noël. Attirée par ce folklore, devenu peu à peu étrange à la citadine que je suis, je me laissai entrainer dans ce beau rêve.

Et le folklore fut vraiment folklorique ! Les animaux autant que les instruments de musique ne manquèrent pas. L’essentiel cependant était ailleurs : immédiatement après une brève allocution sur la place du marché à Jaworniki, ordre fut donné de se mettre en chemin. Chacun des rois dans une direction différente, chacun avec sa caravane de chanteurs… Les rois, bien sûr, étaient les habitants de la maison Bethléem, les mêmes personnes qui avaient donné leur témoignage à Cracovie en novembre. L'un d'eux s'en fut chanter au centre pour personnes handicapées, l'autre à la maison de retraite, et mon roi au quartier des logements sociaux. 

Notre groupe composé d'environ 25 personnes, certains plus jeunes d’autres plus âgés, jouant et chantant, se posta au pied d’un immeuble de béton polonais classique. Au premier chant, les fenêtres commencèrent à s'ouvrir, le public surgissant peut à peu, les premiers enfants sont apparaissant en pantoufles au bas de la cage d'escalier. À ce moment, le père Mirek, qui nous accompagnait, demanda la permission d'entrer. Nous eûmes l'accord et entrames dans le bloc conduit par un cortège d’enfants.

Des couloirs longs et étroits. Des portes en carton de même facture et des inscriptions vulgaires sur presque chaque centimètre carré d'espace libre. L’immeuble est plein. Notre cortège parcourait tous les couloirs, s'arrêtant là où les hôtes voulaient bien ouvrir la porte de leur modeste maison. Les résidents nous rejoignirent lentement. D'abord, bien sûr, les enfants curieux, puis leurs mères, puis des frères et sœurs plus âgés qui, malgré des visages menaçants, regardaient avec un intérêt croissant cette visite inhabituelle. Il ne manquait pas non plus deux personnes en uniforme qui ont régulièrement à faire avec les résidents de l’immeuble et qui apparurent soudain devant nous au détour d'un couloir. 

Nous n'eûmes pas à attendre longtemps pour que nos voix soient renforcées par le chœur des enfants, vivement encouragés par le père Mirek qui se joint aussi au chant. Nous étions vraiment là ensemble. Pauvres visiteurs des pauvres, apportant Le Pauvre – celui qui a aimé les enfants et les simples. Celui qui se révèle indépendamment du lieu et du temps.

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