Dimanche 3 février, Nayib Bukele, maire de 37 ans, est élu au premier tour à la présidence de la République d’El Salvador sans le soutien des principaux partis qui se sont succédé au pouvoir depuis la fin de la guerre civile. Ce plébiscite soulève à la fois des espoirs et des préoccupations dans un pays où la pauvreté, la corruption et la violence prospèrent.
Quel est le parcours personnel et politique de Bukele ?
On sait qu’avant sa carrière politique, il a travaillé comme homme d’affaires, propriétaire de sa propre entreprise et en même temps, administrateur et président d’une société appelée OBERMET, S.A. DE C.V. (OBERMET, S.A. DE C.V.). En mars 2012, il s’est présenté comme maire de la municipalité de Nuevo Cuscatlan, dans le département de La Libertad, représentant une coalition entre les partis FMLN et CD. Aux élections municipales suivantes (2015), il se présente comme candidat à la mairie de San Salvador avec une différence de 3,88% par rapport au candidat du Parti ARENA. Deux ans plus tard, il a été expulsé de son parti après une longue période de frictions et de dénonciations avec les dirigeants du parti.
Après son expulsion, un Mouvement appelé « Idées Nouvelles » a commencé avec l’aspiration de créer un parti politique indépendant pour sa candidature aux élections présidentielles. Ne pouvant pas enregistrer le nouveau parti, il recourt au parti GANA, qui dans sa courte histoire a été associé à plusieurs reprises à des cas de corruption, mais qui avait déjà un enregistrement officiel pour les élections mentionnées.
Comment a-t-il acquis une telle popularité auprès du peuple salvadorien ? Comment s’est passée sa campagne ? Comment l’avait-il financée ?
La popularité de Bukele a augmenté dès le moment où il a été expulsé du FMLN parce que c’est sa critique de la façon avec laquelle ce parti gouvernait qui a mis fin à sa relation avec le parti politique. Sa campagne a été fortement motivée par l’énorme déception des Salvadoriens à l’égard du système bipartisan en place depuis 30 ans. Très tôt, cela a commencé à exploser lors de sa candidature à la mairie de San Salvador avec le slogan « l’argent suffit quand personne ne le vole ». En tant que candidat à la présidence, il a poursuivi avec succès la stratégie consistant à exploiter son charisme pour apporter la promesse de rompre avec le système actuel à une population qui cherche des alternatives aux mêmes résultats des dernières décennies. Pour sa part, le candidat qui est devenu le plus jeune président du Salvador (a, à son tour,) a géré à son tour, un projet tout aussi polarisé entre le nouveau (en sa faveur) et l’ancien (contre lui), ou comme il l’a décrit au début de sa campagne avec le GANA : « un Mouvement qui est prêt à retirer ARENA et le sommet du FMLN du pouvoir.
Pendant la majeure partie de sa campagne, les détails de son cabinet n’ont pas été connus et il n’y a pas eu de rapport officiel sur la façon dont elle a été financée, bien qu’elle ait été signalée comme la plus chère par rapport aux autres partis politiques. Cependant, elle se caractérise par une forte présence dans les réseaux sociaux et l’absence de déclarations, d’interviews et de débats dans les médias traditionnels.
Quelle a été la réaction à son élection ?
La population a une énorme attente sur l’avenir en dehors des 2 partis traditionnels. La propagande politique de Bukele s’est concentrée sur l’arrêt de la corruption des institutions publiques qui est profondément répudiée par les Salvadoriens, surtout après que des cas impliquant trois anciens présidents aient été révélés. C’est pourquoi, les réactions varient de grands espoirs d’un avenir meilleur, une satisfaction de sortir enfin d’un système bipartisan, un scepticisme face à une histoire politique décevante et même un antagonisme pour un président qui commence à gauche, critique fortement la droite, mais ne peut être catalogué idéologiquement comme un centre, car il ne montre que sa figure ambitieuse qui se prononce contre le système.
Quelles sont les grandes lignes de son programme ?
Selon ce qu’il a publié dans les réseaux sociaux, son programme implique de forts investissements dans les infrastructures pour renforcer la classe moyenne du pays et encourager les investissements par des entreprises privées, telles que : un aéroport à l’est, un hôpital au nord, un nouveau campus pour l’Université d’El Salvador, le nettoyage des rivières Acelhuate et Lempa, le port de Cutuco, un train au Salvador et un métro dans la zone urbaine de San Salvador. Quant au financement de ces projets, il s’agit encore une fois d’éradiquer la corruption et l’évasion fiscale.
Quelles sont ses relations avec les grandes puissances du pays (police, forces armées, pouvoir judiciaire, partis traditionnels) et son discours sur les groupes mafieux ?
Le plus grand défi pour le nouveau président sera de gouverner avec une assemblée qui, au moins jusqu’aux prochaines élections législatives, est presque entièrement dominée par les deux pouvoirs politiques qu’il a si fortement attaqués.
Dans sa campagne, Bukele a proposé d’investir dans la technologie et de moderniser la Police nationale civile dans le cadre de son plan de sécurité, mais les sources officielles de la PNC ont évité de se prononcer sur la question depuis qu’il a publié dans ce plan la localisation géographique, au niveau national, des zones où la police a détecté que les deux principaux gangs fonctionnent, information qui est considérée comme réservée.
En général, la proposition du président élu concernant le problème des gangs est une stratégie de prévention, de réhabilitation et d’insertion ; son plan prévoit également une présence policière accrue dans les écoles, les communautés et les transports publics.
Quels sont les risques ?
Pour un pays confronté à de nombreux défis, l’élection d’un président qui n’a pas été proposé par un parti politique solide et stable représente un risque élevé pour la continuité des plans du gouvernement.
La récente élection semble s’inscrire dans un phénomène qui se répand de plus en plus dans la région, comme c’est le cas de Jair Bolsonaro, Andres Lopez Obrador et Mauricio Macri, qui ont indépendamment battu les partis établis avec de nombreux avantages. Mais au El Salvador, le système qui a prévalu pendant des décennies, où une partie en a discrédité une autre sans possibilité de continuité dans les plans de développement, a déjà démontré ses conséquences négatives.
Un gouvernement qui peut être entièrement remplacé au cours de la prochaine période électorale et qui a l’intention d’investir massivement dans les infrastructures pourrait avoir de graves conséquences sur l’économie du pays, surtout lorsque ce manque de stabilité limite la capacité du président à négocier des accords politiques à long terme.
Pour éviter un avenir plus compliqué, il est nécessaire d’être critique et vigilant face à la nouvelle façon de gouverner, qui représente un défi pour une population qui, en termes généraux, doit apprendre à exiger.
Traduit de l’espagnol par J.K